Cour administrative d’appel de Bordeaux, 27 avril 2004, n° 00BX00058, Communauté intercommunale des villes solidaires

Les dispositions de l’article L. 5211-2 du CGCT ne rendent pas applicable aux Communautés de communes l’article L. 2123-15 du code précité, qui appartient au chapitre III du titre auquel elles renvoient, en vertu duquel les délibérations relatives aux voyages d’études des conseillers municipaux doivent préciser leur objet, qui doit avoir un lien direct avec l’intérêt de la commune, ainsi que leur coût prévisionnel.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

N° 00BX00058

COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES

M. Chavrier
Président

M. Bayle
Rapporteur

M. Rey
Commissaire du gouvernement

Arrêt du 27 avril 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE BORDEAUX

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour le 10 janvier et le 17 février 2000, présentés pour la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES (CIVIS), dont le siège social est situé B.P. 2020 à Le Port (97825), représentée par son président, par la société civile professionnelle C. L. Vier et J. Barthelemy, avocats au conseil d’Etat et à la Cour de cassation ;

La COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES demande à la cour :

1° d’annuler le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion en date du 3 novembre 1999 en tant qu’il a annulé, à la demande du préfet de la Réunion, la délibération du bureau de la communauté du 28 octobre 1998 fixant les modalités du déplacement d’une délégation intercommunale à Lyon ;

2° de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion par le préfet de la Réunion et tendant à l’annulation de la délibération du bureau de la communauté en date du 28 octobre 1998 ;

3° de condamner l’Etat à lui payer la somme de 20 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 mars 2004 :
- le rapport de M. Bayle, conseiller ;
- et les conclusions de M. Rey, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par une délibération du 14 septembre 1998, le conseil de la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES a autorisé l’envoi d’une délégation intercommunale en mission au salon " Pollutec " organisé à Lyon du 3 au 6 novembre 1998 ; que, par la délibération du 28 octobre 1998, le bureau de la communauté a désigné les élus des communes adhérentes à la communauté et les agents de cet établissement composant la délégation intercommunale, et a prévu la prise en charge par celui-ci de l’ensemble des frais de déplacement de ces personnes ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé cette dernière délibération ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu’en indiquant que la délibération du bureau de la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES en date du 28 octobre 1998 avait pour objet de désigner les élus des communes adhérentes et les techniciens de cet établissement qui devaient participer au salon organisé à Lyon du 3 au 6 novembre 1998 ainsi qu’à la visite de diverses installations de collecte et de traitement de déchets et en qualifiant cette mission de voyage d’études au sens des dispositions de l’article L. 2123-15 du code général des collectivités territoriales, après avoir constaté qu’elle ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une opération déterminée ou d’une réalisation clairement identifiée, le tribunal administratif a écarté, en motivant suffisamment sa position, le moyen invoqué par l’établissement public en défense et tiré de ce que ladite délibération avait pour objet de confier aux personnes concernées un mandat spécial ; que le tribunal n’a pas entaché son jugement de contrariété de motifs en considérant que l’action de sensibilisation des élus des communes aux questions environnementales ne présentait pas d’intérêt pour la communauté ; que les premiers juges, qui n’ont pas fondé leur décision sur l’absence d’intérêt communal de l’opération dont s’agit, n’avaient pas à motiver le jugement sur ce point ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

Considérant que, par la délibération du 14 septembre 1998, devenue définitive, le conseil de la communauté a décidé la prise en charge des billets d’avion de deux ou trois personnes par commune pour la participation au salon " Pollutec " ; que le bureau de la communauté a ensuite autorisé, par sa délibération du 28 octobre 1998, la prise en charge des billets d’avion aller-retour La Réunion-Paris des trois élus qu’il a désignés par commune ; qu’ainsi, sur ce point, la délibération du bureau était purement confirmative de la délibération du conseil de communauté et, dès lors, n’était pas susceptible de recours ; que, par suite, la demande du préfet de la Réunion était irrecevable en tant qu’elle tendait à l’annulation de la décision du bureau de la communauté prévoyant la prise en charge des billets d’avion des élus communaux ;

Sur la légalité de la délibération du 28 octobre 1998 :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relative au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre " et qu’aux termes de l’article L. 5211-2 du même code : " Les dispositions du chapitre II du titre II du livre Ier de la deuxième partie relative au maire et aux adjoints sont applicables au président et aux membres de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu’elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre " ;

Considérant que ces dispositions ne rendent pas applicable aux communautés de communes l’article L. 2123-15 du code précité, qui appartient au chapitre III du titre auquel elles renvoient, en vertu duquel les délibérations relatives aux voyages d’études des conseillers municipaux doivent préciser leur objet, qui doit avoir un lien direct avec l’intérêt de la commune, ainsi que leur coût prévisionnel ; que, par suite, c’est à tort que, pour annuler la délibération du 28 octobre 1998, le tribunal administratif s’est fondé sur le motif que cet acte avait été pris en méconnaissance des prescriptions de l’article L. 2123-15 dudit code ;

Considérant, toutefois, qu’il appartient à la cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par le préfet de la Réunion devant le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion ;

Considérant que, selon les termes de la délibération litigieuse, la participation des élus des communes adhérentes à la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES au salon de Lyon a été décidée au double motif, d’une part, que les acteurs communaux devaient de plus en plus souvent se prononcer sur l’évolution des modes de gestion des déchets, d’autre part, qu’une telle visite constituait la meilleure méthode de formation aux questions de l’environnement ; que, toutefois, il ressort des statuts de la communauté de communes que les collectivités qu’elle regroupe n’ont pas délégué à cet établissement leur compétence en matière d’organisation de la formation des conseillers municipaux ; qu’en outre, les communes ayant transmis à la communauté leur compétence en matière de précollecte, collecte et traitement des ordures ménagères et assimilées, déchets industriels et commerciaux, enlèvement des " monstres " et encombrants, notamment, il n’entrait plus dans les attributions de leurs conseils municipaux de se prononcer sur les modes de gestion des déchets ; que, par suite, le bureau de la communauté de communes ne pouvait décider, pour les motifs exposés dans sa délibération, sans méconnaître les compétences de l’établissement public, la prise en charge des frais de déplacement supportés par les élus des communes pour leur participation au salon de Lyon ; que, si la communauté soutient que les conseillers municipaux pouvaient prétendre au remboursement des frais litigieux au titre des mandats spéciaux que la délibération du bureau du 28 octobre 1998 leur auraient confiés, ni les dispositions précitées de l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, qui ne rend pas applicable aux communautés de communes l’article L. 2123-18 du même code, lequel reconnaît aux maires, aux adjoints et aux conseillers municipaux un droit au remboursement des frais nécessités par l’exécution des mandats spéciaux, ni aucun autre texte de nature législative ou réglementaire n’autorisait alors cet établissement public à conférer aux dits élus un mandat spécial au sens de l’article L. 2123-18 susmentionné ; que la communauté ne peut utilement faire valoir, à supposer cette circonstance établie, que le préfet n’a pas contesté une décision ayant un objet identique pour la participation à un précédent salon ;

Considérant qu’en revanche, le préfet de la Réunion ne peut utilement invoquer le caractère illégal de la prise en charge des frais de déplacement des élus des communes à l’encontre de la décision du bureau, prise par la délibération du 28 octobre 1998, de rembourser les billets d’avion et les frais de déplacement des trois agents de l’établissement participant à la délégation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la communauté de communes est seulement fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a annulé la délibération du bureau de cet établissement en date du 28 novembre 1998 en tant qu’elle confirme la prise en charge des billets d’avion des élus communaux et prévoit le remboursement des billets d’avion et des frais de déplacement des agents de la communauté ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner l’Etat à payer à la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES une somme de 1 300 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion est annulé en tant qu’il a annulé les décisions, prises par la délibération du bureau de la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES du 28 octobre 1998, de prendre en charge les billets d’avion des élus communaux ainsi que les billets d’avion et les frais de déplacement des agents de cet établissement public.

Article 2 : L’Etat versera à la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES une somme de 1 300 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus de la requête de la COMMUNAUTE INTERCOMMUNALE DES VILLES SOLIDAIRES est rejeté.

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