Tribunal des conflits, 4 mars 2002, n° 3269, SCI La Valdaine et SCI du Beal c/ SNCF et Réseau Férré de France

La convention prévoit la réalisation de travaux qui, entrepris pour le compte de ces sociétés, n’ont pas le caractère de travaux publics. L’indemnisation de la perte du droit d’eau résultant de ce travaux ne concerne donc pas la réparation de dommages de travaux publics. Comme le contrat litigieux ne comporte pas de clauses exorbitantes en droit commun et n’associe pas les cocontractants des deux établissements publics à l’exécution d’une mission de service public, celui-ci a le caractère d’un contrat de droit privé.

TRIBUNAL DES CONFLITS

N° 3269

Conflit sur renvoi de la cour administrative d’appel de Lyon

SCI LA VALDAINE SCI DU BEAL c/SNCF et Réseau Ferré de France

M. Stirn, Rapporteur

M. Duplat, Commissaire du Gouvernement

Séance du 28 janvier 2002

Lecture du 4 mars 2002

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRIBUNAL DES CONFLITS

Vu, enregistrée à son secrétariat le 29 mars 2001, l’expédition de l’arrêt du 13 mars 20001 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, saisie par la SCI LA VALDAINE et la SCI DU BEAL d’une requête dirigée contre une ordonnance du 10 novembre 2000 du président du tribunal administratif de Grenoble, rejetant la demande de provision que ces sociétés avaient présentée en référé à l’encontre de la SNCF et de Réseau Ferré de France, a renvoyé au Tribunal, par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 modifié, le soin de décider sur la question de compétence ;

Vu l’ordonnance du 9 avril 1999 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Valence, statuant en référé s’est déclaré incompétent pour connaître de ce litige ;

Vu, enregistré le 10 décembre 2001, le mémoire présenté pour la SNCF et pour Réseau Ferré de France, tendant à ce que les juridictions de l’ordre administratif soient déclarées compétentes pour connaître du litige, au motif que le contrat qui lie les deux établissements publics aux SCI LA VALDAINE et DU BEAL est relatif à des travaux publics ; que le contentieux relatif à son application est dès lors administratif ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la saisine du Tribunal des Conflits a été notifiée à la SCI LA VALDAINE et à la SCI DU BEAL, qui n’ont pas produit de mémoire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Vu la loi du 24 mai 1872 ;

Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;

Vu l’article 4 du titre Il de la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Stirn, membre du Tribunal.
- les observations de Me Odent, avocat de la SNCF et de Réseau Ferré de France,
- les conclusions de M. Duplat, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’à la suite de la déclaration d’utilité publique, par décret du 31 mai 1994, de la réalisation de la ligne ferroviaire du train à grande vitesse Méditerranée, la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DE LA VALDAINE a été expropriée de deux parcelles de terrain dont elle était propriétaire à Montboucher-sur-Jardon (Drôme) ; que les indemnités correspondantes ont été fixées par un jugement du juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Valence en date du 29 avril 1997 ; que ce jugement donne en outre acte à la SNCF de son intention de rétablir, par l’installation de siphons sous la voie, la circulation d’eau sur le canal Saint-Joseph, sur lequel la société civile immobilière disposait d’un droit d’eau et qui alimentait également des installations dépendant de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE DU BEAL ; que le juge de l’expropriation constatait, dans ces conditions, qu’il n’y avait pas lieu de prévoir d’indemnisation au titre de modifications du réseau hydraulique, puisque celui-ci était maintenu en l’etat ;

Considérant toutefois que, par une convention ultérieure en date du 2 juillet 1998, la SNCF et Réseau Ferré de France d’une part, les deux sociétés civiles immobilières d’autre part ont décidé de renoncer au rétablissement de la circulation d’eau sur le canal Saint-Joseph, prévu d’autres travaux et déterminé les modalités d’indemnisation de la perte du droit d’eau subie par les deux sociétés ; qu’un litige est apparu entre les deux établissements publics et les deux sociétés quant au montant de l’indemnisation due à ces dernières ; que, pra ordonnance du 9 avril 1999, le juge des référés du tribunal de grande instance de Valence a décliné la compétence de l’autorité judiciaire pour connaître de ce litige ; que, par arrêt du 13 février 2001, la cour administrative d’appel de Lyon, estimant au contraire que le litige relevait de la compétence de l’autorité judiciaire a renvoyé au Tribunal des Conflits le soin de décider sur la question de compétence par application de l’article 34 du décret du 26 octobre 1849 ;

Considérant que le litige qui oppose la SNCF et Réseau ferré de France aux deux SOCIETES CIVILES IMMOBILIERES DE LA VALDAINE et DU BEAL est exclusivement relatif à l’application de la convention du 2 juillet 1998 ; que cette convention prévoit la réalisation de travaux qui, entrepris pour le compte de ces sociétés, n’ont pas le caractère de travaux publics ; que l’indemnisation de la perte du droit d’eau résultant de ce travaux ne concerne donc pas la réparation de dommages de travaux publics ; que le contrat litigieux, qui ne comporte pas de clauses exorbitantes en droit commun et n’associe pas les cocontractants des deux établissements publics à l’exécution d’une mission de service public, a dès lors, le caractère d’un contrat de droit privé ; qu’il en résulte qu’il appartient aux juridiction de l’ordre judiciaire de connaître du contentieux né de ce contrat ;

D E C I D E :

Article 1er : Les tribunaux judiciaires sont compétents pour connaître du litige opposant la SNCF et Réseau Ferré de France d’une part, les SOCIETES CIVILES IMMOBILIERES DE LA VALDAINE et DU BEAL d’autre part quant à l’application de la convention du 2juillet 1998.

Article 2 : L’ordonnance du 9 avril 1999 du juge des référés du tribunal de grande instance de Valence est déclarée nulle et non avenue. La cause et les parties sont renvoyées devant ce tribunal.

Article 3 : La procédure engagée par la SCI DE LA VALDAINE et la SCI DU BEAL devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour administrative d’appel de Lyon est déclarée nulle et non avenue, à l’exception de l’arrêt de cette cour du 13 mars 2001.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.

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