Décision n° 87-D-09 du 12 mai 1987 relative au système informatisé d’aide à l’expertise automobile exploité par la société Sidexa

LE CONSEIL DE LA CONCURRENCE, siégeant en formation plénière,

Vu les ordonnances nos 45-1483 et 45-1484 du 30 juin 1945 modifiées relatives respectivement aux prix et à la constatation, la poursuite et la répression des infractions à la législation économique ;

Vu la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 relative au contrôle de la concentration économique et à la répression des ententes illicites et des abus de position dominante et le décret n° 77-1189 du 25 octobre 1977 fixant les conditions d’application de cette loi ,

Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 pris pour son application ;

Vu la loi n° 72-1097 du 11 décembre 1972 modifiée relative à l’organisation de la profession d’expert en automobile  ;

Vu la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 relative à diverses dispositions d’ordre économique et financier, notamment son article 32, créant un monopole des expertises au profit des experts en automobiles  ;

Vu la décision n° 82-DC du ministre de l’économie et des finances en date du 30 juillet 1982, ensemble l’avis émis par la commission de la concurrence le 18 février 1982 sur la compatibilité avec les règles de concurrence d’un système d’aide informatique aux services d’expertise automobile ;

Vu la lettre du 18 février 1985 par laquelle la chambre syndicale nationale des experts en automobiles et matériel industriel a saisi la commission de la concurrence du dossier relatif à la mise en place du système informatisé d’aide à l’expertise automobile commercialisé par Sidexa ;

Vu les observations présentées par les parties sur le rapport qui leur a été notifié le 13 novembre 1986  ;

Le commissaire du Gouvernement, le rapporteur général et les parties entendus ;

Retient les constatations (I) et adopte la décision (II) ci-après exposées :

I. - Constatations

La double nécessité de maîtriser le coût de l’assurance automobile et l’information relative aussi bien au coût de la réparation qu’aux conditions dans lesquelles s’effectuent les expertises a conduit les professionnels principalement intéressés par l’expertise - assureurs et experts - à envisager de recourir à des procédés informatisés.

Il existe actuellement trois systèmes informatisés d’aide à l’expertise, dont le système Audatex, qui a été introduit en France en 1982 par la société Sidexa créée à cette fin par un groupe d’assureurs : Abeille-Paix, A.G.F., G.A.N., Drouot, Mutuelles unies, Rhin et Moselle - Assurances françaises, Via Assurances Nord et Monde, Préservatrice foncière.

Ce système repose sur la mise à la disposition des utilisateurs de deux fichiers relatifs aux prix des pièces de rechange figurant sur les catalogues des constructeurs et aux temps d’échange de ces pièces tels qu’ils ont été établis par les constructeurs avec l’agrément de l’association Sécurité et réparation automobile (S.R.A.). Sont mises en mémoire les données relatives à toutes les pièces susceptibles d’être changées après un choc.

Par décision en date du 30 juillet 1982, au vu d’un avis de la commission de la concurrence du 18 février précédent, le ministre de l’économie et des finances, après avoir reconnu comme utile le principe d’un système informatique a enjoint à la société Sidexa de rendre le système Audatex-Sidexa compatible avec les règles de la concurrence en procédant aux aménagements suivants :

a) Modification des imprimés de saisie des données de telle sorte qu’il soit matériellement possible à l’expert de consigner sur ce document les temps qu’il entend éventuellement substituer aux temps du barème ;

b) Modification du système Audatex de telle sorte qu’à défaut de la mise au point d’un barème de temps reconnu comme fiable par l’ensemble des professionnels et autres parties concernées, la pluralité des barèmes de référence puisse être sauvegardée ;

c) Indication très visible sur les imprimés du fait que les temps programmés n’ont qu’un caractère indicatif et qu’il est oeuvre d’expert de déterminer les temps réels de réparation  ;

d) Distribution à chaque utilisateur du système Audatex d’un opuscule décrivant de façon claire les conditions d’élaboration de chacun des barèmes utilisés ;

e) Modification du système Audatex de façon à permettre à l’expert de choisir au moyen d’un code le catalogue de prix de pièces détachées auquel il entend se référer.

La chambre syndicale nationale des experts en automobiles et matériel industriel (C.S.N.E.A.M.I.) a saisi la Commission de la concurrence sur deux points concernant la mise en oeuvre du système Audatex-Sidexa.  En premier lieu, elle dénonce les menaces qu’auraient proférées certains assureurs de retirer leur clientèle aux experts qui n’utiliseraient pas le système, en estimant que ces pratiques portaient atteinte au principe d’indépendance des experts posé par la loi de 1972. En second lieu, elle dénonce les rigidités du système en faisant état du non-respect par Sidexa des injonctions ministérielles.

II. - A la lumière des constatations qui précèdent, le Conseil de la concurrence :

Considérant que la Commission de la concurrence a été saisie par la chambre syndicale nationale des experts en automobiles et matériel industriel sur la base de l’article 52 de l’ordonnance de 1945 ; qu’il appartient au Conseil de la concurrence de statuer sur cette saisine en vertu des dispositions de l’article 59 de l’ordonnance susvisée du 1er décembre 1986, qui dispose que, lorsque le rapport prévu à l’article 52 de l’ordonnance de 1945 a été notifié aux parties avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er décembre 1986, les pouvoirs dévolus au ministre chargé de l’économie en application des articles 53 et 54 de l’ordonnance de 1945 sont exercés par le Conseil de la concurrence -, que dès lors, le Conseil de la concurrence est compétent pour apprécier les conditions dans lesquelles les injonctions prononcées en 1982 par le ministre de l’économie et des finances à l’encontre de la société Sidexa ont été respectées  ;

Considérant, d’une part, que la chambre syndicale demanderesse fait valoir que la mise en oeuvre du système Sidexa est contraire au principe d’indépendance consacré par la loi du 2 décembre 1972 relative à l’organisation de la profession d’expert en automobile et aurait été accompagnée de pressions attentatoires à cette indépendance ; que le Conseil de la concurrence n’est pas compétent pour statuer sur les conditions d’application de ladite loi, qui relèvent de l’appréciation des tn@bunaux judiciaires ,

Considérant, d’autre part, que la chambre syndicale, auteur de la saisine, fait valoir que la société Sidexa n’a pas entièrement exécuté les obligations qui découlent de l’injonction ministérielle ; qu’il résulte de l’instruction que, si trois de ces injonctions ont bien été respectées (modification des imprimés de saisie permettant à l’expert d’indiquer un temps différent de celui du fichier, mention du caractère indicatif des temps, distribution d’un opuscule), les deux autres ne l’ont pas été ou ne l’ont été que partiellement ; qu’en effet, la société Sidexa n’a entrepris aucune modification ni aucune étude pour adapter son logiciel de telle sorte que les utilisateurs aient une pluralité de barèmes de temps à leur disposition ; qu’en ce qui concerne les prix des pièces, le fichier informatisé s’en tient également aux prix des catalogues des constructeurs, même lorsque les pièces concernées sont susceptibles d’être fabriquées et vendues par des équipementiers et de concurrencer les pièces des constructeurs ;

Considérant que, d’une manière générale, afin de prévenir les risques de rigidité du marché que peut entraîner, directement ou indirectement, la mise en application de barèmes informatisés de prix, de produits ou de services, il y a lieu d’incorporer à ceux-ci le plus grand nombre possible d’informations sur les prix, qui soit compatible avec l’efficacité du système ;

Considérant qu’en l’espèce l’élaboration par les professionnels et l’introduction dans les systèmes informatisés d’aide à l’expertise de barèmes établis sur la seule base des strictes nécessités techniques de la réparation sont d’autant plus souhaitables et nécessaires que l’ordonnance du 1er décembre 1986 a instauré le régime de la liberté des prix ;

Considérant cependant que les conditions actuelles d’élaboration par les professionnels des différents barèmes de temps dits « rixes » ou « à fourchette » sont telles que ces barèmes sont très proches les uns des autres et prennent tous en compte des éléments étrangers aux nécessités techniques de la réparation ; que cette circonstance ne peut être reprochée à Sidexa ; que, dès lors, compte tenu de la possibilité donnée aux experts de substituer leurs évaluations des temps de réparation à celle fournie par le système et en l’absence de barèmes établis dans les conditions précisées à l’alinéa précédent, il ne peut être fait grief à Sidexa de ne pas avoir introduit dans le système Audatex de nouveaux barèmes qui, dans les conditions actuelles, ne seraient pas de nature à améliorer le jeu de la concurrence  ;

Considérant, pour ce qui est du prix des pièces détachées, que la référence exclusive au catalogue des prix des pièces de mécanique des constructeurs, alors même qu’il existe des pièces dites « concurrencées » fabriquées par des équipementiers, ne peut être considérée comme une contribution au progrès économique des systèmes informatisés d’aide à l’expertise ; que, toutefois, Sidexa a proposé d’indiquer, pour chacune des pièces d’origine, l’éventuelle existence de pièces considérées par leurs fabricants comme équivalentes, de sorte que l’expert puisse exercer avec le maximum d’informations disponibles, dans le respect du droit des assurances et des règles régissant l’exercice de sa profession, le choix des prix auxquels il entend se référer , qu’une telle mesure est de nature à satisfaire l’injonction ministérielle sur la flexibilité nécessaire en matière de prix des pièces détachées ;

D E C I D E :

Article premier. - Le conseil n’est pas compétent pour connaître d’éventuelles atteintes au principe d’indépendance des experts posé par la loi du 2 décembre 1972.

Article 2. - Il est pris acte de l’engagement de la société Sidexa d’indiquer dans ses barèmes de prix, pour chacune des pièces d’origine, l’éventuelle existence de pièces considérées par leurs fabricants comme équivalentes.

Délibéré en formation plénière, sur le rapport de Mme V. SELINSKY, dans sa séance du 12 mai 1987 où siégeaient : MM. LAURENT, président, BETEILLE, PINEAU, vice présidents ,MM. AZEMA, CABUT, CERRUTI, CORTESSE, FLECHEUX, FRIES, GAILLARD, Mme LORENCEAU, M. MARTIN LAPRADE, Mme PINOT, MM. SCHMIDT et URBAIN, membres.

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