Il résulte de ces dispositions que l’avocat concerné a droit, dès lors qu’il en fait la demande, à ce que sa cause soit entendue publiquement, le conseil de l’Ordre gardant la faculté de ne pas accéder à cette demande si la publicité de l’audience est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi ; que dès lors, les dispositions précitées de l’article 192 du décret attaqué ne sont pas contraires aux stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 décembre 1991 et 20 mars 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’État, présentés par M. André MAUBLEU demandant que le Conseil d’État annule les articles 16, 180, 181, 189, 190, 191, 192 et 196 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de la publicité des audiences devant le conseil de l’Ordre des avocats :
Considérant qu’aux termes de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ratifiée par la France en vertu de la loi du 31 décembre 1973 et publiée au Journal Officiel par décret du 3 mai 1974 : "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue... publiquement... par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera,... des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil..." ; que l’article 192 du décret attaqué dispose que : "Les débats devant le conseil de l’Ordre ne sont pas publics... Toutefois, le conseil de l’Ordre peut décider la publicité des débats si l’avocat mis en cause en fait expressément la demande..." ; qu’il résulte de ces dispositions que l’avocat concerné a droit, dès lors qu’il en fait la demande, à ce que sa cause soit entendue publiquement, le conseil de l’Ordre gardant la faculté de ne pas accéder à cette demande si la publicité de l’audience est susceptible de porter atteinte à un secret protégé par la loi ; que dès lors, les dispositions précitées de l’article 192 du décret attaqué ne sont pas contraires aux stipulations de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur le moyen tiré de la méconnaissance des droits de la défense :
Considérant qu’aux termes de l’article 193 du décret attaqué : "Durant l’enquête disciplinaire ou lors de l’instruction à l’audience, toute personne susceptible d’éclairer l’instruction peut être entendue contradictoirement..." ;
Considérant que cette disposition ne fait pas obstacle à ce que l’avocat poursuivi disciplinairement use de la faculté dont il dispose en tout état de cause de faire citer des témoins afin qu’il soit procédé à leur audition ; qu’il suit de là que les dispositions précitées ne portent atteinte ni à l’obligation d’un procès équitable, ni au principe du respect des droits de la défense ;
Sur le moyen tiré de l’atteinte au principe de l’impartialité et de l’indépendance de la juridiction disciplinaire :
Considérant qu’il résulte des dispositions combinées des articles 16, 180, 181, 189, 190, 191 et 196 du décret attaqué qu’en matière disciplinaire, le Bâtonnier procède à une enquête sur le comportement de l’avocat mis en cause, le cas échéant désigne à cette fin un rapporteur, peut prononcer le renvoi de l’avocat devant le conseil de l’Ordre, présider le conseil de l’Ordre siégeant comme conseil de discipline, et enfin présenter ses observations devant la cour d’appel ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, l’exercice de ces diverses fonctions ne conduit pas le Bâtonnier à exercer, dans l’instance disciplinaire, les fonctions du ministère public, ni à agir comme partie à ladite instance ; qu’ainsi, les dispositions critiquées ne portent pas atteinte à l’équité du procès, ni aux principes de l’indépendance et de l’impartialité des juridictions ;
Sur le moyen tiré de la violation de l’article 47 du nouveau code de procédure civile :
Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 31 décembre 1971 : "La décision du conseil de l’Ordre en matière disciplinaire peut être déférée à la cour d’appel par l’avocat intéressé ou par le Procureur général" ; qu’il suit de là que les dispositions de l’article 47 du nouveau code de procédure civile aux termes desquelles : "lorsqu’un magistrat ou un auxiliaire de justice est partie à un litige qui relève de la compétence d’une juridiction dans le ressort de laquelle celui-ci exerce ses fonctions, le demandeur peut saisir une juridiction située dans un ressort limitrophe...", qui ne sont pas compatibles avec les dispositions législatives précitées, ne sont pas applicables aux instances disciplinaires intéressant les avocats ;
Considérant que de tout ce qui précède, il résulte que M. MAUBLEU n’est pas fondé à demander l’annulation du décret attaqué ;
Sur l’application de l’article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l’État, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. MAUBLEU la somme qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article premier : La requête de M. MAUBLEU est rejetée.
_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article243