Aux termes du troisième alinéa de l’article L. 11-8 du code de l’expropriation dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi du 27 février 2002 : " L’arrêté de cessibilité emporte transfert de gestion des dépendances du domaine de la personne publique propriétaire autre que l’Etat au profit du bénéficiaire de l’acte déclaratif d’utilité publique, pris conformément à l’article L. 11-2. ". Ces dispositions permettent au préfet, dans l’hypothèse d’une déclaration d’utilité publique, de prononcer, avec l’arrêté de cessibilité, le transfert de gestion des dépendances du domaine public de la personne publique concernée. En revanche elles n’ont ni pour objet ni pour effet de priver le Premier ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent, ainsi qu’il a été dit plus haut, des principes généraux qui régissent le domaine public de décider pour un motif d’intérêt général de procéder à un changement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une collectivité territoriale.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 253419
COMMUNE DE PROVILLE
M. Dacosta
Rapporteur
M. Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 28 mai 2004
Lecture du 23 juin 2004
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 6ème et 1ère sous-sections réunies)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE PROVILLE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE PROVILLE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le décret du 6 décembre 2002 portant transfert d’affectation au profit de l’Etat d’une parcelle de terrain à Proville (Nord) ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l’Etat ;
Vu le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Dacosta, Maître des Requêtes,
les observations de Me Balat, avocat de la COMMUNE DE PROVILLE,
les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par arrêté en date du 2 avril 1999, le préfet du Nord a déclaré d’utilité publique les travaux de déviation de la RN 43 au sud de Cambrai ; qu’il a, par un arrêté en date du 10 août 2001, déclaré cessible une parcelle de la COMMUNE DE PROVILLE cadastrée ZA n° 43 ; que, cette parcelle ayant été incorporée au domaine public de la commune, le juge de l’expropriation du tribunal de grande instance de Lille a refusé d’en ordonner le transfert de propriété par une ordonnance du 30 août 2001 ; qu’à la suite de cette ordonnance, le préfet du Nord a retiré son arrêté du 10 août 2001 et le Premier ministre a autorisé, par décret en date du 6 décembre 2002, le changement d’affectation au profit de l’Etat de la parcelle du domaine public de la COMMUNE DE PROVILLE cadastrée ZA n° 43 ; que la COMMUNE DE PROVILLE demande l’annulation de ce décret du 6 décembre 2002 ;
Considérant en premier lieu, que le moyen tiré de ce que le Premier ministre n’aurait pas signé le décret attaqué manque en fait ;
Considérant, en deuxième lieu, que si le décret du 6 décembre 2002 vise les articles L. 35 et L. 58 du code du domaine de l’Etat, qui ne sont pas applicables au transfert de gestion de biens appartenant au domaine public d’une collectivité territoriale, une telle mention est sans incidence sur la légalité de ce décret ;
Considérant, en troisième lieu, que les dépendances du domaine public peuvent recevoir toute affectation compatible avec leur caractère domanial et, à cette fin, être remises sans formalité à la collectivité publique chargée de la conservation du domaine correspondant à leur nouvelle affectation ;
Considérant, en quatrième lieu, que la déclaration d’utilité publique n’entraîne pas, par elle-même, transfert de propriété au profit de l’Etat et que si des terrains relevant du domaine public d’une collectivité territoriale se trouvent inclus dans l’emprise de l’opération projetée, à défaut d’accord de la collectivité qui en est propriétaire, leur changement d’affectation peut être prononcé, avant l’exécution des travaux, sans déclassement préalable et sans transfert de propriété par décision conjointe des ministres intéressés ou par décision du Premier ministre ;
Considérant, il est vrai, qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 11-8 du code de l’expropriation dans sa rédaction issue de l’article 145 de la loi du 27 février 2002 : " L’arrêté de cessibilité emporte transfert de gestion des dépendances du domaine de la personne publique propriétaire autre que l’Etat au profit du bénéficiaire de l’acte déclaratif d’utilité publique, pris conformément à l’article L. 11-2. " ; que ces dispositions permettent au préfet, dans l’hypothèse d’une déclaration d’utilité publique, de prononcer, avec l’arrêté de cessibilité, le transfert de gestion des dépendances du domaine public de la personne publique concernée ; qu’en revanche elles n’ont ni pour objet ni pour effet de priver le Premier ministre ou les ministres intéressés du pouvoir qu’ils tiennent, ainsi qu’il a été dit plus haut, des principes généraux qui régissent le domaine public de décider pour un motif d’intérêt général de procéder à un changement d’affectation d’une dépendance du domaine public d’une collectivité territoriale ;
Considérant en dernier lieu, qu’eu égard à l’utilité publique qui s’attache au projet de déviation de la RN 43 au sud de Cambrai, le moyen tiré de ce que le Premier ministre ne pouvait décider, en l’absence de motif d’intérêt général, de procéder au transfert d’affectation litigieux doit être écarté ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE PROVILLE n’est pas fondée à demander l’annulation du décret du 6 décembre 2002 ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE PROVILLE la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE PROVILLE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE PROVILLE, au Premier ministre et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2665