Conseil d’Etat, 4 avril 2008, n° 298926, Société Ryanair Ltd

Les dispositions précitées des articles L. 224-2 et R. 224-2 du code de l’aviation civile ne font pas obstacle à ce que des tarifs différents soient appliqués pour des catégories de passagers différentes.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 298926

SOCIETE RYANAIR LTD

M. Yves Doutriaux
Rapporteur

Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 mars 2008
Lecture du 4 avril 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la SOCIETE RYANAIR LTD, dont le siège est à Dublin Airport, County Dublin, en Irlande ; la SOCIETE RYANAIR LTD demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer a rejeté sa demande tendant, d’une part, à l’abrogation de l’annexe 3 du contrat de régulation économique du 6 février 2006 signé par l’Etat et Aéroports de Paris en tant qu’elle est relative aux tarifs de la redevance par passager et, d’autre part, à l’abrogation de l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981 en tant qu’il prévoit la possibilité de différencier les tarifs de la redevance par passager selon la zone géographique de destination ;

2°) d’annuler lesdites clauses et dispositions ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le règlement CEE n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 ;

Vu le code de l’aviation civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, Conseiller d’Etat,

- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat du ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement

Considérant que la SOCIETE RYANAIR LTD a saisi le 12 juillet 2006 le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer d’une demande tendant à l’abrogation, d’une part, des clauses, en tant qu’elles sont relatives aux tarifs de la redevance passager, de l’annexe 3 du contrat de régulation économique conclu le 6 février 2006 entre l’Etat et Aéroports de Paris et, d’autre part, des dispositions de l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981 relatif aux conditions d’établissement et de perception des redevances d’usage des installations aménagées pour la réception des passagers et des marchandises sur les aéroports de France métropolitaine et d’outre-mer ; que la SOCIETE RYANAIR LTD demande l’annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête en tant qu’elle concerne le refus d’abrogation de l’annexe 3 du contrat de régulation économique :

Considérant qu’il ressort de l’annexe 3 du contrat de régulation économique, intitulée " grille des redevances à la date de signature du contrat ", que celle-ci, qui se borne à rappeler les tarifs de redevances applicables à la date de signature du contrat de régulation économique, tels qu’ils ont été fixés par une décision du conseil d’administration d’Aéroports de Paris en date du 25 novembre 2004, ne présente pas le caractère d’un acte faisant grief ; que, par suite, les conclusions dirigées contre le refus de faire droit à la demande d’abrogation de cette annexe sont irrecevables ;

Sur les conclusions relatives au refus d’abrogation de l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 224-2 du code de l’aviation civile : " Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 410-2 du code de commerce. Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d’infrastructures ou d’installations nouvelles avant leur mise en service. Il peut faire l’objet, pour des motifs d’intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l’environnement, améliorer l’utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d’aménagement du territoire. Le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l’aéroport " ; qu’aux termes du 1° de l’article R. 224-2 du même code : " .la redevance par passager, correspondant à l’usage des installations aménagées pour la réception des passagers et du public, ainsi que, le cas échéant, aux services complémentaires, tels que la mise à disposition de comptoirs d’enregistrement et d’embarquement, ainsi que des installations de tri des bagages. L’assiette de cette redevance est le nombre de passagers embarqués. " ; qu’aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981 : " La redevance est perçue à l’occasion de l’embarquement du passager. Les taux de redevance peuvent varier selon les aéroports. Ils sont fixés par décision de l’exploitant de l’aéroport dans les conditions prévues par l’article R. 224-2 du code de l’aviation civile. Pour les passagers embarqués sur un même aéroport, la redevance peut être fixée à des taux différents selon la zone géographique de destination du vol qu’ils effectuent. Les destinations peuvent être réparties en trois zones au maximum à partir des aéroports de France métropolitaine et en quatre zones au maximum à partir des aéroports situés dans les départements d’outre-mer ou appartenant à l’Etat dans les territoires d’outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte " ;

Considérant que les dispositions précitées des articles L. 224-2 et R. 224-2 du code de l’aviation civile ne font pas obstacle à ce que des tarifs différents soient appliqués pour des catégories de passagers différentes ; qu’il ressort des pièces du dossier que le coût des services rendus aux passagers est susceptible de varier selon la destination des vols, eu égard notamment aux conditions du transit au sein des aérogares et aux installations de contrôle requises ; que dans ces circonstances, l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981, qui permet de fixer la redevance pour passager à des taux différents selon la zone géographique du vol effectué, n’a méconnu ni les articles L. 224-2 et R. 224-2 du code de l’aviation civile, ni les articles 82 et 86, paragraphe 1, du traité instituant la Communauté européenne ; que la modulation des tarifs autorisée par l’arrêté en fonction de la zone géographique du vol ne constitue pas une modulation des redevances pour un motif d’intérêt général au sens de l’article L 224-2 du code de l’aviation civile ; que par suite le moyen tiré de la méconnaissance des critères fixés par cet article pour les modulations des redevances pour motif d’intérêt général ne peut qu’être écarté ;

Considérant que la société requérante ne saurait utilement invoquer, à l’appui de ses conclusions, la méconnaissance du règlement CEE n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet 1992 concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons intracommunautaires, qui se borne à répartir les droits de trafic entre les compagnies aériennes et n’a pas pour objet de fixer des règles en matière de différenciation des tarifs au regard de la destination des vols ;

Considérant que l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981, qui se borne à prévoir la possibilité pour les exploitants d’aéroports de moduler les tarifs des redevances en fonction de la zone géographique de destination des vols, la modulation devant s’appliquer à l’ensemble des compagnies aériennes desservant la destination, n’a ni pour objet ni pour effet, d’instituer une aide d’Etat au profit de la société Air France ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE RYANAIR LTD n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer a rejeté sa demande tendant à l’abrogation de l’annexe 3 du contrat de régulation économique conclu entre l’Etat et Aéroports de Paris et de l’article 2 de l’arrêté du 26 février 1981 susvisé ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE RYANAIR LTD une somme de 2000 euros et une somme de 3000 euros au titre des frais exposés respectivement par Aéroports de Paris et par l’Etat et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE RYANAIR LTD est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE RYANAIR LTD versera une somme de 2 000 euros à Aéroports de Paris et de 3 000 euros à l’Etat au titre de l’article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE RYANAIR LTD, à Aéroports de Paris, au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et au ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi.

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