Conseil d’Etat, Avis, 28 mars 2008, n° 310252, Brindou V.

Il résulte de ces dispositions qu’à compter du 1er janvier 2007, la nouvelle mesure prescrivant l’obligation de quitter le territoire français est seule applicable, lorsque l’autorité administrative refuse à un étranger qui est en situation régulière au moment où cette autorité refuse le titre de séjour sollicité, et, pour un motif autre que l’existence d’une menace à l’ordre public, la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour.

CONSEIL D’ETAT

N° 310252

M. V.

M. Jean-François Mary
Rapporteur

Mme Emmanuelle Prada Bordenave
Commissaire du Gouvernement

Séance du 12 mars 2008
Lecture du 28 mars 2008

REPUBLIQUE FRANÇAISE

Le Conseil d’Etat,

(Section du contentieux, 2ème et 7ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 2ème sous-section de la Section du contentieux

Vu, enregistré le 26 octobre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le jugement du 25 octobre 2007 par lequel le tribunal administratif de Lyon, avant de statuer sur la demande présentée par M. Brindou V. tendant à l’annulation de l’arrêté du 12 septembre 2007 par lequel le préfet de l’Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et désigné la Côte d’Ivoire comme pays de destination et de l’arrêté du même jour décidant son maintien en rétention administrative, a décidé, par application des dispositions de l’article L. 113-1 du code de justice administrative, de transmettre le dossier au Conseil d’Etat en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) La circonstance qu’un étranger en situation irrégulière ait présenté une demande de titre de séjour fait-elle, en elle-même, obstacle à ce qu’un préfet, qui peut ne pas être celui qui a été saisi de celle-ci, prenne à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière, en application du II de l’article L. 511-1 du code de justice administrative, sans que cette demande ait été au préalable rejetée ?

2°) Le fait que l’administration ait, implicitement ou expressément, refusé de délivrer un titre de séjour, en assortissant ou non cette décision d’une obligation de quitter le territoire français, lui interdit-elle de prendre un arrêté de reconduite à la frontière ?

3°) En cas de réponse positive à la deuxième question, un arrêté de reconduite à la frontière, qui fait ou non état d’éléments contenus dans une demande de titre de séjour, peut-il révéler un refus de délivrance de ce titre qui entacherait l’arrêté d’illégalité ?

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-François Mary, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Brouchot, avocat de M. V.,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;

REND L’AVIS SUIVANT

L’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dans sa rédaction résultant de l’article 52 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l’intégration et à l’immigration, qui était en vigueur à la date de l’arrêté du 12 septembre 2007 du préfet de l’Ain ordonnant la reconduite à la frontière de M. Brindou V., dispose que : " I.- L’autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l’existence d’une menace à l’ordre public, peut assortir sa décision d’une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé s’il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa././ L’étranger dispose, pour satisfaire à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d’un délai d’un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d’office par l’administration. ;

II. - L’autorité administrative peut, par arrêté motivé, décider qu’un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l’étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu’il ne soit titulaire d’un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d’un premier titre de séjour régulièrement délivré ; 3° . ; 4° Si l’étranger n’a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s’est maintenu sur le territoire au-delà du délai d’un mois suivant l’expiration de ce titre. ".

L’article 42 de la loi du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile a, postérieurement à la date de la décision attaquée devant le tribunal administratif, introduit au II de l’article L. 511-1 du même code un 3° ainsi rédigé : " Si l’étranger fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ".

Sur les deux premières questions :

Il résulte de ces dispositions qu’à compter du 1er janvier 2007, la nouvelle mesure prescrivant l’obligation de quitter le territoire français est seule applicable, lorsque l’autorité administrative refuse à un étranger qui est en situation régulière au moment où cette autorité refuse le titre de séjour sollicité, et, pour un motif autre que l’existence d’une menace à l’ordre public, la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour.

En revanche, s’agissant des étrangers qui entrent dans les catégories énoncées aux 1°, 2° ou 4° du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, parce qu’ils ne sont pas en situation régulière à la date de la décision se prononçant sur leur demande de titre de séjour, si un préfet prend à leur égard un refus de titre de séjour sans l’assortir d’une obligation de quitter le territoire français, une mesure de reconduite à la frontière peut être prise, au besoin par un autre préfet.

L’article L. 511-1 ne fait pas non plus obstacle, en droit, à ce que l’autorité administrative puisse également prendre une mesure de reconduite à la frontière, pour le cas où un étranger appartenant à l’une de ces catégories a fait l’objet d’une décision de refus de titre de séjour, assortie d’une obligation de quitter le territoire français, le cas échéant, avant l’expiration du délai d’un mois prévu au I de l’article L. 511-1.

Le sens et la portée des dispositions susmentionnées ne sont pas modifiés par l’introduction par l’article 42 de la loi du 20 novembre 2007 du 3° de l’article L. 511-1, qui se borne à prévoir que peuvent, en outre, être reconduits à la frontière les étrangers ayant déjà fait l’objet " d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire prise depuis au moins un an ".

Le seul dépôt d’une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l’autorité administrative décide la reconduite à la frontière d’un étranger en situation irrégulière, se trouvant dans l’un des cas mentionnés aux 1°, 2° ou 4° du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Il reste, d’une manière générale, que l’intéressé ne doit pas relever de l’une des catégories d’étrangers mentionnés à l’article L. 511-4, qui ne peuvent faire l’objet ni d’une obligation de quitter le territoire français ni d’une mesure de reconduite à la frontière, ou ne doit pas avoir acquis, postérieurement au dépôt de sa demande de titre de séjour, et au plus tard à la date de l’entrée en vigueur de la mesure d’éloignement, un droit à la délivrance d’un titre de séjour.

Sur la troisième question :

Compte tenu de ce qui vient d’être dit, cette question est sans objet.

Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Lyon, à M. Brindou V., au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire.

Il sera publié au Journal officiel de la République française.

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