Cour administrative d’appel de Nantes, 5 février 2004, n° 02NT00463, Ministre de l’éducation nationale c/ Yves P.

Les modalités d’examen, et notamment le caractère obligatoire de l’inspection devant une classe, par un membre du jury, des seuls candidats déclarés inaptes lors de la première délibération du jury ne méconnaissent pas le principe d’égalité entre les candidats alors même que l’ensemble de ceux-ci n’a pas fait l’objet d’une inspection par le jury.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

N° 02NT00463

Ministre de l’éducation nationale
c/ M. Yves P.

M. SALUDEN
Président de chambre

M. GEFFRAY
Rapporteur

M. MILLET
Commissaire du gouvernement

Séance du 8 janvier 2004
Lecture du 5 février 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 2 avril 2002, présenté par le ministre de l’éducation nationale ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d’annuler l’article 1er du jugement n° 00-40 du 23 janvier 2002 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 3 août 1999 licenciant M. Yves P., professeur certifié stagiaire ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. P. devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 72-581 du 4 juillet 1972 modifié, relatif au statut particulier des professeurs certifiés ;

Vu le décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les conditions communes applicables aux stagiaires de l’Etat et de ses établissements publics ;

Vu l’arrêté du ministre de l’éducation nationale du 18 juillet 1991 relatif à l’examen de qualification professionnelle et au certificat d’aptitude organisés en vue de l’admission au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement du second degré (CAPES) ou au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement technique (CAPET) au certificat d’aptitude au professorat de l’enseignement physique et sportif (CAPEPS) ou au concours d’accès au 2° grade du corps des professeurs de lycée professionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 janvier 2004 :
- le rapport de M. GEFFRAY, premier conseiller,
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. P. a été admis au concours du CAPES en anglais en 1998, nommé professeur certifié stagiaire par arrêté ministériel du 21 octobre 1998 et affecté dans l’académie de Rennes pour suivre son stage ; que, par arrêté du 3 août 1999, le ministre de l’éducation nationale a licencié M. P. ; que, par jugement du 23 janvier 2002, le Tribunal administratif de Rennes a annulé ledit arrêté ; que le ministre interjette appel de ce jugement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 24 du décret du 4 juillet 1972 modifié, relatif au statut particulier des professeurs certifiés, dans sa rédaction issue du décret n° 86-488 du 14 mars 1986 : "Les candidats reçus aux concours prévus aux articles 6 et 11 ci-dessus (...) accomplissent en qualité de professeur stagiaire le stage mentionné aux articles 6 et 11 ci-dessus. Les professeurs stagiaires sont soumis à l’issue de l’année de stage, aux épreuves de l’examen de qualification professionnelle prévu aux articles 6 et 11 ci-dessus, dont les modalités sont fixées par arrêté du ministre de l’éducation nationale" ; qu’aux termes de l’article 3 de l’arrêté du ministre de l’éducation nationale du 18 juillet 1991 : "Le jury académique se prononce après avoir pris connaissance, d’une part, du dossier individuel du professeur stagiaire, comportant les résultats de celui-ci à l’issue de sa formation en deuxième année d’I.U.F.M., et, d’autre part, des propositions du directeur de l’I.U.F.M. En ce qui concerne les professeurs stagiaires en situation, le jury se prononce au vu du résultat d’une inspection effectuée par un des membres du jury, spécialiste de la discipline, dans une des classes confiées au professeur stagiaire. Cette inspection est suivie d’un entretien" ; qu’aux termes de l’article 4 du même arrêté : "Après délibération, le jury établit la liste des candidats qui sont admis à l’examen de qualification professionnelle ou qui ont obtenu le certificat d’aptitude" ; qu’aux termes de l’article 5 : "Le président du jury désigne l’un de ses membres pour procéder à une inspection, devant une classe, des professeurs stagiaires qui n’ont pas été admis à l’examen de qualification professionnelle ou qui n’ont pas obtenu le certificat d’aptitude. A l’issue d’une nouvelle délibération, le jury propose l’admission, l’ajournement ou le refus définitif des stagiaires" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que les modalités d’examen, et notamment le caractère obligatoire de l’inspection devant une classe, par un membre du jury, des seuls candidats déclarés inaptes lors de la première délibération du jury ne méconnaissent pas le principe d’égalité entre les candidats alors même que l’ensemble de ceux-ci n’a pas fait l’objet d’une inspection par le jury ; que, par suite, c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes s’est fondé, pour annuler l’arrêté du 3 août 1999 licenciant M. P., sur l’atteinte que ces dispositions portent au principe d’égalité des candidats à un examen ;

Considérant qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner l’autre moyen soulevé par M. P. devant le Tribunal administratif de Rennes ;

Considérant qu’aux termes de l’article 7 du décret n° 94-874 du 7 octobre 1994 fixant les dispositions communes applicables aux stagiaires de l’Etat et de ses établissements publics : "(...) La décision de licenciement est prise après avis de la commission administrative paritaire prévue à l’article 29 du présent décret, sauf dans le cas où l’aptitude professionnelle doit être appréciée par un jury" ; qu’en application de ces dispositions, la valeur de M. P. a été appréciée par un jury ; que, dès lors, la commission administrative paritaire du corps des professeurs certifiés n’avait pas à connaître de la décision du ministre de l’éducation nationale du 3 août 1999 licenciant M. P. ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l’éducation nationale est fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’article 1er du jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé son arrêté du 3 août 1999 ;

DECIDE :

Article 1er : L’article 1er du jugement du Tribunal administratif de Rennes du 23 janvier 2002 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Yves P. devant le Tribunal administratif de Rennes.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche et à M. Yves P..

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