Conseil d’Etat, 17 mars 2004, n° 247367, Commune de Beaulieu-Sur-Loire et Société Groupama Loire Bourgogne - SAMDE

La garantie de parfait achèvement s’étend à la reprise d’une part des désordres ayant fait l’objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d’autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l’année suivant la date de réception.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 247367

COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE
SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA

M. Lenica
Rapporteur

M. Piveteau
Commissaire du gouvernement

Séance du 18 février 2004
Lecture du 17 mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 2ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 mai et 30 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE, représentée par son maire et la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA, dont le siège est 5 bis, boulevard Jean-Jaurès BP 1915 à Orléans Cedex (45009), représentée par son président directeur général en exercice ; la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt du 14 mars 2002 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté leur demande de réformation du jugement du 14 mai 1998 du tribunal administratif d’Orléans qui a condamné solidairement, sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs, M. Jean-Jacques Stephan et la société Dru à leur verser diverses indemnités ;

2°) statuant au fond, de faire droit à leurs conclusions d’appel et de condamner solidairement M. Stephan et la société Dru à payer à la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR- LOIRE la somme de 65 579, 82 euros (430 175, 42 F) ;

3° ) de les condamner solidairement à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et de la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA et de la SCP Boulloche, Boulloche, avocat de M. Stephan,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE a confié la maîtrise d’œuvre de la construction d’un gymnase à M. Stephan, architecte, et que le lot "couverture-zinguerie-étanchéité" a été attribué à la société Dru ; que les travaux ont été réceptionnés le 30 septembre 1992 avec des réserves portant notamment sur la toiture, affectée par des infiltrations d’eau dès le mois de juin 1992 ; que des travaux de reprise préconisés par un premier rapport d’expertise ont été effectués par la société Dru ; que les réserves ont été levées par le maître d’œuvre le 23 septembre 1993, avec effet au 30 septembre 1992 ; qu’à la suite d’un deuxième rapport d’expertise ordonné par le président du tribunal administratif d’Orléans, des travaux de réfection complète de la toiture ont été préconisés, pour un montant de 56 460 euros (370 359 F), dont la commune et son assureur, la SOCIETE ANONYME GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA, ont demandé le remboursement, ainsi que celui d’une somme globale de 23 571 euros (154 619 F) correspondant aux travaux antérieurement réalisés de reprise de la toiture ; que, par un jugement du 14 mai 1998, le tribunal administratif d’Orléans a reconnu la responsabilité contractuelle du constructeur et du maître d’œuvre, qu’il a condamnés solidairement à payer la somme de 2 105 euros (13 811 F) à la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et de 1 773 euros (11 629 F) à son assureur ; que la commune et son assureur ont demandé à la cour administrative d’appel de Nantes de réformer ce jugement en tant qu’il a limité les condamnations de M. Stephan et de la société Dru aux sommes susmentionnées ; que, par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel a rejeté leur demande ;

Considérant que si la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et GROUPAMA soutiennent que la cour a jugé à tort que la levée des réserves intervenue le 23 septembre 1993 avait eu pour effet de mettre fin aux relations contractuelles entre les parties et d’interdire de rechercher la responsabilité contractuelle des constructeurs, il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la commune a procédé à la levée des réserves le 23 septembre 1993 avec effet rétroactif au 30 septembre 1992 ; que, dès lors, la cour a pu en déduire, sans commettre d’erreur de droit ni dénaturer les pièces du dossier, que les relations contractuelles étaient réputées avoir pris fin à cette dernière date, soit avant l’introduction par la commune de l’action en responsabilité contractuelle présentée au tribunal administratif le 20 août 1993 ;

Considérant que la garantie de parfait achèvement s’étend à la reprise d’une part des désordres ayant fait l’objet de réserves dans le procès-verbal de réception, d’autre part de ceux qui apparaissent et sont signalés dans l’année suivant la date de réception ; que, par une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation, la cour administrative d’appel de Nantes a constaté qu’aucun désordre d’une autre nature que ceux existant à la date de la réception, et qui avaient fait l’objet de réserves, n’avait été signalé dans l’année qui s’est écoulée à compter de la date de réception du marché le 30 septembre 1992 ; qu’en en déduisant, dès lors que l’effet rétroactif de la levée des réserves avait nécessairement pour conséquence de faire regarder la réception comme ayant été donnée sans réserves, que la commune ne pouvait rechercher la responsabilité de l’entrepreneur sur le terrain de la garantie de parfait achèvement, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;

Considérant que c’est sans dénaturer les écritures présentées par la commune devant elle que la cour a estimé que cette dernière avait entendu limiter son action en responsabilité à la seule responsabilité contractuelle et à la garantie de parfait achèvement ; qu’elle n’a dès lors pas entaché son arrêt d’un défaut de réponse à des conclusions, qui, si elles avaient bien été formulées, auraient au demeurant été irrecevables, dès lors que seules des conclusions tendant à la condamnation des constructeurs sur le terrain de leur responsabilité contractuelle avaient été introduites devant le tribunal administratif d’Orléans ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 14 mars 2002 ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de condamner solidairement la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA à payer à M. Stephan et à la société Dru la somme de 4 000 euros qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que M. Stephan et la société Dru, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, soient condamnés à payer aux requérantes la somme qu’elles demandent au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et de la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE SAMDA est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE et la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE SAMDA verseront solidairement 4 000 euros à M. Stephan et à la société Dru au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE BEAULIEU-SUR-LOIRE, à la SOCIETE GROUPAMA LOIRE BOURGOGNE-SAMDA, à M. Jean-Jacques Stephan, à la société Dru, à la société Qualiconsult, à la société Axa global Risks et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2469