Conseil d’Etat, 28 décembre 2001, n° 213931, M. V.

Eu égard au caractère inexcusable du comportement du praticien au regard de la déontologie de la profession, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a fait une exacte application des dispositions de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en estimant qu’il avait commis une faute personnelle, et ce alors même que les faits reprochés avaient été commis dans le cadre du service et qu’ils auraient pu être invoqués par M. M. à l’appui d’une action en responsabilité engagée devant la juridiction administrative à l’encontre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 213931

M. V.

M. Struillou, Rapporteur

M. Schwartz, Commissaire du gouvernement

Séance du 3 décembre 2001

Lecture du 28 décembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu l’ordonnance en date du 22 octobre 1999, enregistrée au secrétariat du contentieux Conseil d’Etat le 28 octobre 1999 par laquelle le Président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la requête présentée à ce tribunal par M. V. ;

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 27 juillet 1999 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris, présentés par M. Michel V ; M. V. demande au juge administratif :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 16 avril 1999 par laquelle l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a rejeté sa demande tendant à la prise en charge des honoraires du conseil qu’il a choisi pour assurer sa défense à la suite de sa mise en examen ;

2°) de condamner l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris à lui verser la somme de 10 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 11 dans sa rédaction issue de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique

- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Foussard, avocat de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris,

- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction issue de la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 : "La collectivité publique est tenue d’accorder sa protection au fonctionnaire ou à l’ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle" ;

Considérant que par une décision du 16 avril 1999, le directeur des affaires juridiques de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris a rejeté la demande par laquelle M. V., professeur des universités et chef du service de radiologie de l’hôpital Rothschild, a sollicité que soient pris en charge les honoraires du conseil qu’il avait choisi à la suite de sa mise en examen ; que l’intéressé demande que cette décision soit annulée ;

Considérant, en premier lieu, que la décision contestée a été signée par M. Carbuccia-Berland, directeur des affaires juridiques de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, qui avait reçu, par un arrêté du 25 novembre 1997, délégation de signature du directeur général pour signer toute décision ressortissant aux attributions de la direction juridique ; que ledit arrêté a été publié au Bulletin officiel de la ville de Paris le 5 décembre 1997 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le directeur des affaires juridiques n’avait pas compétence pour prendre la décision attaquée doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, n’était pas tenue d’attendre l’issue des poursuites pénales engagées à l’encontre de M. V.pour répondre à la demande qu’il avait présentée ; qu’aucun principe ni aucune règle n’imposait à l’administration de procéder à une enquête contradictoire avant de prendre sa décision, laquelle d’ailleurs ne constitue pas une sanction disciplinaire ; qu’en se fondant sur les faits dont elle pouvait disposer pour rejeter la demande dont elle était saisie, l’administration n’a pas méconnu le principe de la présomption d’innocence posé à l’article 9 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que M. M., accueilli le 29 juillet 1996 dans le service de radiologie dirigé par le Dr V. afin d’y subir un examen scanographique, s’était vu, par erreur, injecter par un médecin de l’eau non stérile contenue dans une seringue ; que ce patient fut victime d’un choc septique nécessitant son admission au service de réanimation du centre hospitalier général de Lagny dans la nuit du 29 au 30 juillet ; que le 31 juillet l’intéressé fut transféré dans un état de détresse respiratoire aiguë à l’hôpital de la Pitié-Sapêtrière ; qu’il est constant que bien que le Dr V. ait eu connaissance dès le 29 juillet de l’erreur médicale commise dans son service et qui était à l’origine du choc septique, ni la famille du patient, ni les praticiens ayant été amenés à lui dispenser des soins n’ont été informés de cette erreur avant le 31 juillet, et ce alors même que le Dr V. ne pouvait ignorer la gravité de l’état de santé de M. M. ainsi que les recherches effectuées par les médecins du centre hospitalier de Lagny pour déterminer l’origine du choc septique qu’il avait subi ; que ce n’est que le 1er août que le Dr V. a porté à la connaissance des médecins réanimateurs du centre hospitalier de La Pitié-Salpêtrière l’erreur commise dans son service ; qu’eu égard au caractère inexcusable du comportement de ce praticien au regard de la déontologie de la profession, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris a fait une exacte application des dispositions précitées de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en estimant qu’il avait commis une faute personnelle, et ce alors même que les faits reprochés avaient été commis dans le cadre du service et qu’ils auraient pu être invoqués par M. M. à l’appui d’une action en responsabilité engagée devant la juridiction administrative à l’encontre de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris ;

Considérant que la circonstance que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris aurait accordé la protection à l’un de ses agents mis en examen est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. VALETTE n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 16 avril 1999 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner M. V. à verser à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris la somme de 12 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à verser à M. V. la somme qu’il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. V. est rejetée.

Article 2 : M. V. versera à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris une somme de 12 000 F au titre de l’article L. 761-1du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Michel V. et à l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris.

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