Conseil d’Etat, 11 avril 2008, n° 304045, Consorts E.

Eu égard au motif d’ordre public sur lequel repose cette décision, celle-ci n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, porté au droit de M. E. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ni méconnu, par suite, les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 304045

M. E. et Mme E.

M. Yves Doutriaux
Rapporteur

M. Frédéric Lenica
Commissaire du gouvernement

Séance du 17 mars 2008
Lecture du 11 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 29 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Selim E. et par Mme Massia E. ; les requérants demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir la décision en date du 27 septembre 2007 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Ankara refusant à M. E. la délivrance d’un visa d’entrée en France afin de rejoindre son épouse ;

2°) d’enjoindre à l’Etat de se prononcer sur leur demande dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous peine d’être condamné à verser une somme de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le décret n° 2000-1093 du 10 novembre 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d’Etat,

- les conclusions de M. Frédéric Lenica, Commissaire du gouvernement

Considérant que M. E., ressortissant de nationalité turque, et Mme A. demandent l’annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 27 septembre 2007 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France a confirmé la décision des autorités consulaires françaises à Ankara refusant au requérant la délivrance d’un visa d’entrée en France en qualité de conjoint d’une ressortissante de nationalité française ;

Considérant que la décision attaquée, qui s’est substituée à la décision précédente des autorités consulaires, énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels elle est fondée ; qu’elle est, par suite, suffisamment motivée au regard des prescriptions de l’article L. 211-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la suite des violences dont Mme E. s’est plainte d’être l’objet de la part de son époux, et qui l’ont amenée à se séparer de lui, l’intéressé s’est vu opposer un refus de renouvellement de son titre de séjour assorti d’un arrêté de reconduite à la frontière en date du 29 mars 2005, lequel a été confirmé par un jugement du tribunal administratif de Montpellier en date du 28 juillet 2005, devenu définitif ; qu’à la suite d’une seconde plainte au commissariat de police de Montpellier déposée le 16 janvier 2006 par Mme E., il est apparu que celle-ci continuait d’être exposée à de graves menaces de la part de son époux ; que ce dernier est retourné alors dans son pays d’origine le 25 janvier 2006 avant de solliciter de nouveau un visa d’entrée en France ;

Considérant que, si les requérants soutiennent qu’ils ont informé lors de leur demande les services consulaires à Ankara qu’ils avaient l’intention de reprendre leur vie commune, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l’espèce et compte tenu des troubles à l’ordre public que le retour en France de M. E. risquerait d’entraîner, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France ait inexactement qualifié les faits en estimant qu’ils étaient constitutifs d’une menace à l’ordre public ; qu’elle a, dès lors, pu légalement se fonder sur ce motif pour prendre la décision attaquée ;

Considérant qu’eu égard au motif d’ordre public sur lequel repose cette décision, celle-ci n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, porté au droit de M. E. au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée ni méconnu, par suite, les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme E. ne sont pas fondés à demander l’annulation de la décision du 27 septembre 2007 de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France ; que leurs conclusions aux fins d’injonction ainsi que celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme E. est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme E. et au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2873