Conseil d’Etat, 23 novembre 2001, n° 205001, S.A. ROY FRERES & ANSELMO

pour l’application des dispositions du 2 de l’article 209 quater, une société qui a réalisé une plus-value à long terme soumise à l’un des taux réduits d’imposition prévus au 1 de l’article 219 et qui, au cours de l’exercice suivant celui de la réalisation de cette plus-value, s’abstient de prendre la décision d’en porter le montant, diminué de celui de l’imposition acquittée, à un compte de réserve spéciale, doit être regardée comme ayant pris une décision assimilable à celle de prélever des sommes sur une réserve préexistante de cette nature, et devient, dès lors, redevable du complément d’imposition prévu par ce texte

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 205001

S.A. ROY FRERES & ANSELMO

M. Fabre, Rapporteur

M. Courtial, Commissaire du gouvernement

Séance du 26 octobre 2001

Lecture du 23 novembre 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 février et 23 juin 1999 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la S.A. ROY FRERES & ANSELMO, dont le siège est 33, chemin des Marais à Villeurbanne (69600) ; la S.A. ROY FRERES & ANSELMO demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 23 décembre 1998 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de réduction de la cotisation supplémentaire d’impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l’année 1981 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabre, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la S.A. ROY FRERES & ANSELMO,

- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l’imposition litigieuse au regard de la loi :

Considérant que, d’une part, aux termes du I de l’article 219 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la présente affaire, pour le calcul de l’impôt sur les sociétés, "a. Le montant net des plus-values à long terme autres que celles visées à l’article 39 quindecies-II fait l’objet d’une imposition séparée au taux de 15 %, dans les conditions prévues aux articles 39 quindecies-I et 209 quater", et qu’aux termes de l’article 209 quater dans sa rédaction alors applicable : "1. Les plus-values soumises à l’impôt à l’un des taux réduits prévus à l’article 219-I diminuées du montant de cet impôt, sont portées à une réserve spéciale. 2. Les sommes prélevées sur cette réserve sont rapportées aux résultats de l’exercice en cours lors de ce prélèvement, sous déduction de l’impôt perçu lors de la réalisation des plus-values correspondantes. 3. La disposition du 2 n’est pas applicable : a. Si la société est dissoute" ; que, d’autre part, aux termes de l’article 210 A du même code dans sa rédaction alors applicable : "1. Les plus-values nettes dégagées sur l’ensemble des éléments de l’actif immobilisé apporté du fait d’une fusion ne sont pas soumises à l’impôt sur les sociétés 2. L’impôt sur les sociétés n’est applicable aux provisions figurant au bilan de la société absorbée que si elles deviennent sans objet. 3. L’application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes : a. Elle doit reprendre à son passif : - d’une part, les provisions dont l’imposition est différée ; - d’autre part, la réserve spéciale où la société absorbée a porté les plus-values à long terme soumises antérieurement au taux réduit de 15 %" ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d’appel que la S.A. ROY FRERES & ANSELMO a absorbé la S.A. Sirex à compter, rétroactivement, du 1er janvier 1981, en vertu d’une convention de fusion conclue le 24 novembre 1981 et dans laquelle elle s’est engagée à respecter les prescriptions énoncées au 3 précité de l’article 210 A du code général des impôts ; qu’au cours de son dernier exercice, clos le 31 décembre 1980, la S.A. Sirex a réalisé, à l’occasion de son expropriation d’un immeuble, une plus-value à long terme de 1 491 975 F, à raison de laquelle elle a été assujettie, au titre de l’année 1980, à l’impôt sur les sociétés au taux réduit de 15 %, en application des dispositions du I de l’article 219 du code général des impôts ; que, procédant, en 1985, à la vérification de la comptabilité de la S.A. ROY FRERES & ANSELMO, l’administration a, notamment, sur le fondement des dispositions du 2 de l’article 209 quater et selon les modalités définies par ce texte, rapporté au résultat imposable de l’exercice de la société clos le 31 décembre 1981 le montant de la plus-value réalisée par la S.A. Sirex, et qui n’avait pas donné lieu à la dotation d’une réserve spéciale inscrite au passif du bilan de clôture de cet exercice ;

Considérant que, d’une part, pour l’application des dispositions du 2 de l’article 209 quater, une société qui a réalisé une plus-value à long terme soumise à l’un des taux réduits d’imposition prévus au 1 de l’article 219 et qui, au cours de l’exercice suivant celui de la réalisation de cette plus-value, s’abstient de prendre la décision d’en porter le montant, diminué de celui de l’imposition acquittée, à un compte de réserve spéciale, doit être regardée comme ayant pris une décision assimilable à celle de prélever des sommes sur une réserve préexistante de cette nature, et devient, dès lors, redevable du complément d’imposition prévu par ce texte ; que, d’autre part, au cas où la société qui a réalisé la plus-value vie-nt à être absorbée dès la clôture de l’exercice au cours duquel a eu lieu cette réalisation, et où la société absorbante s’est engagée, dans l’acte de fusion, à respecter les prescriptions énoncées au 3 de l’article 210 A, il incombe, en conséquence, à cette dernière de procéder, au plus tard à la clôture de l’exercice au cours duquel a pris effet l’absorption, à la constitution de la réserve spéciale prévue au 1 de l’article 209 quater, faute de quoi le complément d’imposition prévu au 2 de cet article sera dû par elle, comme si elle avait constitué cette réserve et procédé à un prélèvement au cours d’un exercice ultérieur, l’option exercée pour l’application .à la fusion des règles fixées à l’article 210 A, dont le bénéfice n’est pas dans ce cas remis en cause, ne lui permettant pas de se prévaloir de la disposition du 3 de l’article 209 quater et ce, quelle que soit la durée du dernier exercice de la société absorbée ;

Considérant qu’il suit de là qu’en jugeant qu’à défaut d’avoir, elle-même, constitué, au passif de son bilan de clôture du 31 décembre 1981, une réserve spéciale correspondant à la plus-value à long terme réalisée en 1980 par la S.A. Sirex, la S.A. ROY FRERES & ANSELMO avait à bon droit été assujettie par l’administration au complément d’impôt sur les sociétés prévu au 2 de l’article 209 quater, la cour administrative d’appel a, contrairement à ce que soutient la société requérante, fait une application exacte de ce texte ;

En ce qui concerne l’application de la doctrine administrative :

Considérant que, pour écarter le moyen tiré par la S.A. ROY FRERES & ANSELMO, sur le fondement des dispositions de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des énonciations contenues dans une instruction 4I-2-70, publiée au bulletin officiel de la direction générale des impôts du 4 février 1970, la cour administrative d’appel a relevé que cette instruction avait trait aux modalités de reprise, par une société absorbante, de réserves spéciales dûment constituées par la société absorbée, et qu’en l’espèce, il n’y avait pas eu de constitution d’une telle réserve au passif du dernier bilan de la S.A. Sirex ; qu’en statuant ainsi, la cour administrative d’appel a fait une exacte application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, lequel, contrairement à ce que soutient la société requérante, ne saurait fonder le contribuable à se prévaloir, par analogie, d’interprétations formellement admises par l’administration sur des points distincts de celui qui fait l’objet de sa contestation ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la S.A. ROY FRERES & ANSELMO n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la S.A. ROY FRERES & ANSELMO est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la S.A. ROY FRERES & ANSELMO et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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