Conseil d’Etat, 24 octobre 1997, n° 170320, Mme Eyraud

Une personne employée en qualité d’illustrateur par une revue peut se voir reconnaître la qualité de reporter-dessinateur au sens de l’article L761-2 du code du travail si les illustrations qui lui sont confiées présentent un caractère suffisant de rapport avec l’actualité.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 170320

Mme Eyraud

M Guyomar, Rapporteur

M Lamy, Commissaire du gouvernement

M Vught, Président

Lecture du 24 Octobre 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu, sous le n° 170320, l’ordonnance en date du 2 mai 1995, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 19 juin 1995, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, la demande présentée à ce tribunal par Mme Marie-Claude EYRAUD ;

Vu la requête, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Paris, le 18 janvier 1995, présentée par Mme EYRAUD demeurant 25 rue de la Cerisaie à Paris (75004) et tendant à l’annulation de la décision du 4 novembre 1994 par laquelle la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels a confirmé la décision de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, en date du 5 mai 1994, refusant de lui attribuer la carte d’identité de journaliste professionnel au titre de l’année 1994 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M Guyomar, Auditeur,

- les conclusions de M Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par sa décision du 5 mai 1994, la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels a refusé à Mme EYRAUD l’attribution de la carte d’identité des journalistes professionnels ; que, par une décision en date du 4 novembre 1994, dont Mme EYRAUD conteste la légalité, la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels a confirmé ce refus ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’aux termes de l’article L 761-2 du code du travail : "Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources" ; qu’en vertu de l’article R 761-3 du même code, la carte d’identité professionnelle de journalistes" ne peut être délivrée qu’aux personnes répondant aux conditions fixées par l’article L 761-2" ;

Considérant que Mme EYRAUD soutient avoir la qualité de journaliste professionnel en tant que reporter-dessinateur, en application des dispositions du troisième alinéa de l’article L 761-2 du code du travail aux termes duquel : "Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction : rédacteurs-traducteurs, sténographesrédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent à un titre quelconque qu’une collaboration occasionnelle (...) ; qu’il ressort des pièces du dossier que les fonctions de Mme EYRAUD, employée par la revue Rustica en qualité d’illustratrice consistent en l’illustration des fiches destinées à présenter des méthodes et des techniques de jardinage ; que les illustrations en question présentent en l’espèce un caractère suffisant de rapport avec l’actualité pour que leur dessinateur puisse être qualifié de reporter au sens des dispositions précitées ; que Mme EYRAUD peut donc, à ce titre, invoquer à son bénéfice l’application des dispositions de l’article L 761-2 du code du travail ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme EYRAUD est fondée à soutenir que la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels a fait une inexacte application des dispositions précitées en refusant de lui attribuer la carte d’identité de journaliste professionnel au titre de l’année 1994 ; que, dès lors, la décision en date du 4 novembre 1994 par laquelle la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels a refusé d’annuler la décision du 5 mai 1994 de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels doit être annulée ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 4 novembre 1994 de la Commission supérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels et la décision du 5 mai 1994 de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels sont annulées.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Claude EYRAUD, à la Commissionsupérieure de la carte d’identité des journalistes professionnels et au ministre de la culture et de la communication.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article327