Cour administrative d’appel de Nancy, 4 mars 2004, n° 98NC01547, Sonia W.

Dans le cas où la collectivité dont relève l’agent qui a demandé sa réintégration à l’issue d’une période de disponibilité ne peut lui proposer un emploi correspondant à son grade, elle doit saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu’il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade. Jusqu’à son reclassement ou, le cas échéant, son licenciement, l’agent ne bénéficie de la part du centre d’aucune rémunération.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

N° 98NC01547

Mme Sonia W.

Mme MAZZEGA
Présidente

M. CLOT
Rapporteur

M. ADRIEN
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 4 mars 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juillet 1998 sous le n° 98NC01547, présentée pour Mme Sonia W., par la société civile professionnelle Gottlich-Laffon, avocats au barreau de Nancy ;

Mme W. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 98107 du 16 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande de condamnation de la COMMUNE DE BRIEY à lui verser la somme de 470 946,64 francs en réparation du préjudice résultant de sa non réintégration à l’issue d’une période de mise en disponibilité pour convenances personnelles ;

2°) de condamner la COMMUNE DE BRIEY à lui verser ladite somme, avec intérêts à compter du jour de sa demande, ainsi que la somme de 10 000 francs au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Elle soutient que le maire de Briey a commis des fautes de nature à engager à son égard la responsabilité de la commune, d’une part, en refusant de la réintégrer, d’autre part, en s’abstenant de saisir le centre de gestion, enfin, en la privant du bénéfice des allocations pour perte d’emploi ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les mémoires, enregistrés les 29 octobre 1998, 19 juillet 2001, 5 août 2002 et 12 septembre 2003, présentés pour la COMMUNE DE BRIEY, représentée par son maire en exercice, par Me Hiblot, avocat au barreau de Briey ;

La commune conclut au rejet de requête et à la condamnation de Mme W. à lui verser 1 525 euros au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Elle soutient que :

- elle n’avait aucune obligation de réintégrer l’intéressée,

- son droit aux allocations pour perte d’emploi est prescrit et la commune n’avait pas l’obligation de prendre l’initiative de les payer ;

Vu les mémoires, enregistrés les 4 juin 1999, 13 juin 2000, 4 juillet 2001, 26 juin 2002 et 15 juillet 2003, présentés pour Mme W., qui demande la capitalisation des intérêts échus de sa créance ;

Vu l’ordonnance du président de la 1ère chambre de la Cour du 25 septembre 2003, fixant au 24 octobre 2003 la date de clôture de l’instruction ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 83-364 du 13 juillet 1984 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 86-68 du 13 janvier 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité et de congé parental des fonctionnaires territoriaux ;

Vu l’ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 février 2004 :
- le rapport de M. CLOT, Président,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que Mme W., rédactrice de la COMMUNE DE BRIEY, placée à sa demande en position de disponibilité du 1er octobre 1993 au 31 mars 1994, a sollicité sa réintégration, pour la première fois le 12 juillet 1994 ; que le maire, se fondant sur l’absence d’emploi vacant dans la commune, a refusé, par une décision du 13 juillet 1994, de faire droit à cette demande ; que cette décision a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Nancy du 21 décembre 1994, au motif que le maire était tenu de saisir le centre de gestion ; qu’un refus de réintégration a de nouveau été opposé à l’intéressée par décision du 9 novembre 1994 ; que celle-ci demande la condamnation de la commune à l’indemniser des conséquences dommageables de ces décisions ;

En ce qui concerne l’absence de réintégration :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que l’emploi occupé par Mme W. avant sa mise en disponibilité a été supprimé par une délibération du conseil municipal de Briey du 24 janvier 1994 ; que l’intéressée n’établit pas qu’il existait un emploi vacant permettant sa réintégration ; que l’annulation de la décision du 13 juillet 1994 n’impliquait pas qu’elle soit réintégrée ; que, dès lors, le maire de Briey ne peut être regardé comme ayant commis une faute en refusant de la réintégrer ;

En ce qui concerne le défaut de saisine du centre de gestion :

Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 26 du décret du 13 janvier 1986 susvisé : " Le fonctionnaire qui a formulé avant l’expiration de la période de mise en disponibilité une demande de réintégration est maintenu en disponibilité jusqu’à ce qu’un poste lui soit proposé dans les conditions prévues à l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 (...) " ; qu’aux termes de l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 : " I. Un emploi ne peut être supprimé qu’après avis du comité technique paritaire. Le délégué régional ou interdépartemental du Centre national de la fonction publique territoriale pour un emploi de catégorie A, et le président du centre de gestion, pour un emploi de catégories B et C, dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l’établissement, sont rendus destinataires, en même temps que les représentants du comité technique paritaire, du procès-verbal de la séance du comité technique paritaire concernant la suppression de l’emploi. Si la collectivité ou l’établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l’établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l’établissement, la délégation régionale ou interdépartementale du Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement du fonctionnaire sur un emploi équivalent d’un autre cadre d’emplois au sein de la même collectivité ou de l’établissement. Au terme de ce délai, le fonctionnaire de catégorie A est pris en charge par le Centre national de la fonction publique territoriale et le fonctionnaire de catégorie B ou C par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l’établissement. (...) - Pendant la période de prise en charge, l’intéressé est placé sous l’autorité du Centre national de la fonction publique territoriale ou du centre de gestion, lesquels exercent à son égard toutes les prérogatives reconnues à l’autorité investie du pouvoir de nomination ; il reçoit la rémunération correspondant à l’indice détenu dans son grade. Pendant cette période, le centre peut lui confier des missions et lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade ; l’intéressé est tenu informé des emplois créés ou déclarés vacants par le centre. ( ...) " ;

Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées et notamment du fait que les agents auxquels elles s’appliquent sont maintenus en disponibilité, qu’en prévoyant que leur disponibilité se poursuit " jusqu’à ce qu’un emploi leur soit proposé dans les conditions prévues à l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 ", les auteurs du décret du 13 janvier 1986 modifié ont seulement entendu se référer aux règles qui, dans cet article, fixent les conditions selon lesquelles des emplois sont proposés aux agents par le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre local de gestion à l’exclusion des règles relatives à la prise en charge et à la rémunération des agents par ces mêmes organismes ;

Considérant qu’il suit de là que, dans le cas où la collectivité dont relève l’agent qui a demandé sa réintégration à l’issue d’une période de disponibilité ne peut lui proposer un emploi correspondant à son grade, elle doit saisir le centre national de la fonction publique territoriale ou le centre de gestion local afin qu’il lui propose tout emploi vacant correspondant à son grade ; que jusqu’à son reclassement ou, le cas échéant, son licenciement, l’agent ne bénéficie de la part du centre d’aucune rémunération ;

Considérant que Mme W. soutient que les décisions du maire de Briey, du fait qu’elles ne comportaient pas la saisine du centre de gestion, l’ont privée de la rémunération à laquelle elle pouvait prétendre pendant la durée de sa prise en charge par le centre de gestion ; que toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, l’intéressée qui, pendant cette période, aurait été maintenue en disponibilité, n’aurait bénéficié d’aucune rémunération par ledit centre ;

En ce qui concerne les allocations pour perte d’emploi :

Considérant que si Mme W. a demandé le paiement des allocations pour perte d’emploi, le maire de Briey, par une décision du 13 mars 1997, lui a opposé la prescription de sa créance ; que l’intéressée, qui ne conteste pas le bien-fondé de cette décision, n’établit pas que le maire aurait commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à son égard en refusant de lui verser ces allocations ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme W. n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions relatives aux frais exposés à l’occasion du litige et non compris dans les dépens :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, font obstacle à ce que la COMMUNE DE BRIEY qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme W. quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces mêmes dispositions, de condamner Mme W. à payer à la COMMUNE DE BRIEY une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par cette collectivité et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme Sonia W. est rejetée.

Article 2 : Mme Sonia W. versera à la COMMUNE DE BRIEY la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Sonia W. et à la COMMUNE DE BRIEY.

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