Conseil d’Etat, 17 avril 2008, n° 301751, Banque de France

La rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur est soumise à la procédure de licenciement prévue par les articles L. 122-14 et suivants du code du travail applicable aux agents de la Banque de France, désormais repris aux articles L. 1232-1 et suivants du nouveau code du travail, et n’ouvre droit pour le salarié, dès lors qu’aucun texte n’interdit ni ne restreint la faculté de l’employeur de le licencier, qu’à des réparations de nature indemnitaire. Il en résulte que le juge ne peut, en l’absence de dispositions le prévoyant expressément, annuler un licenciement. En effet, en vertu des dispositions de l’article L. 122-14-4 du code du travail, aujourd’hui reprises aux articles L. 1235-2 à L. 1235-4, le salarié dont le licenciement est sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de sa rémunération brute et à une indemnité d’un mois de salaire maximum en cas d’irrégularité du licenciement. Pour les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, l’article L. 122-14-5 du code du travail, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’article L. 1235-5, prévoit qu’ils ne peuvent bénéficier, en cas de licenciement abusif, que d’une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, ainsi que, en cas de non respect des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 122-14 relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, d’une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 301751

BANQUE DE FRANCE

M Benoit Bohnert
Rapporteur

M. Laurent Vallée
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 mars 2008
Lecture du 17 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 19 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la BANQUE DE FRANCE, dont le siège est 39 rue Croix des Petits Champs à Paris (75001) ; la BANQUE DE FRANCE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 16 février 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête en tierce opposition de l’ordonnance de référé du 12 janvier 2007 ayant, à la demande de M. Stéphane Le G., suspendu l’exécution de la décision du 7 mars 2005 du directeur de la succursale de Béziers de la Banque de France mettant fin à son contrat d’agent de surveillance à compter du 30 juin 2005 ;

2°) de mettre à la charge de M. Le G. le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code monétaire et financier, notamment son article L. 144-3 ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M Benoit Bohnert, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de la BANQUE DE FRANCE et de la SCP Boullez, avocat de M. Le G.,

- les conclusions de M. Laurent Vallée, Commissaire du gouvernement

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;

Considérant que la rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur est soumise à la procédure de licenciement prévue par les articles L. 122-14 et suivants du code du travail applicable aux agents de la Banque de France, désormais repris aux articles L. 1232-1 et suivants du nouveau code du travail, et n’ouvre droit pour le salarié, dès lors qu’aucun texte n’interdit ni ne restreint la faculté de l’employeur de le licencier, qu’à des réparations de nature indemnitaire ; qu’il en résulte que le juge ne peut, en l’absence de dispositions le prévoyant expressément, annuler un licenciement ; qu’en effet, en vertu des dispositions de l’article L. 122-14-4 du code du travail, aujourd’hui reprises aux articles L. 1235-2 à L. 1235-4, le salarié dont le licenciement est sans cause réelle et sérieuse a droit à une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de sa rémunération brute et à une indemnité d’un mois de salaire maximum en cas d’irrégularité du licenciement ; que, pour les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise, l’article L. 122-14-5 du code du travail, dont les dispositions sont aujourd’hui reprises à l’article L. 1235-5, prévoit qu’ils ne peuvent bénéficier, en cas de licenciement abusif, que d’une indemnité calculée en fonction du préjudice subi, ainsi que, en cas de non respect des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 122-14 relatives à l’assistance du salarié par un conseiller, d’une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire ;

Considérant que les dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne permettent au justiciable de demander la suspension d’une décision administrative qu’à la condition qu’une telle décision soit encore susceptible d’exécution ; que la décision de licencier pour motif personnel un salarié ayant conclu un contrat à durée indéterminée doit être regardée, eu égard aux dispositions précitées du code du travail, sauf dans les cas dans lesquels le législateur a expressément limité le droit de l’employeur de procéder à un licenciement en sanctionnant la transgression de cette interdiction par la nullité du licenciement, comme entièrement exécutée à la date à laquelle le licenciement est notifié à l’agent par l’employeur ; que, par suite, la BANQUE DE FRANCE est fondée à soutenir que c’est au prix d’une erreur de droit que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a regardé comme recevable la demande de M. Le G. tendant à la suspension, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de la décision du 7 mars 2005 par laquelle le directeur de la succursale de Béziers de la Banque de France a mis fin à son contrat d’agent de surveillance à compter du 30 juin 2005 ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la BANQUE DE FRANCE est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête en tierce opposition ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de statuer au titre de la procédure de référé sur la tierce opposition formée par la BANQUE DE FRANCE contre l’ordonnance du 12 janvier 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l’exécution de la décision du 7 mars 2005 par laquelle le directeur de la succursale de Béziers de la BANQUE DE FRANCE a mis fin au contrat de travail de M. Le G. ;

Sur la recevabilité de la tierce opposition :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la BANQUE DE FRANCE n’a pas été appelée en la cause par le juge des référés dans l’instance ayant abouti à l’ordonnance du 12 janvier 2007 ; que cette ordonnance préjudicie aux droits de la BANQUE DE FRANCE ; que, par suite, celle-ci est recevable à former tierce opposition contre l’ordonnance du 12 janvier 2007 ;

Sur le bien-fondé de la tierce opposition :

Considérant qu’ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la demande présentée par M. Le G. devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est irrecevable et ne peut qu’être rejetée ; que, dès lors, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la BANQUE DE FRANCE tendant à ce que l’ordonnance du 12 janvier 2007 soit déclarée non avenue et de rejeter la demande aux fins de suspension présentée par M. Le G. devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier ; que, par voie de conséquence, les conclusions de M. Le G. aux fins d’injonction ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la BANQUE DE FRANCE, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande l’avocat de M. Le G. au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. Le G. la somme demandée par la BANQUE DE FRANCE au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 16 février 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La tierce opposition présentée par la BANQUE DE FRANCE est admise.

Article 3 : L’ordonnance du 12 janvier 2007 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est déclarée non avenue.

Article 4 : La demande aux fins de suspension présentée par M. Le G. devant le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 5 : Les conclusions de la BANQUE DE FRANCE et de M. Le G. tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la BANQUE DE FRANCE et à M. Stéphane Le G..

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