Conseil d’Etat, 12 décembre 2008, n° 296099, Jean-Pierre C.

En jugeant qu’il ne résultait pas de ces dispositions que, pour le calcul du délai de préavis fixé par cet article, devait être prise en compte la durée des contrats conclus antérieurement au contrat en cours, alors que le seul critère fixé par ces dispositions est relatif à la durée des services, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 296099

M. C.

M. Laurent Cabrera
Rapporteur

M. Emmanuel Glaser
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 novembre 2008
Lecture du 12 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 3ème sous-section de la section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 août et 4 décembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Jean-Pierre C., demeurant 190, allée de la Pièce du Lavoir à Gif-sur-Yvette (91190) ; M. C. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 6 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, sur la requête du département des Alpes-Maritimes, annulé l’arrêté du 29 septembre 2000 par lequel le président du conseil général a mis fin à ses fonctions en tant que cette décision prend effet avant le 4 octobre 2000 ainsi que le jugement du 24 juin 2002 du tribunal administratif de Nice en tant qu’il a annulé cette décision en tant qu’elle prend effet avant le 26 novembre 2000 et, d’autre part, rejeté son appel incident ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler le jugement du 24 juin 2002 du tribunal administratif de Nice, en tant qu’il a partiellement rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 29 septembre 2000 du président du conseil général, ainsi que cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes une somme de 6 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent Cabrera, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. C.,

- les conclusions de M. Emmanuel Glaser, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C., agent non titulaire de catégorie A du département des Alpes-Maritimes depuis le 1er juillet 1996, a informé les services de cette collectivité territoriale, par une lettre du 22 septembre 2000 reçue le 25, que, conformément au décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale, il présentait sa démission ; que, par un arrêté du 29 septembre 2000, le président du conseil général a procédé à la radiation de l’intéressé des cadres du département à compter du 1er octobre 2000 ; que M. C. demande l’annulation de l’arrêt du 6 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a, sur la requête du département des Alpes-Maritimes, d’une part annulé par l’article 1er de son arrêt, l’arrêté du président du conseil général du 29 septembre 2000 en tant qu’il prenait effet avant le 4 octobre 2000, ainsi que le jugement du 24 juin 2002 du tribunal administratif de Nice en tant qu’il avait annulé cet arrêté en tant que celui-ci prenait effet avant le 26 novembre 2000, et d’autre part, rejeté le surplus des conclusions du département ainsi que l’appel incident formé par M. C. ;

Considérant que M. C. soutient que la cour administrative d’appel de Marseille a insuffisamment motivé son arrêt faute de répondre au moyen invoqué à l’appui de son appel incident, tiré de ce que le département avait décidé, unilatéralement et pour un motif disciplinaire, de mettre un terme immédiat à son contrat, et non pas seulement de le dispenser d’effectuer son préavis ; que toutefois la cour, qui n’était pas tenue de répondre à tous les arguments développés par le requérant à l’appui de ce moyen, a expressément écarté celui-ci en estimant que la lettre adressée le 22 septembre 2000 par M. C. au directeur des services du conseil général exprimait sa volonté claire de démissionner et qu’ainsi l’acte attaqué ne constituait pas un licenciement à l’initiative duquel était le département, mais un licenciement résultant de l’acceptation de la démission de M. C. ; qu’ainsi le moyen tiré de l’insuffisante motivation de l’arrêt attaqué doit être écarté ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du décret susvisé du 15 février 1988 " L’agent non titulaire qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis qui est de huit jours au moins si l’intéressé a accompli moins de six mois de services, d’un mois au moins s’il a accompli des services d’une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans, de deux mois au moins si la durée des services est égale ou supérieure à deux ans. La démission est présentée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception " ; qu’en jugeant qu’il ne résultait pas de ces dispositions que, pour le calcul du délai de préavis fixé par cet article, devait être prise en compte la durée des contrats conclus antérieurement au contrat en cours, alors que le seul critère fixé par ces dispositions est relatif à la durée des services, la cour a entaché son arrêt d’une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. C. est seulement fondé, à demander l’annulation de l’article 1er de l’arrêt attaqué ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au fond ;

Considérant que l’arrêté du 29 septembre 2000, en tant qu’il fixe la date de fin des fonctions de M. C., eu égard notamment à la durée du préavis, fait nécessairement grief à l’intéressé ; que par suite, la fin de non recevoir opposée par le département des Alpes-Maritimes ne peut qu’être écartée ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 39 du décret du 15 février 1988 que l’agent non titulaire qui présente sa démission est tenu de respecter un préavis minimal de deux mois s’il a accompli au moins deux ans de service ; que, par suite, la fin de ses fonctions et des rémunération qui s’y attachent ne peut intervenir avant le terme de ce préavis, qui s’impose à lui, même s’il n’en a pas fait mention dans sa lettre de démission et sans qu’il ait à en demander le bénéfice ; qu’en l’espèce M. C., qui avait été recruté pour la première fois par le département des Alpes-Maritimes en juin 1996 et était en fonction depuis plus de deux ans lorsqu’il a présenté sa démission le 22 septembre 2000 , devait respecter, en application des dispositions précitées, un préavis minimal de deux mois ; que, par ailleurs, le délai de préavis débutait le premier jour suivant celui de la notification de la lettre de démission ; qu’ainsi la lettre de démission de l’intéressé étant parvenue au département des Alpes-Maritimes le 25 septembre 2000, le délai de préavis imposé à M. C. débutait le 26 septembre 2000 et s’achevait le 26 novembre 2000 ; que, dès lors, le département des Alpes-Maritimes n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 29 septembre 2000 du président du conseil général en tant qu’il a mis fin aux fonctions de M. C. pour démission avant le 26 novembre 2000 ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes le versement à M. C. de la somme de 3 000 euros qu’il demande en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il n’y a, en revanche, pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre en appel par le département ;

D E C I D E :

Article 1er : L’article 1er de l’arrêt du 6 juin 2006 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Le département des Alpes-Maritimes versera à M. C. la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. C. et les conclusions d’appel du département des Alpes-Maritimes sont rejetés.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre C., au président du conseil général des Alpes-Maritimes et au préfet des Alpes-Maritimes.

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