Conseil d’Etat, 5 décembre 2008, n° 317919, Elections municipales de Mela (Corse-du-Sud)

Le tableau rectificatif établi par la commission administrative chargée de la révision de la liste électorale n’a pas été affiché pendant dix jours, contrairement aux prescriptions de l’article R. 10 ; que par ailleurs, aucune affiche informant les électeurs de la possibilité de consulter le tableau à l’intérieur de la mairie n’a été apposée à l’extérieur de la mairie ; que la circonstance qu’il était loisible de demander au maire de consulter ce tableau ainsi que la liste est sans incidence sur le défaut de publicité ; qu’ainsi, les opérations électorales sont entachées d’irrégularité.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 317919

Elections municipales de Mela (Corse-du-Sud)

Mme Fabienne Lambolez
Rapporteur

M. Julien Boucher
Commissaire du gouvernement

Séance du 21 novembre 2008
Lecture du 5 décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Antoine Xavier P.et autres ; M. P. et autres demandent au Conseil d’Etat d’annuler le jugement du 9 juin 2008 par lequel le tribunal administratif de Marseille, faisant droit à la protestation de M. Frederick G. et autres, a annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune de Mela ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Fabienne Lambolez, Maître des Requêtes,

- les conclusions de M. Julien Boucher, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. P. et autres relèvent appel du jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 juin 2008 ayant annulé les opérations électorales qui se sont déroulées le 9 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux dans la commune de Mela (Corse-du-Sud) ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 62-1 du code électoral : " Pendant toute la durée des opérations électorales, une copie de la liste électorale certifiée par le maire et comportant les mentions prescrites par les articles L. 18 et L. 19 ainsi que le numéro d’ordre attribué à chaque électeur, reste déposée sur la table à laquelle siège le bureau. / Cette copie constitue la liste d’émargement. / Le vote de chaque électeur est constaté par sa signature apposée à l’encre en face de son nom sur la liste d’émargement " ; que s’il est allégué que M. P., président de l’unique bureau de vote de la commune de Mela, par ailleurs candidat à la tête de l’une des deux listes en présence, se serait rendu, pendant quelques instants, dans une pièce contiguë au bureau de vote muni de la liste d’émargement et d’un stylo, en présence de quatre autres personnes, il résulte cependant de l’instruction qu’aucun électeur n’a été empêché de voter pendant cet incident, qui n’a d’ailleurs pas été mentionné au procès-verbal de clôture des opérations électorales, et que le nombre d’enveloppes trouvées dans l’urne était égal au nombre de signatures figurant sur la liste d’émargement ; que par ailleurs, il n’est pas soutenu que des modifications à la liste auraient pu être apportées durant le bref moment où elle n’était plus sur la table, pas plus qu’aucune fraude ou manœuvre autre que l’éloignement momentané de la liste électorale de la table qu’elle n’aurait pas dû quitter n’est alléguée ; qu’ainsi cette irrégularité, pour regrettable qu’elle soit, a été sans incidence sur la régularité et la sincérité du scrutin ; que c’est par suite à tort que le tribunal administratif de Marseille a fait droit au grief tiré du seul déplacement momentané de la liste électorale hors du bureau de vote, sans rechercher les conséquences que les faits allégués avaient pu avoir sur la sincérité et la régularité du scrutin, pour annuler les opérations électorales ;

Considérant toutefois qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres griefs soulevés par M. G. à l’appui de sa protestation dirigée contre les opérations électorales du 9 mars 2008 dans la commune de Mela ;

Considérant que M. G. demande l’annulation des opérations électorales ; que sa protestation comporte l’énoncé de plusieurs griefs assortis de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ; qu’ainsi sa protestation est recevable ;

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent M. P. et autres, le grief tiré du défaut d’affichage de la liste électorale figure dans la requête introductive de M. G., qui a été formée dans le délai de recours de cinq jours ; qu’ainsi, ce grief est recevable ; que M. G. ne demande pas la modification de la liste électorale ; qu’ainsi, le moyen tiré de ce que le juge administratif serait incompétent pour connaître de telles conclusions ne peut qu’être écarté ;

Considérant que l’article L. 21 du code électoral prévoit que les listes électorales sont publiées dans des conditions fixées par décret ; qu’aux termes de l’article R. 10 du même code : " Le tableau contenant les additions et retranchements opérés par la commission administrative est (.) déposé au secrétariat de la mairie le 10 janvier (.) / Le jour même du dépôt, le tableau est affiché par le maire aux lieux accoutumés, où il devra demeurer pendant dix jours (.) " ; qu’il résulte de l’instruction et n’est pas sérieusement contesté que le tableau rectificatif établi par la commission administrative chargée de la révision de la liste électorale n’a pas été affiché pendant dix jours, contrairement aux prescriptions de l’article R. 10 ; que par ailleurs, aucune affiche informant les électeurs de la possibilité de consulter le tableau à l’intérieur de la mairie n’a été apposée à l’extérieur de la mairie ; que la circonstance qu’il était loisible de demander au maire de consulter ce tableau ainsi que la liste est sans incidence sur le défaut de publicité ; qu’ainsi, les opérations électorales sont entachées d’irrégularité ; que cette irrégularité, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu notamment du faible écart de voix, a été de nature à vicier la sincérité du scrutin ; que M. G. est par suite fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs, à demander l’annulation des opérations électorales du 9 mars 2008 pour l’élection des conseillers municipaux de Mela ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. P. et autres ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé les opérations électorales du 9 mars 2008 ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. P. et autres la somme demandée par M. G. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. P. et autres est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. G. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Antoine Xavier P. et autres et à la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

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