Conseil d’Etat, 5 mai 2008, n° 300774, Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie c/ SAS Polyrey

Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d’éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l’année d’imposition concernée.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 300774

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ SAS Polyrey

M. Florian Blazy
Rapporteur

M. Pierre Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 26 mars 2008
Lecture du 5 mai 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 19 janvier 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du 5 octobre 2004 du tribunal administratif de Versailles prononçant la réduction des cotisations de taxe professionnelle auxquelles la SAS Polyrex a été assujettie au titre des années 2000, 2001 et 2002 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Florian Blazy, Auditeur,

- les conclusions de M. Pierre Collin, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Polyrey a demandé le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée de ses cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2000, 2001 et 2002 ; que l’administration fiscale, estimant que la société aurait dû inclure dans la valeur ajoutée produite les indemnités d’assurance qu’elle avait perçues, à la suite de divers sinistres, et qu’elle avait comptabilisées au compte 79 "transfert de charges", a rejeté les demandes de plafonnement de la société à concurrence de 84 779 F (12 924, 48 euros) au titre de 2000, 6 431 euros au titre de 2001 et 6 807 euros au titre de 2002 ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 12 décembre 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a confirmé le jugement du 5 octobre 2004 par lequel le tribunal administratif de Versailles avait fait droit aux demandes de la société Polyrey tendant à la réduction de ces cotisations ;

Considérant qu’aux termes de l’article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d’imposition en litige : "I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l’année au titre de laquelle l’imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l’année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II (.)/ II.1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l’excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. /2 Pour la généralité des entreprises, la production de l’exercice est égale à la différence entre : / d’une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes ; les produits accessoires ; les subventions d’exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l’entreprise elle-même ; les stocks à la fin de l’exercice ; / et, d’autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douanes compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l’exercice./ Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l’exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, (.) les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion (.)" ; que pour les impositions établies au titre des années en litige, le taux de plafonnement a été fixé à 4 p. 100 pour les entreprises dont le chiffre d’affaires de l’année au titre de laquelle le plafonnement était demandé excédait, pour 2000 et 2001, 500 millions de francs et, pour 2002, 76 225 000 euros ;

Considérant que ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d’éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle ; que pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l’une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l’année d’imposition concernée ; qu’aux termes de l’article 38 quater de l’annexe III au code général des impôts : "Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l’assiette de l’impôt" ; que si les indemnités d’assurances perçues par une entreprise pour compenser un sinistre doivent être inscrites au crédit du compte 79 "transfert de charges" et si ce compte ne pouvait être rattaché à aucune des rubriques prévues pour le calcul de la valeur ajoutée par l’article 1647 B sexies avant sa modification par l’article 85 de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005, ces indemnités doivent, dans le cas et dans la mesure où elles compensent des charges qui ont été elles-mêmes déduites par cette entreprise pour la détermination de sa valeur ajoutée au titre des consommations de biens et services en provenance de tiers, être regardées, au sens et pour l’application des dispositions de cet article et en particulier du 1 de son II, comme une production de l’exercice au cours duquel elles ont été perçues par le redevable ;

Considérant que la cour administrative d’appel, après avoir relevé que les indemnités d’assurances perçues par la société Polyrey, et comptabilisées au compte 791 "transfert de charges d’exploitation", n’avaient pas été comprises dans le montant de sa production et que le ministre soutenait que, dès lors qu’elles compensaient des charges exceptionnelles supportées par cette société, ces sommes devaient être prises en compte pour le calcul du plafonnement de la taxe professionnelle due au titre des années 2000, 2001 et 2002, a jugé que, dès lors que le 2 du II de l’article 1647 B sexies précité fixait de manière limitative les éléments de la production de l’exercice à prendre en compte pour le calcul de la valeur ajoutée, au nombre desquels ne figuraient pas les transferts de charges, l’administration ne pouvait légalement prendre en compte les indemnités d’assurance perçues par la société Polyrey pour le calcul de la valeur ajoutée produite par celle-ci à supposer même que ces indemnités aient revêtu le caractère d’un produit d’exploitation ; que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à soutenir qu’en statuant ainsi, et en refusant par suite de neutraliser les charges prises en compte pour la détermination de la valeur ajoutée mais non supportées en définitive par l’entreprise, alors que les indemnités d’assurance perçues par la société devaient, dans la mesure où elles avaient compensé des charges déduites par celle-ci pour le calcul de sa valeur ajoutée, être regardées, au sens et pour l’application de l’article 1647 B sexies et en particulier du 1 de son II, comme une production de l’exercice au cours duquel elles avaient été perçues par la société, la cour a commis une erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, que le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de renvoyer l’affaire devant la cour administrative d’appel de Versailles ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt du 12 décembre 2006 de la cour administrative d’appel de Versailles est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée devant la cour administrative d’appel de Versailles.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE et à la société Polyrey.

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