Si un constat d’huissier a été présenté le lendemain de l’audience, alors que l’instruction était close, la nature de la pièce produite faisait au juge des référés, eu égard au débat qui s’était engagé devant lui et dans les circonstances particulières de l’espèce, obligation de rouvrir l’instruction afin de recueillir les observations des défendeurs. En l’absence de réouverture de l’instruction, l’ordonnance attaquée a été rendue à l’issue d’une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulée.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 237973
ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE
M. Aladjidi, Rapporteur
M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement
Séance du 12 novembre 2001
Lecture du 10 décembre 2001
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2001 et 18 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’association GABAS NATURE PATRIMOINE, représentée par son président M. Joël Bordas, demeurant rue du Pic du Midi à Eslourenties (64420) ; l’association GABAS NATURE PATRIMOINE demande au Conseil d’Etat ;
1°) d’annuler l’ordonnance du 20 août 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’arrêté du 14 juin 2001 du préfet des Hautes-Pyrénées autorisant l’Institution départementale pour l’aménagement hydraulique du bassin de l’Adour à défricher des parcelles de bois et forêts d’une contenance de 329 029 m2 sur les communes de Gardères et Luquet pour la réalisation de la retenue de stockage d’eau sur le Gabas ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Aladjidi, Auditeur,
les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE,
les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que pour affirmer, par l’ordonnance attaquée du 20 août 2001, que la demande de suspension de l’arrêté du 14 juin 2001 du préfet des Hautes-Pyrénées autorisant le défrichement de parcelles boisées situées sur le territoires des communes de Gardères et de Luquet n’était pas justifiée par l’urgence, le juge des référés du tribunal administratif de Pau s’est fondé sur la circonstance que la quasi-totalité des parcelles visées par cet arrêté étaient déjà défrichées ; qu’il ressortait toutefois d’un constat d’huissier produit le 17 août 2001 par l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE que la quasi-totalité desdites parcelles demeuraient au contraire à l’état de bois ; que si ce document a été présenté le lendemain de l’audience, alors que l’instruction était close, la nature de la pièce produite faisait au juge des référés, eu égard au débat qui s’était engagé devant lui et dans les circonstances particulières de l’espèce, obligation de rouvrir l’instruction afin de recueillir les observations des défendeurs ; qu’en l’absence de réouverture de l’instruction, l’ordonnance attaquée a été rendue à l’issue d’une procédure irrégulière et doit, pour ce motif, être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de statuer sur la demande de suspension par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant, d’une part, que par un arrêté du 29 octobre 2001, le ministre de l’agriculture et de la pêche a rapporté l’autorisation de défrichement accordée le 14 juin 2001 par le préfet des Hautes-Pyrénées en tant qu’elle concerne les bois appartenant aux communes d’Eslourenties, de Gardères et de Luquet ; qu’ainsi, la demande tendant à la suspension de l’exécution des dispositions de l’arrêté préfectoral relatives à ces bois est devenue sans objet ;
Considérant, d’autre part, qu’aucun des moyens invoqués n’est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des autres dispositions de l’arrêté préfectoral du 14 juin 2001 ; que, dès lors, la demande tendant à la suspension de l’exécution de cet arrêté en tant qu’il concerne les parcelles autres que les bois des communes d’Eslourenties, de Gardères et de Luquet doit être rejetée ;
Sur les conclusions de l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de l’association requérante tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens tant en première instance qu’en cassation, la somme globale de 15 000 F ;
D E C I D E :
Article 1er : L’ordonnance du 20 août 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Pau est annulée.
Article 2 : Il n’y a pas lieu à statuer sur la demande de suspension présentée par l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE en tant qu’elle porte sur l’exécution des dispositions de l’arrêté en date du 14 juin 2001 du préfet des Hautes-Pyrénées relatives aux bois des communes d’Eslourenties, de Gardères et de Luquet.
Article 3 : L’Etat versera à l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE une somme de 15 000 F au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION GABAS NATURE PATRIMOINE, à l’Institution interdépartementale pour l’aménagement hydraulique du bassin de l’Adour et au ministre de l’agriculture et de la pêche.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article419