Cour administrative d’appel de Nancy, 13 novembre 2003, n° 99NC01096, Ministre de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche c/ M. L.

La responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée devant la juridiction administrative à l’égard d’un élève d’un établissement public d’enseignement du seul fait d’un dommage dont cet élève peut être victime à l’intérieur de cet établissement ou à l’occasion d’activités organisées par celui-ci. Cette responsabilité est subordonnée à une mauvaise organisation ou à un fonctionnement défectueux de ce service public.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

N° 99NC01096

MINISTRE DE LA JEUNESSE DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE
c/ M. L.

M. KINTZ
Président

M. DEWULF
Rapporteur

M. TREAND
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 13 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

(Troisième Chambre)

Vu le recours, enregistré le 19 mai 1999 au greffe de la Cour, du MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE, complété par mémoire enregistré le 30 juin 1999 ;

Le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE demande à la Cour d’annuler le jugement du 18 mars 1999 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à ce que le défendeur soit condamné à verser à M. Bernard L. la somme de 2 568 F en réparation du préjudice résultant du vol du vélo de son fils ;

Il soutient que :

- les éléments du dossier ne font apparaître aucune carence du chef d’établissement susceptible d’engager la responsabilité de l’Etat sur le fondement de la mauvaise organisation du service dès lors que le chef d’établissement avait invité les élèves à entreposer leurs bicyclettes dans un parc de stationnement prévu à cet effet ;

- il n’entre pas dans les missions de l’Education Nationale d’organiser un gardiennage des véhicules ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 septembre 2000 au greffe de la Cour, présenté pour M. L., demeurant 166 Beaumont à Fougerolles (70220), par Me Dayan ;

M. L. demande à la cour de rejeter le recours, de confirmer le jugement attaqué et de condamner l’Etat à lui verser la somme de 5 000 F en application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Il soutient qu’en application des dispositions de l’article 8 du décret du 30 août 1985, il incombe sans conteste au chef d’établissement, en sa qualité de représentant de l’Etat, de prendre toutes dispositions pour assurer la sécurité des personnes et de biens dans l’établissement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 85-924 du 30 août 1985 relatif aux établissements locaux d’enseignement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 octobre 2003 :
- le rapport de M. DEWULF, Premier Conseiller,
- et les conclusions de M. TREAND, Commissaire du Gouvernement ;

Sur la responsabilité :

Considérant que la responsabilité de l’Etat ne saurait être engagée devant la juridiction administrative à l’égard d’un élève d’un établissement public d’enseignement du seul fait d’un dommage dont cet élève peut être victime à l’intérieur de cet établissement ou à l’occasion d’activités organisées par celui-ci ; que cette responsabilité est subordonnée à une mauvaise organisation ou à un fonctionnement défectueux de ce service public ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 8 du décret 85-924 : " Le chef d’établissement représente l’établissement au sein de l’établissement. Il exerce les compétences suivantes ...2°) En qualité de représentant de l’Etat au sein de l’établissement, le chef d’établissement ...c) prend toutes dispositions, en liaison avec les autorités administratives compétentes, pour assurer la sécurité des personnes et de biens, l’hygiène et la salubrité de l’établissement." ;

Considérant que le vélo du jeune Stéphane L. a été volé dans l’enceinte du Lycée Raoul Follereau à Belfort le 6 mars 1997 entre 13 et 14 heures ; que si le jeune Stéphane avait protégé son vélo à l’aide de deux cadenas de sécurité, lesquels furent sectionnés à l’aide de pinces coupantes, il ne résulte pas de l’instruction que le chef d’établissement ait commis une faute dans l’organisation du service de nature à engager la responsabilité de l’Etat en mettant à disposition des élèves un parc pour y entreposer leurs bicyclettes sans en assurer le gardiennage, alors qu’il n’était pas tenu de prévoir des mesures de protection ou de surveillance particulières ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a condamné l’Etat à verser à M. Bernard L., père de Stéphane, la somme de 2 568 F à raison du préjudice ainsi subi ;

Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. L. devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Considérant qu’aux termes de l’article 14 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 alors en vigueur : " III- La région a la charge des lycées, des établissements d’éducation spéciale et des lycées professionnels maritimes. Elle en assure la construction, la reconstruction, l’extension, les grosses réparations, l’équipement et le fonctionnement, à l’exception, d’une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l’Etat dont la liste est arrêtée par décret et, d’autre part, des dépenses de personnels..." ; que s’il résulte de ce qui précède que la région est responsable des dommages générés par un défaut d’aménagement normal de l’ouvrage public que constitue le lycée, la mise à disposition des lycéens, dans l’enceinte du Lycée Raoul Follereau à Belfort, d’un parc à vélos non clos ne révèle pas un tel défaut d’aménagement, en l’absence de circonstances particulières ;

Considérant que, par suite, M. L. n’est fondé à rechercher ni la responsabilité de l’Etat ni la responsabilité de la région de Franche-Comté à raison du vol du vélo de son fils le 6 mars 1997 dans l’enceinte du Lycée Raoul Follereau à Belfort ; que, dès lors, la demande de M. L. devant le Tribunal administratif de Besançon doit être rejetée ;

Sur les conclusions de M. L. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. L. la somme qu’il demande au titre des frais exposés par celui-ci en appel et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 18 mars 1999 du Tribunal administratif de Besançon est annulé.

Article 2 : La demande de M. L. devant le Tribunal administratif de Besançon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. L. tendant de l’application des dispositions de l’article L. 761- 1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE et à Monsieur Bernard L.

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