Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 291677, Paul R.

Les juridictions disciplinaires de l’ordre des vétérinaires sont des juridictions administratives.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 291677

M. R.

M. Marc Lambron
Rapporteur

M. Jean-Philippe Thiellay
Commissaire du gouvernement

Séance du 10 mars 2008
Lecture du 11 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 5ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 5ème sous-section de la section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 24 mars 2006, présentée pour M. Paul R. ; M. R. demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision du 24 janvier 2006 par laquelle la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires a, d’une part, décidé de surseoir à statuer sur son appel dirigé contre la décision de la chambre régionale de discipline de l’ordre de Midi-Pyrénées du 16 avril 1999 lui infligeant, sur la plainte de M. Re., la sanction de la suspension pendant deux ans du droit d’exercer dans le département de l’Aveyron et, d’autre part, lui a enjoint de saisir de questions préjudicielles la juridiction compétente dans le délai de six mois ;

2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler la décision de la chambre de discipline de l’ordre de Midi-Pyrénées et de le relaxer des poursuites engagées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de M. Re. la somme de 12 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 portant amnistie ;

Vu le décret n° 92-157 du 19 février 1992 ;

Vu le décret n° 98-558 du 2 juillet 1998 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. R. et de Me Blanc, avocat du conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement

Considérant que, par une décision du 24 janvier 2006, la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires a sursis à statuer sur l’appel de M. R. tendant à l’annulation de la décision de la chambre régionale de discipline de l’ordre de Midi-Pyrénées du 16 avril 1999 lui infligeant une sanction d’interdiction temporaire d’exercer et lui a enjoint notamment de saisir la juridiction compétente pour statuer sur la légalité des dispositions de l’article 40 du décret du 19 février 1992 portant code de déontologie des vétérinaires ;

Considérant que les juridictions disciplinaires de l’ordre des vétérinaires sont des juridictions administratives ; qu’il en résulte que la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires était compétente pour apprécier, à l’occasion du litige qui était porté devant elle, la légalité des dispositions de l’article 40 du décret du 19 février 1992 portant code de déontologie vétérinaire, alors en vigueur ; que cette question n’avait pas, dès lors, le caractère d’une question préjudicielle ; que la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires a dès lors entaché d’erreur de droit sa décision du 24 janvier 2006 par laquelle elle a enjoint à M. R. de saisir la juridiction compétente de la question de la légalité de ces dispositions et sursis à statuer sur l’appel dont celui-ci l’avait saisie ; que M. R. est dès lors fondé à demander l’annulation de cette décision ;

Considérant que l’affaire faisant l’objet d’un second recours en cassation, il y a lieu de la régler au fond par application des dispositions du 2ème alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, aux termes desquelles : " Lorsque l’affaire fait l’objet d’un second pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat statue définitivement sur cette affaire " ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu’aux termes de l’article 40 du code de déontologie vétérinaire : " Sauf convention contraire entre les intéressés, tout vétérinaire ayant exercé dans un cabinet ou une clinique en qualité de stagiaire, assistant ou remplaçant ne peut fixer son domicile professionnel à moins de vingt-cinq kilomètres du cabinet ou de la clinique vétérinaire où il a exercé sa profession pendant au moins trente jours, consécutifs ou non, au cours des cinq années qui précèdent. Les distances se comptent par le chemin carrossable le plus court. La période d’interdiction court du lendemain du jour où cet exercice a pris fin. Elle est d’une durée de deux ans. Pour les soins aux animaux de compagnie et de sport, la distance minimale sus-énoncée est réduite à trois kilomètres, si le cabinet se trouve dans une agglomération de plus de cent mille habitants. Les mêmes dispositions s’appliquent aux stagiaires libres, sous réserve qu’une convention soit établie dès le début du stage précisant la durée de celui-ci ainsi que les obligations des parties. ", et qu’aux termes de l’article 11 de la loi du 6 août 2002 : " Sont amnistiés les faits commis avant le 17 mai 2002 en tant qu’ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles . sont exceptés du bénéfice de l’amnistie prévue par le présent article les faits constituant des manquements à l’honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs " ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que M. Re., dont le cabinet vétérinaire était implanté à Saint-Cyprien dans l’Aveyron, a engagé M. R. pour l’assister dans l’exercice de sa profession, par des contrats conclus pour la période du 29 septembre 1997 au 30 avril 1998 et comportant une clause de non concurrence qui, en instaurant une règle différente de celle énoncée à l’article 40 du code de déontologie vétérinaire alors en vigueur, avait pour effet d’écarter l’application de celle-ci ; que la seule circonstance que M. R. ait méconnu cette clause, qui par ailleurs est dépourvue de contreparties financières, n’est pas par elle-même et à elle seule constitutive d’un fait contraire à l’honneur ou à la probité qui serait par là exclu du bénéfice de l’amnistie résultant de la loi du 6 août 2002 ;

Considérant, en second lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction que M. R. se serait livré à des actes de concurrence déloyale ou de détournement de clientèle contre M. Re. ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. R. est fondé à demander l’annulation de la décision du 16 avril 1999 par laquelle la chambre régionale de discipline de l’ordre des vétérinaires de Midi-Pyrénées lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer pendant deux ans dans le département de l’Aveyron, ainsi que le rejet de la plainte de M. Re. ;

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de M. Re. la somme que M. R. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre supérieure de discipline de l’ordre des vétérinaires du 24 janvier 2006 ainsi que la décision de la chambre régionale de discipline des vétérinaires de Midi-Pyrénées du 16 avril 1999 sont annulées.

Article 2 : La plainte introduite par M. Re. devant la chambre régionale de discipline de Midi-Pyrénées est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. R. est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Paul R. et à M. Re..

Copie pour information en sera adressée au conseil supérieur de l’ordre des vétérinaires.

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