Le Conseil constitutionnel et la liste des candidats à l’élection du Président de la République

Par Emmanuel TAWIL
Allocataire de recherche, Université Marc Bloch, Strasbourg

Aucune autre élection présidentielle n’a suscité autant de critiques, de commentaires, d’interrogations sur le rôle du Conseil constitutionnel lors de l’établissement de la liste des candidats à l’élection du Président de la République. La loi du 6 novembre 1962 prévoit, en effet, que le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats à l’élection du Président de la République et, est également compétent pour connaître du contentieux de l’établissement de cette liste.

Aucune autre élection présidentielle n’a suscité autant de critiques, de commentaires, d’interrogations sur le rôle du Conseil constitutionnel lors de l’établissement de la liste des candidats à l’élection du Président de la République.

Certes, les modalités pratiques de son intervention avaient été critiquées au cours des élections précédentes. Mais l’élection de 2002 a donné lieu à de multiples reproches des candidats et des commentateurs politiques.

Dans ce contexte polémique, afin de confirmer ou d’infirmer certaines critiques, il convient de rappeler quel est le rôle du Conseil constitutionnel.

La loi du 6 novembre 1962 prévoit que le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats à l’élection du Président de la République (1ère partie). Mais il est également compétent pour connaître du contentieux de l’établissement de cette liste (2ème partie).

I. L’ETABLISSEMENT DE LA LISTE DES CANDIDATS

Le Conseil constitutionnel est chargé, aux termes de l’article 3 I 2ème alinéa de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962 de procéder à l’établissement de la liste des candidats à la présidence de la République. Il est ainsi amené à prendre en compte divers éléments de droit et de fait relatifs tant à la présentation qu’à la candidature.

A. L’examen de la présentation

Le Conseil constitutionnel examine la présentation. Il doit prendre en compte la forme, le respect des délais et la qualité du présentateur.

1) L’examen de la forme de la présentation et du respect des délais

a) L’usage de formulaires

Les textes relatifs à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct n’exigeaient pas, originellement, que la présentation soit faite sur un formulaire. L’article 3 du décret du 14 mars 1964 prévoyait seulement la rédaction des présentations sur papier libre, bien que certaines mentions fussent obligatoires. Le Conseil constitutionnel, dans sa déclaration du 24 mai 1974, émit le vœu que « les présentations fussent établies sur un formulaire officiel tenu à la disposition des citoyens » [1]. Les pouvoirs publics ont suivi cette recommandation. Et en conséquence, l’article 3 du décret du 14 mars 1964 fut modifié. Son alinéa 1er prévoyait que « les présentations sont rédigées sur des formulaires imprimés par les soins de l’administration conformément au modèle arrêté par le Conseil constitutionnel ». Ces dispositions sont reprises par l’article 3 alinéa 1 du décret du 8 mars 2001, qui remplace le décret de 1964.

Ces formulaires doivent être envoyés par l’administration aux élus habilités à présenter des candidats. Lorsque l’élection survient au terme normal du mandat du président sortant, la date à laquelle doivent être envoyés ces formulaires est fixée par décret. Les pouvoirs publics sont tenus de respecter un certain délai : la date d’envoi des formulaires doit précéder d’au moins quinze jours la publication du décret convoquant le corps électoral [2]. Lorsque l’élection a lieu à la suite de vacance ou d’empêchement définitif du Chef de l’Etat, les formulaires doivent être adressés aux présentateurs potentiels dès la publication de la déclaration du Conseil constitutionnel constatant la vacance ou le caractère définitif de l’empêchement [3]. En pratique, le formulaire est accompagné d’une notice explicative établie après avis du Conseil constitutionnel. De plus, il faut signaler que les formulaires sont en principe depuis longtemps dans les stocks des préfectures [4].

L’obligation de recourir aux formulaires prévus est impérative. Le non-respect de cette condition entraîne l’invalidité de la présentation [5]. Le Conseil constitutionnel est très strict. Il refuse de prendre en compte des photocopies [6] ou des spécimens [7]. Pour être valable, la présentation doit être rédigée sur un formulaire original.

La question de la légalité de ces exigences n’a pas pu être contestée devant le Conseil constitutionnel saisi par voie d’action [8]. Toutefois, à l’occasion de l’examen d’une requête formée contre la liste des candidats, il a accepté de se prononcer par voie d’exception [9]. Le Conseil constitutionnel a alors affirmé leur conformité à la loi.

En 2002, le Conseil constitutionnel a relativisé les effets de ces exigences : « La position adoptée par le Conseil en matière de régularité des formulaires n’a eu pour effet ni de permettre à tel ou tel candidat de franchir le seuil des 500 signatures, ni, à l’inverse, de faire passer tel ou tel autre sous le seuil des 500. Elle est donc restée neutre sur le nombre comme sur l’identité des candidats retenus » [10].

b) Les délais de réception des formulaires

Les présentations, pour être valables, doivent parvenir au Conseil constitutionnel dans un délai clairement défini.

L’article 2 du décret du 8 mars 2001 prévoit que les présentations doivent arriver, au plus tôt, à la date de la publication du décret convoquant les électeurs et au plus tard le 19ème jour précédant le scrutin, à minuit. Le Conseil constitutionnel considère, logiquement, comme invalides les présentations qui lui parviennent prématurément. Il les renvoie à leur auteur. En 1988, 797 présentations furent renvoyées [11]. En 1995, les présentations prématurées furent plus nombreuses : 1037 [12]. Mais en 2002, il n’y en eut que 14 [13]. Le Conseil constitutionnel rejette également les présentations tardives [14]. Il a ainsi du renvoyer 512 présentations en 1988 [15]. Toutefois, il est plutôt souple. En 1995, il a admis la validité de toutes les présentations arrivées seulement le lendemain ou le surlendemain de la date limite prévue, mais qui, ayant été postées la veille de cette date limite, seraient parvenues au Conseil constitutionnel dans les délais « en cas de diligence optimale de La Poste, sans faire de distinction selon le lieu où elles avaient été postées » [16]. En 2002, le Conseil a appliqué le même principe : « les formulaires arrivés rue de Montpensier les 3 et 4 avril par voie postale ont été pris en compte dès lors qu’ils avaient été postés avant le 2 avril à minuit (le cachet de la poste faisant foi) et qu’ils étaient parvenus au Conseil avant sa séance du 4 avril à 16 heures, séance au cours de laquelle devait être arrêtée, en vertu des textes, la liste des candidats » [17]. Le Haut Conseil a également admis les formulaires arrivés le lendemain de la date limite, mais correspondant à un fax adressé au Conseil avant épuisement de délai prévu [18].

L’article 2 du décret du 8 mars 2001 admet que certaines catégories de présentateurs puissent adresser leur présentation non au Conseil constitutionnel, mais à un représentant de l’Etat plus proche d’eux géographiquement. Ainsi les élus de l’Outre-mer peuvent adresser leur présentation au représentant de l’Etat dans leur département ou leur territoire. De même les membres du Conseil supérieur des français de l’étranger peuvent adresser les formulaires de présentation aux chefs de poste diplomatique ou consulaire. Il incombe à ces autorités d’assurer la notification de ces présentations au Conseil constitutionnel. Les exigences de délai sont les mêmes, bien que le Conseil semble plus souple [19].

Il faut signaler également que le Conseil constitutionnel n’est pas très strict quant aux modalités par lesquelles lui arrivent les présentations. Il admet que les dispositions du décret « n’impliquent pas que l’auteur de la présentation la fasse lui même parvenir au Conseil constitutionnel [et] ne font pas obstacle[…] à ce qu’une ou plusieurs présentations soient adressées ou déposées au Conseil constitutionnel par le candidat lui-même ou par une formation politique qui lui apporte son soutien » [20].

2) L’examen des conditions de fond

Le Conseil constitutionnel vérifie également que les conditions de fond de validité des présentations soient réunies. Il contrôle ainsi la qualité des présentateurs et le nombre des présentations.

a) La vérification de la qualité des présentateurs

Le Haut Conseil examine les présentations sous l’angle des présentateurs.

Il vérifie tout d’abord que les présentations émanent de l’une des personnalités à laquelle la loi accorde ce pouvoir. Aux termes de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, dans sa rédaction actuelle, seuls peuvent présenter un candidat à la présidence de la république les « citoyens membres du Parlement, des conseils régionaux, de l’Assemblée de Corse, des conseils généraux des départements, de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du Conseil de Paris, de l’Assemblée de la Polynésie française, du Congrès et des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie, de l’Assemblée territoriale des îles Wallis et Futuna, maires, maires délégués des communes associées, maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ou membres élus du Conseil supérieur des Français de l’étranger. Les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d’agglomération ou des communautés de communes et les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France peuvent également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat à l’élection présidentielle ».

Le Conseil constitutionnel doit vérifier que les présentateurs aient réellement l’une de ces qualités. A défaut, la présentation ne serait évidemment pas valable [21]. Le Haut conseil a apporté un certain nombre de précisions. Il admet les auto-présentations [22]. De plus, le Conseil constitutionnel avait posé le principe selon lequel la qualité du présentateur s’apprécie au jour où la présentation est remise au Conseil constitutionnel ou parvient au représentant de l’Etat compétent aux termes de l’alinéa 2 de l’article 2 du décret du 8 mars 2001.

Avait été ainsi écartée une présentation déposée postérieurement à l’acceptation par le préfet de la démission du présentateur [23]. Mais en 1995, le Haut Conseil a semblé revenir sur ce principe, en prenant en compte la qualité du présentateur au moment de la signature. En effet, il a admis la validité d’une présentation signée par un maire décédé avant que le Conseil constitutionnel ne l’ait reçu [24]. Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la validité d’une présentation signée par un adjoint remplaçant le maire « dans la plénitude de ses fonctions » au sens de l’article L. 2122-17 du Code général des collectivités territoriales. Après avoir admis la validité d’une telle présentation, le Haut Conseil est revenu sur cette pratique [25].

Il doit également vérifier l’authenticité de la présentation. Il faut d’abord, comme l’exige l’article 4 du décret de 2001, que le formulaire soit signé par l’auteur de la présentation. Le Conseil constitutionnel exige une signature manuscrite. Sont refusés les griffes, les paraphes, ainsi que les utilisations de machines à signer [26]. L’article 4 du décret prévoit d’autres exigences : les présentateurs doivent préciser le mandat au titre duquel ils présentent un candidat ; les présentations émanant d’un maire ou d’un maire délégué doivent être revêtues du sceau de la mairie.

b) Le nombre et l’origine géographique des présentations

Le Haut Conseil doit décompter les présentations en fonction de l’origine géographique de leur auteur.

En effet, pour être candidat à la présidence de la République il faut être présenté par un nombre minimum de personnalités. La loi du 6 novembre 1962 prévoyait qu’il fallait cent présentations émanant de dix départements. Mais face au risque de voir se multiplier les candidatures excentriques, le législateur, suivant le vœu émis par le Conseil constitutionnel, a décidé d’augmenter le nombre des présentations. La loi organique du 18 juin 1976 a modifié la loi de 1962.

Désormais, il faut cinq cents signatures émanant de trente départements ou territoires d’outre-mer, sans que plus d’un dixième des présentateurs soient les élus d’un même département ou territoire [27].

De plus, il a été précisé que les sénateurs représentant les français de l’étranger et les membres du Conseil supérieur des Français de l’étranger sont réputés être les membres d’un même département ou territoire. Il résulte également de l’article 3 I alinéa 3 que « les ressortissants français membres du Parlement européen élus en France sont réputés être les élus d’un même département ». Le statut spécifique de la Calédonie implique des dispositions du même ordre : « les députés et le sénateur élus en Nouvelle-Calédonie et les membres des assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie sont réputés être élus d’un même département d’Outre-Mer ou territoire d’Outre-Mer » [28]. Le législateur a également décidé de rattacher les présidents des organes délibérants des communautés urbaines, des communautés d’agglomération et des communautés de communes au département auquel appartient la commune dont ils sont délégués.

La situation des conseillers régionaux et des membres de l’Assemblée de Corse est plus complexe : ils « sont réputés être les élus des départements entre lesquels ils sont répartis selon les modalités prévues par les articles L. 293-1 et L. 293-2 du Code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la loi organique n°2001-100 du 5 février 2001 » [29]. Les dispositions du Code électoral auquel il est ainsi renvoyé prévoient une répartition par les conseils régionaux et par l’Assemblée de Corse [30].

Le nombre de présentations effectuées est considérable. Il y en eut 15197 en 1988 [31], 13983 en 1995 [32] et 17825 en 2002 [33]. Ce chiffre est assez élevé si on le rapproche du nombre de présentateurs potentiels, qui est d’environ 40000 [34]. Le Conseil constitutionnel doit décompter le nombre de présentation en tenant compte de leur origine. Avant 1988, il devait y être procédé manuellement. Mais depuis 1988, existe un traitement informatisé des candidatures [35].

c) Les présentations multiples

Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur le problème des présentations multiples.

L’article 6 du décret du 8 mars 2001 prévoit que les présentateurs « ne peuvent faire de présentation que pour un seul candidat ». Il ajoute : « en aucun cas, les présentations ne peuvent faire l’objet d’un retrait après leur envoi ou leur dépôt ». Le Conseil constitutionnel en a logiquement déduit que les présentations multiples étaient prohibées.

En cas de présentation émanant d’un présentateur qui a déjà présenté un candidat, le Conseil constitutionnel a d’abord considéré comme valable la première qui lui est parvenue, les suivantes étant invalides [36]. Mais il est revenu sur cette jurisprudence. Dans sa décision du 21 avril 1974, Lafont [37], le Conseil constitutionnel a décidé que les présentations émanant de personnalité ayant déjà fait acte de présentation doivent être toutes considérées comme invalides. Le professeur Franck a remarqué que cette solution était « contraire à la logique et aux textes » [38]. Le Conseil constitutionnel est finalement revenu à sa jurisprudence de 1969. Désormais, en cas de présentations multiples, il ne prend en compte que la première qui lui est parvenue [39].

d) La publication des signatures

L’article 3 I de la loi du 6 novembre 1962, modifiée par la loi du 18 juin 1976 dispose : « le nom et la qualité des citoyens qui ont proposé les candidats inscrits sur la liste sont rendus publics par le Conseil constitutionnel huit jours au moins avant le premier tour de scrutin, dans la limite du nombre requis pour la validité de la candidature ». Cette liste est publiée au Journal officiel [40]. En 2002, elle a également été publiée sur le site internet du Conseil constitutionnel.

Le nombre de présentation est fréquemment plus élevé que le nombre requis par les textes. C’est pourquoi le Conseil constitutionnel a adopté un mode de sélection des présentations qui seront rendues publiques. Le Conseil constitutionnel a décidé de procéder à un tirage au sort [41].

Toutefois depuis 1988, à titre d’information, il affiche la liste intégrale des présentations dans ses locaux [42]. Le Conseil constitutionnel a émis le souhait « que soit publié au Journal officiel le nom de tous les présentateurs » [43].

B. L’examen des candidatures

Le Conseil constitutionnel doit opérer également un contrôle des candidatures. Il vérifie que les personnes présentées répondent à diverses exigences. Le Haut Conseil contrôle le consentement des candidats, le dépôt de leur déclaration de situation patrimoniale et les conditions d’éligibilité.

1) Le consentement des candidats

L’article 3 I, alinéa 4, de la loi du 6 novembre 1962, prévoit que le Conseil constitutionnel vérifie le consentement des candidats. En pratique c’est le secrétaire général qui, au nom du Haut Conseil, recueille les consentements des candidats, dès lors que le nombre des présentations le justifie [44]. Le consentement est « exprimé par écrit par la plupart des candidats » [45].

2) Le dépôt de la déclaration de situation patrimoniale

La loi du 6 novembre 1962, modifiée par la loi organique du 11 mars 1988, impose aux candidats, « à peine de nullité de leur candidature » [46], de déposer une déclaration de situation patrimoniale sous pli scellé. Le texte renvoie à l’article L.O. 135-1 du Code électoral pour déterminer le contenu de cette déclaration. La déclaration doit être « exacte et sincère » [47]. Elle doit concerner « la totalité [des] biens propres ainsi que, éventuellement, ceux de la communauté ou les biens réputés indivis en application de l’article 1538 [48] du Code civil » [49]. Le texte détermine également les modalités d’évaluation : « ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droit de mutation à titre gratuit » [50].

Toutefois, le Conseil constitutionnel ne peut vérifier la véracité des informations contenues dans la déclaration. En effet, comme l’écrit Olivier Schrameck, le « mode de fermeture ne permet pas au Conseil de s’assurer que leur contenu correspond bien aux exigences de la loi » [51] : les plis ne peuvent pas être ouverts puisqu’ils sont rendus aux candidats non élus [52]. Lors de l’établissement de la liste des candidats, le Conseil constitutionnel examine seulement le dépôt d’un pli scellé. Dans ses décisions du 7 avril 1988 et du 6 avril 1995, le Conseil a précisé qu’il a seulement « constaté le dépôt du pli scellé exigé » [53] .

Les candidats doivent également s’engager, s’ils sont élus, à déposer au terme de leur mandat une nouvelle déclaration de situation patrimoniale. Le Conseil constitutionnel reçoit cet engagement [54]. Il n’inscrit une personnalité sur la liste des candidats que si cette formalité est remplie [55].

3) Les conditions d’éligibilité

Le Conseil constitutionnel contrôle au moment de l’établissement de la liste l’éligibilité des candidats. C’est particulièrement remarquable dans la mesure où aucun texte ne concerne spécifiquement l’éligibilité du Président de la République [56]. Malgré ces ambiguïtés le Conseil constitutionnel a pu préciser certaines conditions d’éligibilité.

a) L’âge

La première condition est une condition d’âge. Le Conseil constitutionnel considère que le renvoi opéré par l’article 3 II de la loi du 6 novembre 1962 à l’article L.O. 44 du Code électoral rend ce dernier applicable aux candidatures pour l’élection du Président de la République [57]. Pour être éligible, il faut avoir vingt-trois ans révolus [58].

b) Les obligations militaires

La seconde condition est relative aux obligations militaires. L’article L.O. 45 du Code électoral est considéré comme applicable du fait du renvoi de l’article 3 II de la loi du 6 novembre 1962. L’article L.O. 45 dispose : « nul ne peut être élu s’il ne justifie avoir satisfait aux obligations de la loi sur le recrutement de l’armée ». Le Conseil constitutionnel a été amené à se prononcer sur les obligations résultant de ces textes dans le cadre de l’élection du Président de la République.

Il a considéré qu’il fallait interpréter strictement les restrictions aux droits électoraux : « il résulte de cette disposition que le législateur a entendu subordonner l’accès à ces fonctions électives à la condition que les intéressés aient rempli les obligations militaires correspondant à leur âge et à leur situation au regard de la loi sur le recrutement ; […] cette condition est donc remplie par ceux qui, étant appelés sous les drapeaux pour accomplir leur service militaire actif ont déféré à cet appel » [59].

En 2002, le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il devait rejeter les candidatures des personnes qui ne sont pas « en règle des obligations imposées par la loi instituant le service national » [60].

c) La jouissance des droits civils et politiques

La troisième condition que le Conseil constitutionnel contrôle est la jouissance des droits civils et politiques. Le Haut Conseil a considéré que l’article L.O. 199 du Code électoral s’applique à l’élection du Président de la République.

Cela a pour conséquence que les personnes privées de leur droits civils et politiques par une décision de justice passée en force de chose jugée [61] ainsi que les personnes pourvues d’un conseil judiciaire [62] ne sont pas éligibles à la présidence de la République.

Après avoir contrôlé le respect deces conditions, il revient au Conseil d’arrêter la liste des candidats. La publication de cette liste au Journal officiel doit intervenir au plus tard le seizième jour précédent le premier tour [63]. Lors des élections de 1965, 1969 et 1974 les candidats à l’élection du Président de la République étaient classés par ordre alphabétique [64]. Mais, le 24 février 1981, le Conseil constitutionnel a décidé que l’ordre de la liste des candidats serait déterminé par voie de tirage au sort [65].

II. LE CONTENTIEUX DE L’ETABLISSEMENT DE LA LISTE DES CANDIDATS

L’article 8 du décret du 8 mars 2001, comme auparavant l’article 7 du décret du 15 mars 1964, ouvre une faculté de recours devant le Conseil constitutionnel contre la décision par laquelle est établie la liste des candidats. Le Conseil d’Etat n’a aucune compétence en la matière [66].

L’objet du contrôle du Conseil constitutionnel est très clairement défini par la jurisprudence. Dans trois des quatre décisions du 7 avril 2002 il rappelle que ce contrôle ne peut porter que sur l’établissement, par lui-même, de la liste des candidats [67].

Le Conseil constitutionnel a été saisi à de nombreuses reprises. Il a ainsi précisé divers éléments relatifs aux aspects procéduraux, ainsi qu’aux moyens invocables.

A. Le droit du contentieux de la liste des candidats

Le Conseil constitutionnel a précisé quelques aspects de procédure. Sont clairement définis la qualité pour agir et le délai de saisine.

1) La qualité pour agir des requérants

Le Conseil a précisé les dispositions du décret quant à la qualité des requérants. L’article 8, alinéa 1er du décret limite le droit de recours à « toute personne ayant fait l’objet de présentation ». Le Conseil constitutionnel interprète cette disposition assez strictement.

Il considère qu’un candidat à la candidature n’ayant fait l’objet d’aucune présentation n’est pas recevable à contester la liste qu’il a établie [68]. Il a rappelé ce principe en 2002 [69]. Ainsi une personne morale, ne pouvant faire l’objet de présentation, ne pourra jamais agir devant le Conseil constitutionnel [70]. De même, si une personne a fait l’objet de présentations, mais qu’aucune d’entre elles n’est valide, sa requête est irrecevable. Il en est notamment ainsi quand aucune présentation n’a été faite dans le respect des formes prévues par l’article 3 du décret du 8 mars 2001 [71].

Toutefois, il ne semble pas que l’inéligibilité à la présidence de la République à la suite d’une condamnation pénale soit une cause d’irrecevabilité de la requête, contrairement à ce qu’affirme une partie de la doctrine [72]. En effet, lors de sa décision du 21 avril 1974, Roustan, le Conseil constitutionnel a examiné la requête au fond [73]. Si la requête a été rejetée, c’est après qu’elle ait été examinée. Le Conseil constitutionnel n’a pas refusé de reconnaître la qualité pour agir du requérant.

Dès lors qu’une personne a fait l’objet d’une présentation valide, elle peut contester la liste. Ainsi, en 1995, une personne ayant fait l’objet de cinq présentations a pu voir sa requête examinée au fond [74].

2) Les délais

Le décret du 8 mars 2001 prévoit que le recours doit intervenir dans des délais assez brefs. L’article 8, alinéa 2, du décret dispose : « les réclamations doivent parvenir au Conseil constitutionnel avant l’expiration du jour suivant celui de la publication au Journal officiel de la liste des candidats ».

Toutes les demandes prématurées, c’est à dire celles qui sont formées avant la publication de la liste, sont rejetées par le Conseil constitutionnel [75]. De même, les requêtes formées après l’expiration du délai prévu par le décret sont irrecevables [76].

B. L’objet de la requête et les moyens invocables

Il convient de préciser l’objet de la requête et les moyens invocables devant le Conseil constitutionnel.

1) L’objet de la requête

La requête en réclamation peut avoir pour objet de contester l’absence du requérant sur la liste des candidats [77] ou bien la présence d’une personne sur cette liste [78].

2) Les moyens invocables

a) Les moyens invocables

Les moyens invocables sont assez nombreux.

Il est possible de contester la régularité de la décision d’établissement de la liste en invoquant des vices relatifs à l’appréciation qu’avait portée le Conseil constitutionnel sur :
 le nombre et la validité des présentations ;
 la régularité des candidatures ;
 le consentement des candidats ;
 le dépôt du pli scellé contenant la déclaration de situation patrimoniale ;
 l’engagement, en cas d’élection, de déposer une nouvelle déclaration de situation patrimoniale au terme du mandat [79].

La possibilité d’invoquer des moyens tenant à la régularité des candidatures semble recouvrir la faculté ouverte par la jurisprudence dès 1969 d’invoquer des moyens relatifs à l’éligibilité des personnes ayant fait l’objet de présentation [80] et aux modalités du décompte du nombre de présentation [81].

Le Conseil constitutionnel admet également que la légalité des dispositions réglementaires relatives à l’établissement de la liste et à son contentieux soit contestée par voie d’exception à l’occasion d’une réclamation [82]. Mais il semble qu’à l’occasion de l’examen de la réclamation portant sur la liste des candidats, il soit impossible de contester par voie d’exception la légalité des textes réglementaires qui ne concernent pas la présentation des candidats et son contentieux. Ceux relatifs à l’organisation de la campagne ne devraient pas pouvoir être contestés à cette occasion devant le Conseil [83]. De plus, ce dernier refuse d’examiner une exception d’inconstitutionnalité dirigée contre une loi organique [84].

b) L’impossibilité d’invoquer d’autres moyens

Le Conseil constitutionnel se refuse à prendre en compte d’autres éléments.

Il est vain de contester la liste en invoquant l’attitude des moyens de communication audiovisuelle ou les pressions exercées sur les présentateurs. En 1981, il développait largement les motifs du rejet. Ainsi, M. Le Pen invoquait une violation de l’article 3 IV de la loi du 6 novembre 1962, aux termes de laquelle « tous les candidats bénéficient, de la part de l’Etat, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l’élection présidentielle », au motif qu’il aurait été placé dans une situation d’inégalité par rapport aux autres candidats quant à l’accès aux moyens de communication audiovisuels. Le Conseil rejeta le moyen de M. Le Pen.

Il relevait d’abord que le texte invoqué n’était pas applicable aux faits de l’espèce [85]. Le Conseil poursuivait la motivation du rejet de la requête de M. Le Pen en précisant le droit applicable à la période précédant la publication de la liste : « les dispositions relatives à l’élection présidentielle ne prévoient l’organisation d’aucune ’campagne électorale’ avant la publication de la liste des candidats ; […] la déclaration faite par une personne de son intention d’être candidate –déclaration qui n’est d’ailleurs soumise à aucune condition de forme ni de délai- ne saurait par elle-même conférer à cette personne un droit d’accès aux programmes d’information radiodiffusés et télévisés, même durant la période pendant laquelle les élus habilités peuvent adresser des présentations au Conseil constitutionnel » [86]. Depuis 1995, Le Haut Conseil répond plus brièvement aux moyens des requérants. Dans une décision du 9 avril 1995, le Conseil constitutionnel a rejeté de tels arguments : « les circonstances invoquées par Mme Néron selon lesquelles des pressions exercées sur les personnes susceptibles de présenter sa candidature ou l’attitude des principaux moyens de communication audiovisuels ne lui auraient pas permis d’obtenir un nombre suffisant de présentation sont sans incidence sur la régularité de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l’élection présidentielle » [87].

De même en 2002, le Conseil a-t-il refusé de connaître des griefs formulés par M. Cheminade. Celui-ci invoquait « de graves attaques destinées à dissuader les personnes ayant qualité pour présenter un candidat à l’élection du Président de la République de souscrire une présentation en sa faveur ». Le Conseil constitutionnel a évidemment, conformément à sa jurisprudence, rejeté sa requête, les « circonstances ainsi invoquées [étant] sans incidence sur la régularité de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l’élection du Président de la République » [88]. La requête déposée par M. Larrouturou, qui contestait l’attitude des médias à son égard, a été également rejetée [89].

Le Conseil constitutionnel refuse également de se prononcer sur des questions d’ordre politique. En 2002, M. Matagne reprochait à MM. Jospin et Chirac d’avoir violé le traité de non-prolifération nucléaire, et de s’être « entendus pour exclure du débat national [...] les questions de défense ». Le Conseil constitutionnel a refusé d’examiner un tel moyen : ces « allégations […] ne peuvent être utilement présentées à l’appui d’une réclamation, formée en application de l’article 8 du décret susvisé du 8 mars 2001, pour contester la régularité de la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l’élection du Président de la République » [90].

* * *

Le Conseil constitutionnel est donc compétent à la fois pour établir la liste des candidats à l’élection du Président de la République et pour connaître des requêtes dirigées contre cette liste.

Or, l’article 62 de la Constitution dispose en son alinéa 2nd : « les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». La faculté de « réclamation » contre la liste des candidats, résultant de l’article 8 du décret du 8 mars 2001, paraît contraire à l’article 62 de la Constitution.

Formellement, l’acte par lequel le Conseil constitutionnel établit la liste des candidats est une décision : le Conseil constitutionnel emploie le verbe décider. C’est pourquoi, la faculté de réclamation ouverte aux personnes ayant fait l’objet de présentation a été critiquée. Le professeur Luchaire la considère « manifestement contraire aux articles 62 et 63 de la Constitution » [91]. Le décret est sensé trouver un fondement légal dans la loi du 6 novembre 1962. Or cela est contesté par le professeur Luchaire qui relève que la disposition du décret ne « trouve même pas de fondement précis dans le dernier alinéa de la loi référendaire du 6 novembre 1962 ». Il justifie sa critique ainsi : « cette loi renvoie à un règlement d’administration publique le soin de ’fixer les modalités d’application des présentes dispositions organiques’ ; il devait déterminer notamment, le montant du cautionnement exigé des candidats et les conditions de la participation de l’Etat aux dépenses de propagande ; il faut avoir une conception particulièrement large des ’modalités d’application’ pour penser que cette formule permet à un décret d’aller à l’encontre de l’article 62 de la Constitution ou de réglementer une matière qui, d’après l’article 63, relève de la loi organique » [92].

Ont été avancés plusieurs arguments afin de justifier les dispositions du décret de 1964, reprise par le décret de 2001.

Les professeurs Renoux et de Villiers ont tenté de concilier l’existence d’un contentieux de la liste et l’article 62 de la Constitution. Ils écrivent : « n’est pas une exception à l’autorité de la chose jugée le contrôle que le Conseil accepte d’exercer sur les mesures qu’il a lui-même arrêtées au titre du décret […] relatif à l’organisation des élections présidentielles. Indépendamment de l’attribution de compétence résultant […] de ce décret, il faut souligner que les décisions en cause ne sont pas des décisions juridictionnelles mais de simples décisions administratives exécutoires prises par le Conseil en tant qu’organe d’Etat. Il reste que cette situation est paradoxale » [93]. Un tel raisonnement est assez peu convaincant dans la mesure où l’article 62 de la Constitution ne distingue pas les décisions administratives des décisions juridictionnelles. Le professeur Ghevontian est plus pragmatique. Pour lui on « a voulu éviter que, dans un domaine aussi sensible que celui de l’élection présidentielle, le justiciable soit privé de toute possibilité, avant le scrutin, de contester la liste des candidats qui détermine finalement toute la physionomie de l’élection » [94].

Le Conseil constitutionnel a tenté de mettre un terme au débat portant sur la légalité de l’article 7 du décret de 1964, devenu l’article 8 du décret du 8 mars 2001. Dans sa décision du 9 avril 1995, Néron, le Conseil constitutionnel a répondu à la requérante qui contestait la légalité du décret de 1964 : « aux termes de l’article 3 V de la loi susvisée du 6 novembre 1962, relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel : ’un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application des présentes dispositions organiques’ ; […] par les dispositions de cette loi qui, ayant été adoptée par le Peuple français à la suite d’un référendum, constitue l’expression directe de la souveraineté nationale, le Gouvernement s’est vu conférer les pouvoirs les plus larges pour prendre l’ensemble des mesures nécessaires pour en assurer l’application ; […] par suite, Madame Néron n’est pas fondée à soutenir que le Gouvernement aurait excédé ses pouvoirs en édictant aux articles 3 et 4 du décret susvisé du 14 mars 1964 des règles de présentation des candidatures, non plus qu’en définissant à l’article 7 du même décret les modalités de réclamation contre l’établissement de la liste des candidats » [95].

Le professeur Ghevontian remarque : « en soi cette démonstration particulièrement emphatique et solennelle peut surprendre dans une décision électorale. Toutefois, il semble qu’elle soit en grande partie destinée à légitimer de façon définitive une compétence du Conseil constitutionnel dont le fondement juridique était fortement contestable et contestée » [96].

La légitimité de la compétence exclusive du Conseil constitutionnel sur l’établissement et le contrôle de la liste des candidats reste toutefois fragile. Les critiques de certains candidats et de la presse au cours des mois de mars et d’avril 2002 sont révélatrices de cette fragilité.

Il faut toutefois reconnaître le louable effort de transparence du Conseil constitutionnel, qui, rendant public sur internet une grande partie de son travail, a permis au plus grand nombre d’en prendre connaissance. Mais cela est-il réellement suffisant ? La difficulté à lire et à comprendre les multiples textes relatifs à l’organisation de l’élection du Président de la République, l’évolution d’une pratique longtemps confidentielle, empêchent le citoyen d’essayer de suivre les opérations d’établissement et de contrôle de la liste. Il est nécessaire de simplifier le droit applicable.


[1] Déclaration du Conseil constitutionnel du 24 mai 1974, n. Loïc PHILIP, A.J.D.A., 1974, p. 376-379.

[2] Article 3 alinéa 2 du décret du 8 mars 2001.

[3] Article 3 alinéa 3 du décret du 8 mars 2001.

[4] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », A.J.D.A., 1996 , p. 7.

[5] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1988 », R.D.P., 1989, p. 28.

[6] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p.8.

[7] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1988 », p. 28.

[8] C.C. 21 janvier 1981, Krivine, rec. p. 65 ; C.C. 19 mars 1981, Rennemann, rec. p. 68 ; C.C. 31 mars 1981, Gillouard, rec. p. 69 ; C.C. 31 mars 1981, Malraux, rec. p. 70.

[9] C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[10] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002 (site www.conseil-constitutionnel.fr )

[11] Observations du Conseil constitutionnel relatives à l’élection présidentielle des 24 avril et 8 mai 1988, R.D.P., 1989, p. 47.

[12] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 8.

[13] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[14] Id.

[15] Observations du Conseil constitutionnel relatives à l’élection présidentielle des 24 avril et 8 mai 1988, p. 47.

[16] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 9.

[17] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[18] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 9.

[19] Dans son article de 1996, Olivier Schrameck écrit : « s’agissant de tous les formulaires émanant du Conseil supérieur des Français de l’étranger qui n’avaient été transmis avant [le 19ème jour précédant le scrutin] que sous la forme de télécopie, le Conseil constitutionnel a accepté leur prise en compte sous réserve de leur contrôle par les rapporteurs adjoints, sans s’arrêter à l’absence de transmission en temps utile du document original ». Il ajoute, en note, « Cette position particulière se justifie par la possibilité ouverte par l’article 2 du 14 mars 1964 [sic] de déposer les présentations auprès du chef de poste diplomatique ou consulaire » (Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 9). Cette information livrée par la personne qui fut de 1995 à 1997 Secrétaire général du Conseil constitutionnel semble incomplète. Monsieur Schrameck ne précise pas si les membres du Conseil supérieur des Français de l’étranger avaient envoyé leur présentation dans le cadre du régime de droit commun, comme cela leur semble permis par le décret, ou bien s’ils avaient usé de la faculté de déposer leur présentation auprès des services diplomatiques. Dans le premier cas, l’interprétation du Conseil constitutionnel serait remarquable dans la mesure où elle supposerait un assouplissement de la pratique de Haut Conseil en matière d’utilisation des instruments de télécopie. Dans le second cas la pratique du Conseil constitutionnel serait encore plus intéressante. En effet, a priori seulement, elle semblerait concilier les dispositions du décret qui ne prévoit qu’une notification de la présentation, et les dispositions de la loi du 6 novembre 1962, aux termes de laquelle le Conseil n’établit la liste des candidats qu’ « au vu des présentations qui lui sont adressées » (article 3 I, 2ème alinéa). Mais ce faisant, elle ferait prévaloir la loi (présentations « adressées » au Conseil) sur le décret (présentations « déposées » auprès du chef de poste diplomatique ou consulaire, puis simple « notification de la présentation au Conseil constitutionnel »), dont on pourrait même considérer qu’elle écarte l’application. L’information rendue publique par Olivier Schrameck signifierait que le Conseil constitutionnel ne se contenterait pas simplement du dépôt du formulaire auprès du chef de poste diplomatique ou consulaire, suivi d’une simple notification de la présentation. Il exigerait désormais que cette présentation lui soit adressée. Et ce n’est qu’après que le rapporteur adjoint ait pu l’examiner qu’elle deviendrait définitive. Entre la notification et le moment où le rapporteur adjoint en constaterait l’authenticité, la présentation serait seulement tenue pour valable sous réserve d’examen.

[20] C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 52.

[21] C.C. 17 mai 1969, Sidos, rec. p. 80.

[22] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1988 », p. 29.

[23] Id., p. 28-29.

[24] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 8.

[25] François LUCHAIRE, Le Conseil constitutionnel, 2t. en 3 vol., t. 1( Organisation et attribution ), Paris, Economica, 2nde éd., 1997, n° 322.

[26] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 8.

[27] Article 3 I alinéa 2 de la loi du 6 novembre 1962.

[28] Article 3 I alinéa 3 de la loi du 6 novembre 1962.

[29] Id.

[30] Article L.293-1 du Code électoral
Dans le mois qui suit leur élection, les conseils régionaux et l’Assemblée de Corse procèdent à la répartition de leurs membres entre les collèges chargés de l’élection des sénateurs dans les départements compris dans les limites de la région ou de la collectivité territoriale de Corse.
Le nombre de membres de chaque conseil régional à désigner pour faire partie de chaque collège électoral sénatorial est fixé par le tableau n° 7 annexé au présent code.
Le nombre de membres de l’Assemblée de Corse à désigner pour faire partie des collèges électoraux sénatoriaux de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse est respectivement de 24 et de 27.
Article L.293-2 du Code électoral
Le conseil régional ou l’Assemblée de Corse désigne d’abord ses membres appelés à représenter la région ou la collectivité territoriale au sein du collège électoral du département le moins peuplé.
Chaque conseiller ou groupe de conseillers peut présenter avec l’accord des intéressés une liste de candidats en nombre au plus égal à celui des sièges à pourvoir.
L’élection a lieu au scrutin de liste sans rature ni panachage. Les sièges sont répartis à la représentation proportionnelle selon la règle de la plus forte moyenne.
Il est ensuite procédé de même pour désigner les conseillers appelés à faire partie du collège électoral des autres départements, dans l’ordre croissant de la population de ces derniers ; aucun conseiller déjà désigné pour faire partie du collège électoral d’un département ne peut être désigné pour faire partie d’un autre.
Lorsque les opérations prévues aux alinéas précédents ont été achevées pour tous les départements sauf un, il n’y a pas lieu de procéder à une dernière élection ; les conseillers non encore désignés font de droit partie du collège électoral sénatorial du département le plus peuplé.
Celui qui devient membre du conseil régional ou de l’Assemblée de Corse entre deux renouvellements est réputé être désigné pour faire partie du collège électoral sénatorial du même département que le conseiller qu’il remplace.

[31] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1988 », p. 27.

[32] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 8.

[33] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[34] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l ’élection présidentielle de 1988 », p. 27.

[35] Décret 22 décembre 1987, rec. p. 78.

[36] C.C. 17 mai 1969, Sidos, rec. p. 80.

[37] C.C. 21 avril 1974, Lafont, rec. p. 47 ; in Claude FRANCK, Les grandes décisions de la jurisprudence- droit constitutionnel, P.U.F., 1978, p. 259.

[38] Claude FRANCK, Les grandes décisions de la jurisprudence- droit constitutionnel, p. 263.

[39] Bruno GENEVOIS, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1988 », p. 29 ; Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 8.

[40] Article 6 alinéa 2 du Décret du 14 mars 1964 , modifié par le décret du 4 août 1976.

[41] Article 2 de la décision du Conseil constitutionnel du 24 février 1981, rec. p. 66.

[42] Observations du Conseil constitutionnel relatives à l’élection présidentielle des 24 avril et 8 mai 1988, p. 47-48.

[43] Id.

[44] Id., p. 11.

[45] Id.

[46] Article 3 I, alinéa 4 modifié de la loi du 6 novembre 1962.

[47] Article L.O. 135-1, alinéa 1, du Code électoral.

[48] Article 1538 du Code civil
Tant à l’égard de son conjoint que des tiers, un époux peut prouver par tous les moyens qu’il a la propriété exclusive d’un bien.
Les présomptions de propriété énoncées au contrat de mariage ont effet à l’égard des tiers, aussi bien que dans les rapports entre époux, s’il n’en a été autrement convenu. La preuve contraire sera de droit, et elle se fera par tous les moyens propres à établir que les biens n’appartiennent pas à l’époux que la présomption désigne, ou même, s’ils lui appartiennent, qu’il les a acquis par une libéralité de l’autre époux.
Les biens sur lesquels aucun des époux ne peut justifier d’une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.

[49] Article L.O. 135-1, alinéa 1, du Code électoral.

[50] Id.

[51] Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », A.J.D.A., 1996 , p. 11.

[52] Id.

[53] Décision du Conseil constitutionnel du 7 avril 1988, rec. p. 49 ; décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 1995, rec. p. 33.

[54] Article 3 I, alinéa 4 de la loi du 6 novembre 1962.

[55] Décision du Conseil constitutionnel du 7 avril 1988, rec. p. 49 ; décision du Conseil constitutionnel du 6 avril 1995, rec. p. 33.

[56] Louis FAVOREU et Loïc PHILIP, Les grandes décisions du Conseilconstitutionnel, Paris, Dalloz, 1999, p. 233 (cité G.D.) ; Charles DEBBASCH, La Constitution de la VèmeRépublique, Paris, Dalloz, 1999, p. 218.

[57] C.C. 17 mai 1969, Ducatel c/ Krivine, rec. p. 78 ; G.D. n°17, p. 226-237 ; Claude FRANCK, op. cit., p. 258-259, 261-262.

[58] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[59] C.C. 17 mai 1969, Ducatel c/ Krivine, rec. p. 78 ; G.D. n°17, p. 226-237 ; Claude FRANCK, op. cit., p. 258-259, 261-262.

[60] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[61] C.C. 21 avril 1974, Roustan, rec. 46.

[62] Conseil constitutionnel, communiqué de presse du 4 avril 2002.

[63] Article 7 du décret du 8 mars 2001.

[64] Cf. listes des candidats à l’élection du Président de la République de 1965 (rec. p. 39), 1969 (rec. p. 73) et 1974 (rec. p. 41).

[65] Art. 1er de la décision du Conseil constitutionnel du 24 février 1981, rec. p. 66.

[66] C.E. 17 avril 1970, Berneur, rec. p. 258-259. La motivation de la décision doit être rappelée. Le Conseil d’Etat invoque non le décret, mais la loi de 1962 : « il résulte des dispositions combinées de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, relative à l’élection du Président de le République au suffrage universel, et de l’article 50 de l’ordonnance du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, que seul ce Conseil est compétent pour connaître des réclamations portant sur l’élection du Président de la République ; […] dès lors le Conseil d’Etat n’est pas compétent pour connaître des conclusions de la requête ».

[67] C.C. 7 avril 2002, Cheminade, Larrouturou et Matagne : « Considérant qu’il appartient au Conseil constitutionnel, lorsqu’il arrête, en application des dispositions du I de l’article 3 de la loi du 6 novembre 1962, la liste des candidats à l’élection du Président de la République, de contrôler le nombre et la validité des présentations, de s’assurer de la régularité des candidatures et du consentement des candidats, de constater le dépôt du pli scellé exigé pour leur déclaration de situation patrimoniale et de recevoir leur engagement de déposer, en cas d’élection, une nouvelle déclaration dans les conditions prévues audit article ; que la procédure instituée par les dispositions de l’article 8 du décret susvisé du 8 mars 2001, qui ouvre à toute personne ayant fait l’objet de présentation le droit de former une réclamation contre l’établissement de la liste des candidats à l’élection présidentielle, a pour seul objet de permettre aux demandeurs qui s’y croient fondés de contester la régularité de la décision prise au regard des conditions énoncées ci-dessus ».

[68] C.C. 11 avril 1981, Scherme, rec. p. 74 ; C.C. 9 avril 1995, Bidalou, rec. p. 41 ; C.C. 9 avril 1995, Cornut, rec. p. 43 ; C.C. 9 avril 1995, Granger, cons. n° 4-5, rec. 45 ; C.C. 9 avril 1995, Coubez, cons. n° 2-3, rec. p. 49 ; C.C. 9 avril 1995, Caudie, rec. p. 51.

[69] C.C. 7 avril 2002, Hauchemaille.

[70] C.C. 17 mai 1969, Centre d’études et de recherches expérimentales, rec. p. 76.

[71] Cela résulte de la décision du 17 mai 1969, Bourquin, rec. p. 75.

[72] Par exemple, Bernard MALIGNER, « Contrôle des élections présidentielles », Jurisclasseur administratif, fascicule 1473, 1994, n° 79, p. 13.

[73] C.C. 21 avril 1974, Roustan, p. 46.

[74] Il s’agit de Mme Néron, C.C. 9 avril 1995, p. 53 ; le nombre des présentations est précisé par Olivier SCHRAMECK, « Le Conseil constitutionnel et l’élection présidentielle de 1995 », p. 10.

[75] C.C. 1er décembre 1987, rec. p. 60 ; C.C. 1er décembre 1987, rec. p. 62 ; C.C. 22 mars 1988, rec. p.45 ; C.C. 5 avril 1995, Gueguan, rec. p. 30 ; C.C. 6 avril 1995, Coubez, rec. p. 35 ; C.C. 6 avril 1995, rec. p. 39 ; C.C. 9 avril 1995, rec. p. 45.

[76] C.C. 21 mai 1969, Héraud, rec. p. 82.

[77] C.C. 17 mai 1969, Bourquin, rec. p. 75 ; C.C. 17 mai 1969, Sidos, rec. p. 80 ; C.C. 21 avril 1974, Roustan, rec. p. 46 ; C.C. 21 avril 1974, Lafont, rec. p. 47 ; C.C.11 avril 1981, Fouquet, rec. p. 72 ; C.C. 11 avril 1971, Le Pen, rec. p. 75 ; C.C. 9 avril 1995, Lebel, rec. p. 47 ; C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[78] C.C. 17 mai 1969, Ducatel c/ Krivine, rec. p. 78 ; C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[79] C.C. 7 avril 2002, Cheminade, Larrouturou et Matagne. Cf également, C.C. 9 avril 1995, Lebel, rec. p. 47 et C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[80] C.C. 17 mai 1969, Ducatel c/ Krivine, rec. p. 78 ; C.C. 21 avril 1974, Roustan, rec. p. 72.

[81] C.C. 17 mai 1969, Sidos, rec. p. 80 ; C.C. 21 avril 1974, rec. p. 47.

[82] C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[83] Richard GHEVONTIAN, commentaire de C.C. 5 avril 1995, Bidalou, C.C. 5 avril 1995, Guégan, C.C. 6 avril 1995, Durand, C.C. 6 avril 1995, Coubez, C.C. 6 avril 1995 Huberdeau, C.C. 9 avril 1995, Cornut, C.C. 9 avril 1995, Néron, C.C. 9 avril 1995,Lebel, C.C. 9 avril 1995,Granger, C.C. 9 avril 1995, Caudie, C.C. 9 avril 1995, Bidalou, C.C. 9 avril 1995,Coubez, R.F.D.C.., 1995, p. 576.

[84] C.C. 11 avril 1981, Fouquet, rec. p. 72.

[85] « Il résulte de l’ensemble des dispositions de l’article 3 de [la loi du 6 novembre 1962], ainsi que de celles du titre II du décret du 14 mars 1964 pris pour son application, d’une part que seules ont la qualité de ’candidat’ à l’élection présidentielle les personnes inscrites sur la liste arrêtée par le Conseil constitutionnel, d’autre part que la ’campagne en vue de l’élection présidentielle’ n’est ouverte qu’à compter du jour de la publication de cette liste au Journal officiel ; […] par suite, les dispositions particulières relatives à l’organisation de la campagne et, notamment, celles de l’article 12 du décret du 14 mars 1964 qui édictent au profit des candidats un égal droit d’accès aux émissions radiodiffusées et télévisées, ne s’appliquent qu’à compter de l’ouverture de la campagne ». (C.C. 11 avril 1981, Le Pen, rec. p. 75).

[86] C.C. 11 avril 1981, Le Pen, rec. p. 75 ; motivation similaire dans C.C. 11 avril 1981, Fouquet, rec. p. 72.

[87] C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53 ; motivation similaire dans C.C. 9 avril 1995, Lebel, rec. p. 47.

[88] C.C. 7 avril 2002, Cheminade.

[89] C.C. 7 avril 2002, Larrouturou : « Considérant que M. Pierre Larrouturou reproche aux principaux moyens de communication audiovisuelle d’avoir insuffisamment fait état de sa candidature et d’avoir ainsi rendu plus difficile le recueil des présentations ; que de telles circonstances ne peuvent être utilement invoquées à l’appui d’une réclamation formée, en application de l’article 8 du décret susvisé du 8 mars 2001, pour contester la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a arrêté la liste des candidats à l’élection du Président de la République ; que la réclamation de M. Larrouturou doit donc être rejetée ».

[90] C.C. 7 avril 2002, Matagne.

[91] François LUCHAIRE, Le Conseil constitutionnel, t.1 (Organisation et attribution), n° 333.

[92] Id.

[93] Thierry S. RENOUX et Jean-Michel de VILLIERS, Code constitutionnel, Paris, Litec, 1995, p. 480.

[94] Richard GHEVONTIAN, « Un labyrinthe juridique : le contentieux des actes préparatoires en matière d’élections politiques », R.F.D.A., 1994, p. 799.

[95] C.C. 9 avril 1995, Néron, rec. p. 53.

[96] Richard GHEVONTIAN, commentaire de C.C. 5 avril 1995, Bidalou, C.C. 5 avril 1995, Guégan, C.C. 6 avril 1995, Durand, C.C. 6 avril 1995, Coubez, C.C. 6 avril 1995 Huberdeau, C.C. 9 avril 1995, Cornut, C.C. 9 avril 1995, Néron, C.C. 9 avril 1995,Lebel, C.C. 9 avril 1995,Granger, C.C. 9 avril 1995, Caudie, C.C. 9 avril 1995, Bidalou, C.C. 9 avril 1995,Coubez, p. 574.

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Citation : Emmanuel TAWIL, Le Conseil constitutionnel et la liste des candidats à l’élection du Président de la République, 20 avril 2002, http://www.rajf.org/spip.php?article640

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