Il résulte des dispositions de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur et notamment, de celles de l’article L. 421-3 du code de l’urbanisme, antérieurement à sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, que les obligations imposées par un plan d’occupation des sols en matière de réalisation de places de stationnement ne sont opposables qu’aux travaux soumis à l’obligation d’obtenir un permis de construire.
COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
N° 00NT00547
Ville de Rennes
M. DUPUY
Président de chambre
Mme WEBER-SEBAN
Rapporteur
M. LALAUZE
Commissaire du Gouvernement
Séance du 8 avril 2003
Lecture du 13 mai 2003
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANTES
(2ème chambre)
Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 20 mars 2000, présentée pour la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine), représentée par son maire en exercice, par Me OLIVE, avocat au barreau de Rennes ;
La ville de Rennes demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 93-447 du 23 décembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de la société civile immobilière (S.C.I) "Essor", la lettre du 14 décembre 1992 par laquelle le maire a invité cette société à réaliser une place de stationnement pour chacun des dix logements créés ;
2°) de rejeter la demande présentée par la S.C.I "Essor" devant le Tribunal administratif de Rennes ;
3°) de condamner la S.C.I "Essor" à lui verser une somme de 15 000 F au titre de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 8 avril 2003 :
le rapport de Mme WEBER-SEBAN, premier conseiller,
et les conclusions de M. LALAUZE, commissaire du gouvernement ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par la société civile immobilière (S.C.I) "Essor" devant le Tribunal administratif de Rennes :
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la S.C.I "Essor" a entrepris, au cours de l’année 1992, des travaux d’aménagement intérieur dans un immeuble dont elle est propriétaire à Rennes, avenue du Sergent Maginot ; que ces travaux, bien que ne donnant pas lieu à permis de construire ou à déclaration de travaux, dès lors qu’ils n’affectaient pas l’aspect extérieur de l’immeuble et n’entraînaient pas de changement de destination, ont eu pour effet de créer dix logements supplémentaires ;
Considérant que dans sa lettre du 14 décembre 1992 adressée à la S.C.I "Essor", le maire de Rennes, après avoir admis que les travaux réalisés n’étant pas soumis à permis de construire, ne pouvaient donner lieu à la participation compensatoire pour non réalisation de places de stationnement prévue par l’article L. 421-3 du code de l’urbanisme, a indiqué que ces travaux devaient, toutefois, être effectués, conformément aux dispositions de l’article L. 160-1 du code de l’urbanisme, dans le respect des règles du plan d’occupation des sols et notamment, de celles prévoyant dans la zone UC 5 où se situait l’immeuble en cause, la création d’une place de stationnement par logement créé ; qu’enfin, le maire a invité, par cette même lettre, la société "à réaliser une place de stationnement pour chacun des 10 logements créés" en lui précisant qu’à défaut, elle serait "passible des sanctions pénales prévues aux articles L 480-1 à L. 480-13 du code de l’urbanisme" ; qu’une telle lettre, qui ne se borne pas à rappeler la réglementation en vigueur et les sanctions susceptibles d’être mises en œuvre sur le plan pénal, mais contient une injonction de réaliser des places de stationnement en application du plan d’occupation des sols de la commune, doit être regardée comme une décision administrative faisant grief et susceptible, comme telle, de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, la demande que la S.C.I "Essor" a dirigée contre cette décision devant le Tribunal administratif de Rennes était recevable ;
Sur la légalité de la décision contestée du 14 décembre 1992 :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : "Les plans d’occupation des sols fixent, dans le cadre des orientations des schémas directeurs ou des schémas de secteur, s’il en existe, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols (...)" ; qu’aux termes de l’article R. 123-21 du même code, relatif au plan d’occupation des sols : "Le règlement fixe les règles applicables aux terrains compris dans les diverses zones du territoire couvert par le plan (...) 2° Le règlement peut, en outre : (...) c) édicter les prescriptions relatives aux obligations imposées en matière de réalisation d’aires de stationnement, (...)" ; qu’aux termes de l’article L. 421-3 du même code dans sa rédaction alors en vigueur, applicable aux bénéficiaires d’un permis de construire : "(...) Lorsque le pétitionnaire ne peut satisfaire lui-même aux obligations imposées par un plan d’occupation des sols (...) en matière de réalisation d’aires de stationnement, il peut être tenu quitte de ces obligations soit en justifiant, pour les places qu’il ne peut réaliser lui-même, de l’obtention d’une concession à long terme dans un parc public de stationnement existant ou en cours de réalisation, soit en versant une participation fixée par délibération du conseil municipal (...) en vue de la réalisation de parcs publics de stationnement dont la construction est prévue" ; qu’enfin, en vertu des articles L. 160-1 et L. 480-1 et suivants du même code, les infractions aux dispositions des plans d’occupation des sols sont passibles de poursuites pénales ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées alors en vigueur et notamment, de celles de l’article L. 421-3 du code de l’urbanisme, antérieurement à sa rédaction issue de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, que les obligations imposées par un plan d’occupation des sols en matière de réalisation de places de stationnement ne sont opposables qu’aux travaux soumis à l’obligation d’obtenir un permis de construire ; qu’ainsi, et sans que la ville de Rennes puisse utilement invoquer des réponses ministérielles apportées à des questions écrites de parlementaires, l’application des dispositions de l’article L. 160-1 du code de l’urbanisme ne pouvait être opposée aux travaux concernés qui n’étaient pas assujettis à l’obtention d’une autorisation de construire ; que, par suite, le maire de Rennes n’a pu légalement, par la lettre contestée du 14 décembre 1992, imposer à la S.C.I "Essor" la réalisation de places de stationnement pour des travaux qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, n’étaient pas soumis à l’obtention d’un permis de construire ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la ville de Rennes n’est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a annulé la lettre du 14 décembre 1992 adressée par le maire à la S.C.I "Essor" ;
Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la S.C.I "Essor", qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la ville de Rennes la somme que cette dernière demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la ville de Rennes (Ille-et-Vilaine) est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Rennes, à la société civile immobilière "Essor" et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2330