Le statut des pompiers de Paris au regard du droit électoral

Par Benoît TABAKA
Chargé d’enseignements à l’Université de Paris V - René Descartes et Paris X - Nanterre

Les membres du corps des sapeurs-pompiers de Paris appartiennent à l’arme du génie de l’armée de terre. En conséquence, ils bénéficient des dérogations concernant le lieu d’inscription sur les listes électorales prévues par l’article L. 13 du Code électoral.

Aux yeux du Code électoral, les sapeurs-pompiers de Paris doivent-ils être assimilés à des militaires ? C’est par l’affirmative que la Cour de cassation a répondu dans un arrêt du 2 mars 2001 dans le cadre du contentieux de l’inscription sur les listes électorales.

L’article L. 11 du Code électoral dispose que tous les électeurs qui ont leur domicile réel dans la commune où ils demeurent depuis au moins six moins sont inscrits sur leur demande sur la liste électorale. Tel est également le cas de ceux qui figurent pour la cinquième fois sans interruption, l’année de la demande d’inscription, au rôle d’une des contributions directes communales, et, s’ils ne résident pas dans la commune, ont déclaré vouloir y exercer leurs droits électoraux. Enfin, les fonctionnaires publics assujettis à une résidence obligatoire dans la commune, peuvent être inscrits sur la liste électorale de ladite commune.

A ces règles de principe, le législateur est venu apporter une pondération en faveur des militaires des armées de terre, de mer et de l’air. Cette profession étant souvenant amenée à se déplacer en France et à l’étranger, au gré des mutations et des missions, l’article L. 13 a prévu un régime d’exception. L’alinéa 2 prévoit que, quel que soit le lieu de stationnement, les militaires, qu’ils soient de carrière ou liés par contrat et qui ne remplissent aucune des conditions fixées par l’article L. 11, peuvent demander leur inscription sur la liste électorale de leur commune de naissance, de la commune de leur dernier domicile, de la commune de leur dernière résidence d’au moins six mois, de la commune de naissance d’un ascendant, de la commune où est inscrit un de leurs ascendants ou descendants au premier degré, et de la commune où a été inscrit un de leurs ascendants [liste fixée par les dispositions de l’article L. 12 du Code électoral].

Tout d’abord, le texte exclut la possibilité de s’inscrire dans une des nombreuses communes indiquées à l’article L. 12, si le militaire de carrière se trouve dans une des situations prévues à l’article L. 11. Le militaire affecté à une base aérienne depuis plusieurs années et qui a établi son domicile dans cette commune ne pourra donc être inscrit valablement sur les listes électorales d’une autre commune [Civ.2, 17 mars 1994, M. Mondange]. De même, le militaire ne pourra bénéficier de ces dispositions si, ayant fait l’objet d’une mutation, il a son domicile dans le lieu de sa nouvelle résidence de fonction. [Civ.2, 24 mars 1977, Ducos].

Le juge a aussi été amené à statuer sur le champ d’application de cette disposition. Il a admis le bénéfice de ces dispositions aux militaires français basés en Allemagne [Civ.2, 16 mars 1977, Serve] ainsi qu’aux gendarmes [Civ.2, 16 mars 1977, Domenech]. Cette disposition devait-elle être étendue aux membres du corps des sapeurs-pompiers de Paris ?

L’article 1er du décret n° 2000-1162 du 28 novembre 2000 relatif aux missions et à l’organisation de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris a posé le principe selon lequel la brigade de sapeurs-pompiers de Paris est une unité militaire de sapeurs-pompiers de l’armée de terre appartenant à l’arme du génie. L’assimilation des sapeurs-pompiers de Paris aux militaires de carrière étant évidente, les membres de cette brigade devraient être en droit de bénéficier des exceptions instituées à l’article L. 13 du Code électoral.

En l’espèce, demandant à bénéficier de ces dispositions, un membre du corps des sapeurs-pompiers de Paris, engagé sous contrat, s’est vu néanmoins opposer un refus de la part de la commission administrative. Saisi d’un recours, le tribunal d’instance a confirmé cette position en estimant que « l’article L. 13 vise les militaires armées de terre, de mer et de l’air et que le caractère militaire de l’organisation des sapeurs-pompiers ne permet pas d’en déduire que l’électeur contesté appartient à l’une de ces trois armées ».

Mais, la Cour de cassation a sanctionné ce raisonnement. Se fondant étrangement sur l’article 1er du décret n° 67-155 du 28 février 1967 – abrogé à la date de la demande d’inscription sur les listes électorales -, le juge a estimé que tout membre de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris peut demander à bénéficier des dispositions de l’article L. 13 du Code électoral, en raison de leur rattachement structurel à l’arme du génie de l’armée de terre.

Textuellement logique, la solution crée une rupture d’égalité entre les sapeurs-pompiers eux-mêmes. Alors que les membres de la brigade parisienne peuvent bénéficier des exceptions quant à l’inscription sur les listes électorales, leurs homologues de province sont exclus du bénéfice de ces dispositions. Seul ce rattachement structurel et purement textuel du corps parisien permet encore aujourd’hui de justifier cette solution.

Une telle différence est également perceptible dans un autre domaine, celui des incompatibilités. L’article L. 46 pose en effet le principe de l’incompatibilité entre les fonctions de militaire, et certaines fonctions électives (conseiller municipal donc maire). En raison de l’analogie ainsi confirmée par la Cour de cassation, cette incompatibilité s’applique également aux membres de la brigade parisienne des sapeurs-pompiers. Cette solution peut paraître choquante quand on sait que l’article R. 354-10 du Code des communes qui prévoyait une incompatibilité entre les fonctions de sapeur-pompier et de maire, a disparu de notre droit positif en 1999.

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Citation : Benoît TABAKA, Le statut des pompiers de Paris au regard du droit électoral , 2 mars 2001, http://www.rajf.org/spip.php?article230

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