Conseil d’Etat, 10 décembre 2008, n° 313190, Masaru K.

Les dispositions de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles le contribuable bénéficie du sursis de paiement tant que la proposition de garanties qu’il a faite n’a pas été refusée par le comptable, ne sont applicables qu’à la première proposition de garanties effectuée par le contribuable, à la demande du comptable, dans les conditions prévues à l’article R. 277-1 du livre des procédures fiscales ; que lorsque cette proposition de garanties n’a pas été acceptée, et que ce refus est devenu définitif soit parce qu’il n’a pas été contesté devant le juge du référé fiscal, soit parce que ce juge a rejeté la contestation du contribuable, si le contribuable peut ultérieurement, spontanément ou à l’invitation du comptable, proposer de nouvelles garanties, une telle proposition ne peut le faire bénéficier du sursis de paiement que si elle est explicitement acceptée par le comptable.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 313190

M. et Mme K.

Mme Karin Ciavaldini
Rapporteur

M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 15 octobre 2008
Lecture du 10 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 février et 13 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme Masaru K. ; M. et Mme K. demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 26 juillet 2007 par laquelle la présidente de la 1ère chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté leur requête tendant à l’annulation de l’ordonnance du 28 juin 2007 par lequel le juge du référé, statuant en matière fiscale, du tribunal administratif de Melun a rejeté pour irrecevabilité leur demande tendant à la contestation du rejet implicite par le comptable public des garanties qu’ils avaient offertes à l’appui de leur demande de sursis de paiement des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre des années 2000 à 2002 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Karin Ciavaldini, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Bouzidi, Bouhanna, avocat de M. et Mme K.,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du référé, statuant en matière fiscale, qu’à la suite d’un contrôle fiscal, M. et Mme K. ont été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu, au titre des années 2000 à 2002 ; qu’ils ont contesté ce redressement et demandé à l’administration le sursis de paiement de ces cotisations supplémentaires, en application de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales ; que l’administration a refusé, par courrier du 8 décembre 2006, les garanties que M. et Mme K. avaient proposées à sa demande, et leur a demandé de formuler, sous quinzaine, une seconde proposition de garanties en rapport avec leur dette ; que les intéressés ont contesté ce refus devant le juge du référé fiscal du tribunal administratif de Melun qui a rejeté leur demande par une ordonnance en date du 16 janvier 2007 ; que M. et Mme K. ont transmis au comptable chargé du recouvrement des impositions une seconde proposition par un courrier du 14 mars 2007, auquel l’administration n’a pas répondu ; que, le 7 juin 2007, il a été procédé à une tentative de saisie à titre conservatoire sur les biens des contribuables, qui s’est soldée par un constat de carence ; que ceux-ci se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du 26 juillet 2007 par laquelle la présidente de la première chambre du tribunal administratif de Melun a rejeté, sur le fondement du 7° de l’article R. 222-1 du code de justice administrative, leur appel dirigé contre l’ordonnance du 28 juin 2007 du magistrat désigné comme juge du référé statuant en matière fiscale du tribunal administratif de Melun, qui avait rejeté pour irrecevabilité, faute d’existence d’un litige né et actuel portant sur un refus de garanties, leur demande d’annulation de la décision implicite par laquelle le trésorier avait, selon eux, rejeté leur seconde proposition de garanties ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales : "Le contribuable qui conteste le bien-fondé ou le montant des impositions mises à sa charge peut, s’il en a expressément formulé la demande dans sa réclamation et précisé le montant ou les bases du dégrèvement auquel il estime avoir droit, être autorisé à différer le paiement de la partie contestée de ces impositions et des pénalités y afférentes. Le sursis de paiement ne peut être refusé au contribuable que s’il n’a pas constitué auprès du comptable les garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor. (.) / A défaut de constitution de garanties ou si les garanties offertes sont estimées insuffisantes, le comptable peut prendre des mesures conservatoires pour les impôts contestés (.)" ; qu’aux termes de l’article R. 277-1 du même livre : "Le comptable compétent invite le contribuable qui a demandé à différer le paiement des impositions à constituer les garanties prévues à l’article L. 277. Le contribuable dispose d’un délai de quinze jours à compter de la réception de l’invitation formulée par le comptable pour faire connaître les garanties qu’il s’engage à constituer. (.) / Si le comptable estime ne pas pouvoir accepter les garanties offertes par le contribuable (.), il lui notifie sa décision par lettre recommandée" ;

Considérant que la présidente de la première chambre du tribunal administratif de Melun n’a pas répondu au moyen soulevé par M. et Mme K., qui n’était pas inopérant, tiré de ce que l’existence de mesures d’exécution forcée à leur encontre révélait que leur seconde proposition de garanties avait fait l’objet d’une décision implicite de rejet ; que l’ordonnance du 26 juillet 2007 doit, par suite, être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de statuer comme juge d’appel du référé fiscal en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 277 du livre des procédures fiscales, en vertu desquelles le contribuable bénéficie du sursis de paiement tant que la proposition de garanties qu’il a faite n’a pas été refusée par le comptable, ne sont applicables qu’à la première proposition de garanties effectuée par le contribuable, à la demande du comptable, dans les conditions prévues à l’article R. 277-1 du livre des procédures fiscales ; que lorsque cette proposition de garanties n’a pas été acceptée, et que ce refus est devenu définitif soit parce qu’il n’a pas été contesté devant le juge du référé fiscal, soit parce que ce juge a rejeté la contestation du contribuable, si le contribuable peut ultérieurement, spontanément ou à l’invitation du comptable, proposer de nouvelles garanties, une telle proposition ne peut le faire bénéficier du sursis de paiement que si elle est explicitement acceptée par le comptable ; qu’ainsi, la seconde proposition de garanties faite par M. et Mme K. le 14 mars 2007, après la notification de l’ordonnance du 16 janvier 2007 du juge du référé fiscal rejetant leur contestation du premier refus opposé par le comptable à leur proposition de garanties faite en application de l’article R. 277-1 du livre des procédures fiscales, n’a pas eu pour effet de les faire bénéficier du sursis de paiement, mais seulement de faire naître, à la suite du silence gardé par le comptable pendant deux mois, une décision implicite de refus de ces nouvelles garanties, qu’ils pouvaient contester devant le juge du référé fiscal, sans que leur soit opposable le délai de quinze jours fixé par les dispositions du premier alinéa de l’article L. 279 du livre des procédures fiscales, et sous réserve qu’ils respectent l’obligation de consignation posée par les dispositions du deuxième alinéa du même article ; qu’il en résulte que le juge du référé fiscal du tribunal administratif de Melun ne pouvait rejeter la demande de M. et Mme K. pour irrecevabilité au motif qu’ils bénéficiaient du sursis de paiement à compter de leur offre de garanties faite par lettre du 14 mars 2007 ; que par suite, son ordonnance du 28 juin 2007 doit être annulée ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer sur la demande présentée par M. et Mme K. devant le juge du référé fiscal du tribunal administratif de Melun ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 279 du livre des procédures fiscales, le juge du référé décide si les garanties offertes par le contribuable sont propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor et si, de ce fait, elles doivent être ou non acceptées par le comptable ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que les cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales pour lesquelles M. et Mme K. ont demandé le bénéfice du sursis de paiement s’élèvent à la somme totale de 538 833 euros ; qu’ils ont offert en garantie, par leur courrier du 14 mars 2007, une inscription hypothécaire sur l’appartement dont ils sont propriétaires, pour un montant de 165 000 euros ; qu’ils ont en outre consigné la somme de 39 764 euros ; que la garantie proposée par M. et Mme K. ne saurait être regardée comme suffisante pour assurer le recouvrement de la créance du Trésor ; qu’il n’y a pas lieu de faire droit à leur demande tendant à l’obtention de la dispense de garanties autres que celles déjà constituées, en application du troisième alinéa de l’article L. 279 du livre des procédures fiscales ; que leur demande tendant à l’annulation de la décision implicite rejetant leur seconde offre de garanties ne peut donc qu’être rejetée ;

Considérant que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions présentées par M. et Mme K. au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 26 juillet 2007 de la présidente de la première chambre du tribunal administratif de Melun et l’ordonnance du 28 juin 2007 du magistrat désigné comme juge du référé statuant en matière fiscale du tribunal administratif de Melun sont annulées.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme K. devant le juge du référé statuant en matière fiscale du tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de leur pourvoi sont rejetés.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Masaru K. et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

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