La notion de connexion illimitée à l’Internet

Par Benoit Tabaka

Le juge judiciaire et l’Autorité de régulation des télécommunications (ART) se sont prononcés tous deux sur ce que recouvre la notion de « connexion illimitée » à Internet, en donnant des interprétations divergentes. Pour le premier, l’expression confère à l’internaute le droit de rester connecté sans aucune limite. Pour le second, la notion de connexion illimitée est incompatible avec la possibilité d’être connecté en permanence.

Le juge judiciaire a eu à se prononcer, pour la première fois, sur la notion d’accès illimité dans le cadre d’un litige opposant l’association UFC que Choisir au fournisseur d’accès à Internet AOL. AOL commercialisait, depuis la fin du mois d’août 2001, une offre d’accès illimité à Internet, communications comprises, pour 99 F par mois. Une condition néanmoins était imposée : la souscription pour une durée minimale de 24 mois. Cette offre connut un engouement tel que les capacités techniques du réseau du fournisseur d’accès s’avérèrent insuffisantes. Afin de pallier cette carence, AOL imposa à ses abonnés des limitations sous la forme d’une interruption arbitraire de la connexion.

Des consommateurs mécontents de ne pouvoir surfer sans limitation, contrairement aux clauses contractuelles et aux arguments publicitaires, saisirent le juge, aidés par l’association de consommateurs UFC que Choisir. Le Tribunal de grande instance de Nanterre condamna en référé, le 20 février dernier, le fournisseur d’accès pour la modification unilatérale du contrat ainsi opérée.

En appel, la cour de Versailles, dans un arrêt du 14 mars 2001 devait confirmer la position prise par les juges de première instance. Elle indiquait qu’en l’absence de restriction ou de réserves, le souscripteur du contrat était en droit de rester connecté à Internet sans aucune limite. Ainsi, si AOL souhaitait imposer des limitations, cela aurait dû apparaître clairement dans les conditions générales d’utilisation, et les publicités.

Pour le juge judiciaire, la notion d’accès illimité donne donc aux abonnés la possibilité d’accéder à la toile mondiale à tout moment et sans aucune restriction. Toutefois, cette définition n’a pas été adoptée par l’ART, qui se prononçait dans le cadre des discussions relatives à la mise en place d’une nouvelle offre, dite interconnexion forfaitaire à la capacité.

A la demande des fournisseurs d’accès, l’ART a engagé des réflexions avec l’ensemble des acteurs de l’Internet afin de mettre en place des offres d’accès illimitées, communications téléphoniques comprises, rentables et viables. La solution envisagée consiste à modifier le principe de tarification opéré par France Telecom à destination des opérateurs, en passant d’un schéma de facturation en fonction du temps, à un schéma de facturation en fonction de la capacité utilisée, c’est-à-dire en fonction de l’occupation des lignes.

Dans son document d’étude publié au mois de février dernier, l’ART précisait la différence entre les termes " illimité " et " permanent ". « Contrairement à des réseaux utilisant d’autres technologies tels que xDSL, le câble, voire la boucle locale radio, le réseau commuté téléphonique n’est pas conçu pour offrir une connexion permanente à Internet », indiquait-elle. « Le terme " illimité " signifie que l’internaute n’est pas facturé en fonction de la durée de ses connexions, mais de manière forfaitaire. Il ne signifie pas que l’internaute est connecté en permanence, c’est à dire sans interruption, ou de façon semi-permanente. Il semble dès lors nécessaire que les fournisseurs d’accès à Internet proposant des offres d’accès commuté à Internet illimité tiennent compte de cet état de fait dans l’élaboration de leurs conditions commerciales et dans leurs contrats avec les internautes ». Ainsi, une divergence complète est née entre les deux autorités. D’une part, le juge estime qu’un forfait illimité signifie par défaut, une connexion permanente, sans aucune restriction. L’ART estime que l’existence d’un tel forfait peut être soumise à limitations.

Même si techniquement, le fournisseur d’accès à Internet devra imposer des limitations dans le cadre de la future interconnexion forfaitaire à la capacité – programmée pour cet été – afin d’éviter toute saturation de son réseau, il devra, préalablement, en informer clairement ses abonnés, notamment dans le cadre de prévisions contractuelles.

Benoît Tabaka

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Citation : Benoit Tabaka, La notion de connexion illimitée à l’Internet, 3 avril 2001, http://www.rajf.org/spip.php?article628

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