L’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 311707
SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS
M. Edouard Geffray
Rapporteur
Mme Claire Landais
Commissaire du gouvernement
Séance du 17 mars 2008
Lecture du 9 avril 2008
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 10ème et 9ème sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 10ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 20 décembre 2007 et 4 janvier 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS, dont le siège est 31, rue des Lilas à Paris (75019) ; la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 3 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ordonner la suspension de l’exécution de la décision implicite du 6 octobre 2007 du directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis rejetant sa demande tendant à ce que soit mis fin immédiatement au placement de détenus dans les quartiers disciplinaires de cet établissement ;
2°) statuant en référé, d’ordonner la suspension de l’exécution de cette décision implicite ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Edouard Geffray, Auditeur,
les observations de Me Spinosi, avocat de la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS,
les conclusions de Mme Claire Landais, Commissaire du gouvernement
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;
Considérant que la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS demande l’annulation de l’ordonnance du 3 décembre 2007 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la suspension de l’exécution de la décision implicite du 6 octobre 2007 du directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis rejetant sa demande tendant à ce que soit mis fin immédiatement au placement de détenus dans les quartiers disciplinaires de cet établissement, au motif que la condition d’urgence n’était pas remplie ;
Considérant que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;
Considérant, en premier lieu, qu’après avoir constaté que l’état des locaux des quartiers disciplinaires de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis est particulièrement dégradé, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a pu, sans dénaturer les faits, relever que l’association requérante n’établissait ni que des plaintes auraient été émises par des détenus quant à leurs conditions d’existence au sein du quartier disciplinaire, ni que le risque suicidaire était accru du fait de l’état des locaux, ni que le service médical de l’établissement aurait constaté que l’état des quartiers disciplinaires en cause aurait été à l’origine de troubles dans la santé physique ou psychique des détenus de ces quartiers ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en l’absence de précisions relatives aux conséquences effectives des conditions de détention alléguées sur la santé des détenus de l’établissement, le juge des référés a pu, par une ordonnance suffisamment motivée, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les faits, alors même que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales était invoqué, juger que la condition d’urgence n’était pas remplie ;
Considérant, en troisième lieu, que pour juger que la condition d’urgence n’était pas remplie, le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a tenu compte, d’une part, de la situation invoquée par l’association requérante, et, d’autre part, de l’intérêt public tenant à la sauvegarde de l’ordre public invoqué par l’administration ; que le juge des référés a pu, sans dénaturer les faits, retenir que l’administration n’était pas en mesure de proposer une solution alternative à la mise à l’isolement dans les quartiers disciplinaires eu égard, notamment, au taux d’occupation de 130 % de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis et à la vétusté des locaux, qui a d’ailleurs conduit le chef d’établissement à fermer définitivement plus de la moitié des cellules du quartier disciplinaire de la maison d’arrêt des hommes ; qu’en outre, en prenant en compte, au titre de l’intérêt public, la nécessité de disposer d’un quartier disciplinaire pour les détenus sanctionnés pour des actes d’une particulière gravité, le juge des référés du tribunal administratif n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant, enfin, qu’en prenant en compte, au titre de l’urgence, la circonstance que l’ouverture d’un nouveau quartier disciplinaire pour les hommes était prévue au cours de l’été 2008, le juge des référés n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SECTION FRANCAISE DE L’OBSERVATOIRE INTERNATIONAL DES PRISONS et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2860