Conseil d’Etat, 1er décembre 2008, n° 285437, Florin D.

si, en application de l’article L. 5 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, les services accomplis dans la fonction publique française par un agent qui n’avait pas encore acquis la nationalité française peuvent être validés pour la constitution du droit à pension de l’intéressé dès lors que celui-ci satisfait aux conditions prévues par ces dispositions et si le décret et l’arrêté susvisés du 7 septembre 1965 ont autorisé la validation de certains services d’enseignement accomplis dans des établissements ou services français à l’étranger, il ne ressort d’aucun texte législatif ou réglementaire que de tels services puissent être validés lorsqu’ils ont été accomplis au sein d’universités étrangères, lesquelles n’entrent pas dans les prévisions du dernier alinéa de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 285437

M. D.

M. Eric Combes
Rapporteur

Mme Claire Legras
Commissaire du gouvernement

Séance du 5 novembre 2008
Lecture du 1er décembre 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu l’arrêt du 28 juillet 2005, enregistré le 23 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a, d’une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 février 2003 rejetant la demande présentée à ce tribunal par M. Florin D. et, d’autre part, transmis le dossier au Conseil d’Etat, en application du 3° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative ;

Vu la demande, enregistrée le 21 décembre 1998 au greffe du tribunal administratif de Nantes présentée par M. Florin D. ; M. D. demande l’annulation de la décision du 28 octobre 1998 par laquelle le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a refusé, d’une part, de prendre en compte, pour la liquidation de sa pension civile de retraite, les services qu’il a accomplis en Allemagne en qualité de doctorant au sein de l’Université de Halle, d’autre part, de valider les services auxiliaires qu’il a effectués comme ingénieur de recherche à Grenoble dans le laboratoire de l’entreprise Merlin-Gérin et comme enseignant au sein des universités de Grenoble du 15 avril au 15 juin 1986 et de Nantes du 1er octobre au 30 novembre 1988 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu la loi n° 86-1304 du 23 décembre 1986 ;

Vu le décret n° 65-772 du 7 septembre 1965 ;

Vu l’arrêté interministériel du 7 septembre 1965 ;

Vu l’arrêté du 28 juillet 1995 autorisant la validation pour la retraite au titre de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite des services accomplis par certains agents vacataires ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Combes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les conclusions de Mme Claire Legras, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. D., professeur des universités, a accompli des services du 1er mai 1965 au 30 juin 1968 en qualité d’étudiant en doctorat au sein de l’université de Halle en République Fédérale d’Allemagne, du 23 octobre 1984 au 3 mai 1985 en qualité d’ingénieur de recherche au sein de l’entreprise Merlin-Gérin, du 15 avril au 15 juin 1986 en qualité de vacataire au Centre universitaire de formation continue de Grenoble, du 1er octobre au 30 novembre 1988 en tant que professeur invité à l’université de Nantes et du 7 septembre 2000 au 30 août 2001 en qualité de professeur titulaire alors qu’il était maintenu en activité ; que M. D. demande, d’une part, l’annulation de la décision du 28 octobre 1998 par laquelle le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie a refusé de valider, pour l’appréciation de ses droits à percevoir une pension relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite, les services accomplis par lui pendant ces périodes et, d’autre part, la prise en compte, au titre de ses droits à une telle pension, des services accomplis par lui pendant la période de son maintien en activité postérieurement à l’âge de son admission à la retraite ;

Sur l’étendue du litige :

Considérant d’une part, que, par une décision en date du 20 mars 2000, le ministre de l’éducation nationale a accepté de prendre en compte, pour l’ouverture des droits à pension, les services accomplis par M. D. du 23 octobre 1984 au 3 mai 1985 en qualité d’ingénieur de recherche au sein de l’entreprise Merlin Gérin ; que la requête de M. D. est devenue, dans cette mesure, sans objet ; qu’il n’y a, par suite, pas lieu d’y statuer ;

Considérant, d’autre part, qu’il résulte des pièces du dossier, contrairement à ce que soutient le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, que M. D. n’a pas renoncé aux autres conclusions de son pourvoi ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 4 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction applicable au présent litige : "Le droit à pension est acquis : 1° Aux fonctionnaires après quinze années accomplies de services civils et militaires effectifs (.)" ; qu’aux termes de l’article L. 5 du même code : "Les services pris en compte dans la constitution du droit à pension sont : 1° Les services accomplis en qualité de fonctionnaire titulaire (.) / 3° Les services accomplis dans les établissements industriels de l’Etat en qualité d’affilié au régime de retraite de la loi du 21 mars 1928, modifiée par la loi n° 49-1097 du 2 août 1949 (.) / 8° Peuvent également être pris en compte pour la constitution du droit à pension les services d’auxiliaire, de temporaire, d’aide ou de contractuel (.) accomplis dans les administrations centrales de l’Etat, les services extérieurs en dépendant et les établissements publics de l’Etat ne présentant pas un caractère industriel et commercial, si la validation des services de cette nature a été autorisée par un arrêté conjoint du ministre intéressé et du ministre de l’économie et des finances et si elle est demandée avant la radiation des cadres" ; qu’aux termes de l’article L. 9 de ce code : ". En ce qui concerne les fonctionnaires civils (.) le temps passé dans toute position ne comportant pas l’accomplissement de services effectifs et prévue par les textes visés à l’alinéa précédent n’est compté comme service effectif que dans la limite maximum de cinq ans et sous réserve que les bénéficiaires subissent pendant ce temps, sur leur dernier traitement d’activité, les retenues prescrites par le présent code" ; qu’enfin, selon l’article L. 10 de ce code alors en vigueur : "Les services accomplis postérieurement à la limite d’âge ne peuvent être pris en compte dans une pension, sauf dans les cas exceptionnels prévus par une loi" ;

Considérant, en premier lieu, que si, en application de l’article L. 5 précité du code des pensions civiles et militaires de retraite, les services accomplis dans la fonction publique française par un agent qui n’avait pas encore acquis la nationalité française peuvent être validés pour la constitution du droit à pension de l’intéressé dès lors que celui-ci satisfait aux conditions prévues par ces dispositions et si le décret et l’arrêté susvisés du 7 septembre 1965 ont autorisé la validation de certains services d’enseignement accomplis dans des établissements ou services français à l’étranger, il ne ressort d’aucun texte législatif ou réglementaire que de tels services puissent être validés lorsqu’ils ont été accomplis au sein d’universités étrangères, lesquelles n’entrent pas dans les prévisions du dernier alinéa de l’article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que si M. D. demande la validation des services accomplis au cours de la période de stage doctoral, il n’établit pas, en tout état de cause, avoir effectué durant cette période des services susceptibles d’être validés ; qu’il suit de là que le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie était fondé à refuser de valider les services accomplis du 1er mai 1965 au 30 juin 1968 par M. D., en qualité d’étudiant en formation au sein de l’université de Halle en République Fédérale d’Allemagne ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des dispositions précitées de l’article L. 5 du même code que le législateur a entendu subordonner la validation des services mentionnés par elles à la condition qu’un arrêté interministériel l’autorise ; que, d’une part, l’arrêté du 2 juin 1989, pris à cette fin, ouvre la possibilité pour les fonctionnaires de faire valoir, pour la constitution de leur droit à pension, les services qu’ils ont accomplis, hors services d’enseignement, en qualité de vacataires, à la condition que les intéressés aient alors été "employés à temps complet à concurrence d’un minimum mensuel de 150 heures de travail" ; qu’il résulte de l’instruction que si M. D. a exercé des fonctions de vacataire à temps complet au centre universitaire de formation continue de Grenoble du 15 avril 1986 au 15 juin 1986, la rémunération qu’il a perçue de ce centre au cours de la période d’octobre 1985 à juillet 1986 correspondait à une durée d’enseignement totale de 151, 75 heures, soit une durée mensuelle inférieure à celle prévue à l’article 1er de l’arrêté du 2 juin 1989 ; que, d’autre part, si l’arrêté du 28 juillet 1995, également pris pour l’application de l’article L. 5 du code, précise que peuvent être validés les services d’enseignement accomplis par les personnels rémunérés en qualité de vacataire à titre principal et justifiant d’un temps de service annuel au moins égal à 300 heures de travaux pratiques ou de 150 heures de cours ou de travaux dirigés et si M. D. a perçu, au cours de la période en cause, une rémunération correspondant à 151, 75 heures d’enseignement, les services de vacataire, qui ne relèvent pas d’un recrutement à titre principal, ne peuvent être validés à raison d’une période au cours de laquelle l’intéressé était, à titre principal, maître de conférences associé à temps complet à l’université Stendhal de Grenoble ; que, par suite, les services accomplis par le requérant entre le 15 avril et le 15 juin 1986 au sein du centre universitaire en cause ne pouvaient, en tout état de cause, pas être pris en compte pour la constitution de son droit à pension ;

Considérant, en troisième lieu, que M. D. fait valoir qu’il a accompli, du 1er octobre au 30 novembre 1988, des services au sein de l’université de Nantes en qualité de professeur invité ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, M. D. a versé au dossier les pièces établissant qu’il a accompli plus de 120 heures de services par mois au cours de cette période ; qu’il est, dès lors, fondé à soutenir que l’administration a commis une erreur de droit en refusant de valider les services dont il s’agit ;

Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions précitées de l’article L. 10 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans leur rédaction applicable au présent litige, faisaient obstacle à ce que les services accomplis, postérieurement à la limite d’âge de son grade, par un fonctionnaire maintenu en activité en application de la loi du 23 décembre 1986 relative à la limite d’âge et aux modalités de recrutement de certains fonctionnaires civils de l’Etat, fussent pris en compte pour la constitution du droit à pension ; qu’il suit de là que la demande, formulée en cours d’instance par M. D., tendant à ce que les services qu’il a accomplis du 7 septembre 2000 au 30 août 2001 à l’université de Nantes en qualité de professeur des universités maintenu en activité soient retenus pour la détermination de ses droits à pension, ne peut, en tout état de cause, être accueillie ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. D. est seulement fondé à demander l’annulation de la décision du 28 octobre 1998 du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie en tant qu’elle rejetait sa demande de validation des services accomplis entre le 1er octobre et le 30 novembre 1988 à l’université de Nantes ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat, la somme que demande M. D. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. D. tendant à la prise en compte, pour l’ouverture des droits à pension, des services accomplis du 23 octobre 1984 au 3 mai 1985.

Article 2 : La décision du ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie du 28 octobre 1998 est annulée en tant qu’elle a refusé la validation des services accomplis par M. D. à l’université de Nantes entre le 1er octobre et le 30 novembre 1988.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. D. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Florin D., au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche et au ministre du budget, des comptes publiques et de la fonction publique.

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