Conseil d’Etat, 1er mars 2004, n° 209942, Commune de Villelaure

Les risques d’atteinte à la sécurité publique visés par l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l’opération projetée peut engendrer pour des tiers.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 209942

COMMUNE DE VILLELAURE

M. Herondart
Rapporteur

M. Goulard
Commissaire du gouvernement

Séance du 9 février 2004
Lecture du 1er mars 2004

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juin et 24 septembre 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE VILLELAURE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE VILLELAURE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt en date du 22 avril 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du 24 octobre 1996 du tribunal administratif de Marseille rejetant la demande de Mme Arlette E. tendant à l’annulation de la décision en date du 20 octobre 1995 par laquelle le maire de Villelaure a refusé de lui délivrer un permis de construire, a annulé cette décision ;

2°) de condamner Mme E. à lui verser la somme de 14 472 F au titre des frais irrépétibles ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Herondart, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE VILLELAURE et de Me Rouvière, avocat de Mme E.,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision en date du 20 octobre 1995, le maire de la COMMUNE DE VILLELAURE (Vaucluse) a refusé à Mme E. la délivrance d’un permis de construire pour agrandir une construction existante en se fondant sur les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme ; que la COMMUNE DE VILLELAURE se pourvoit en cassation contre l’arrêt en date du 22 avril 1999 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir annulé le jugement du 24 octobre 1996 du tribunal administratif de Marseille, a annulé cette décision ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n’être accordé que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation ou leurs dimensions, sont de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique" ; que les risques d’atteinte à la sécurité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l’opération projetée peut engendrer pour des tiers ;

Considérant qu’en se fondant sur la seule circonstance que le projet pour lequel le permis était sollicité n’impliquait pas la création d’une nouvelle unité d’habitation sans rechercher si l’extension de l’habitation de Mme E. était de nature à aggraver les risques d’incendie pour les tiers, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que la COMMUNE DE VILLELAURE est, dès lors, fondée à en demander l’annulation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que si Mme E. soutient que le terrain sur lequel est situé le projet envisagé se trouve à proximité d’une borne d’incendie et serait accessible aux véhicules de secours, il ressort des pièces du dossier, et notamment du projet d’intérêt général relatif à l’occupation des sols dans les zones soumises à des risques de feux de forêt arrêté par le préfet du Vaucluse le 20 novembre 1990, que la zone dans laquelle se situe le terrain de Mme E. est soumise à des risques importants d’incendie en cas de départ de feu d’une habitation ; que si Mme E. fait valoir que son projet se borne à prévoir l’extension d’une construction existante, il ressort des pièces du dossier que cette extension, qui porte la surface hors oeuvre nette de l’habitation de 45 m2 à 119 m2, est de nature, en accroissant la capacité d’accueil de l’habitation à créer des risques supplémentaires d’incendie dans la zone qui entoure le terrain de Mme E. ; que, par suite, en refusant le permis de construire sollicité par cette dernière le maire de la COMMUNE DE VILLELAURE n’a pas fait une inexacte application des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, lesquelles étaient opposables à la demande de Mme E. alors même que le plan d’occupation des sols de la commune ne faisait pas obstacle à l’extension envisagée ;

Considérant que la circonstance que d’autres propriétaires auraient obtenu des permis de construire pour des parcelles voisines de celle de Mme E. est sans incidence sur la légalité du refus qui lui a été opposé ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la COMMUNE DE VILLELAURE qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à Mme E. la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner Mme E. à payer à la COMMUNE DE VILLELAURE la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 22 avril 1999 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par Mme E. devant la cour administrative d’appel de Marseille et les conclusions présentées devant le Conseil d’Etat tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE VILLELAURE est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE VILLELAURE, à Mme Arlette E. et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.

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