Cour administrative d’appel de Douai, 9 octobre 2003, n° 01DA00202, Société Jean-Philippe Tamarelle c/ Commune d’Harfleur

Si les dispositions des articles 50 à 53 de la loi du 25 janvier 1985, devenus les articles L. 621-43 à L. 621-46 du code du commerce, font obligation aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers de déclarer leurs créances sur les entreprises en état de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif, s’agissant de créances qui par leur nature relèvent de sa compétence, d’examiner si la personne publique demanderesse a droit à réparation, de fixer le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre et de prononcer ainsi une condamnation, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d’avoir sur le recouvrement de ses créances.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

N° 01DA00202

Société Jean-Philippe Tamarelle
c/ la commune d’Harfleur

M. Quinette
Rapporteur

M. Yeznikian
Commissaire du Gouvernement

Audience du 25 septembre 2003
Lecture du 9 octobre 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE DOUAI

1ère chambre

Vu la requête, enregistrée le 23 février 2001 au greffe de la cour administrative d’appel de Douai, présentée pour Maître Yves Bourgoin, administrateur judiciaire et commissaire à l’exécution du plan de cession de la société Jean-Philippe Tamarelle, par Me Brajeux, avocat ; Maître Yves Bourgoin demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 94-1001 du 28 décembre 2000 par lequel le tribunal administratif de Rouen l’a condamnée à payer à la commune d’Harfleur la somme de 202 454,80 francs, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 1994, lesdits intérêts étant capitalisés à la date du 26 février 1999 pour produire eux-mêmes intérêts, la somme de 4 000 francs en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et les frais d’expertise d’un montant de 69 658,50 francs mis pour moitié à sa charge et de constater l’extinction de la créance de la commune d’Harfleur ;

2°) de condamner la commune d’Harfleur à lui verser une somme de 8 000 francs en application de l’article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 28 pluviôse an VIII ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ;

Vu le code du commerce ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 25 septembre 2003
- le rapport de M. Quinette, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Yeznikian, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par un requête enregistrée le 28 juillet 1994 au greffe du tribunal administratif de Rouen, la commune d’Harfleur a demandé que la société Jean-Philippe Tamarelle soit déclarée responsable des désordres affectant le centre de la petite enfance d’Harfleur et soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation de ces désordres ; que, postérieurement à l’introduction de cette requête, le tribunal de commerce de Rouen, par un jugement en date du 12 septembre 1995, a désigné Maître Bourgoin administrateur judiciaire et Maître Leblay représentant des créanciers de la société Jean-Philippe Tamarelle puis a, par un second jugement en date du 7 mai 1997, arrêté un plan de cession de cette entreprise et désigné Maître Bourgoin commissaire à l’exécution de ce plan ; que s’il est vrai que ni la demande initiale de la commune d’ Harfleur, ni aucun des mémoires qui ont ensuite été produits devant les premiers juges n’ont été communiqués à l’administrateur et au représentant des créanciers, il ne résulte pas de l’instruction que le tribunal ait été informé de leur désignation ou ait reçu une demande de ces derniers en vue d’être associés à la procédure ; que, dans ces conditions, Maître Bourgoin n’est pas fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu sur une procédure irrégulière ;

Au fond :

Considérant que Maître Bourgoin se borne à soutenir, sans contester la responsabilité de la société Jean-Philippe Tamarelle dans l’origine et l’évaluation des désordres affectant le centre de la petite enfance d’Harfleur invoqués par la commune d’Harfleur, que la condamnation de cette société ne peut être prononcée depuis l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire dont cette dernière a fait l’objet dès lors que la commune d’Harfleur n’aurait pas déclaré sa créance, ni demandé à être relevée de forclusion dans les délais requis ;

Considérant que, si les dispositions des articles 50 à 53 de la loi du 25 janvier 1985 susvisée, devenus les articles L. 621-43 à L. 621-46 du code du commerce, font obligation aux personnes publiques comme à tous les autres créanciers de déclarer leurs créances sur les entreprises en état de redressement judiciaire puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif, s’agissant de créances qui par leur nature relèvent de sa compétence, d’examiner si la personne publique demanderesse a droit à réparation, de fixer le montant des sommes qui lui sont dues à ce titre et de prononcer ainsi une condamnation, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d’avoir sur le recouvrement de ses créances ; que le moyen invoqué en appel par Maître Bourgoin et tiré de ce que la commune d’Harfleur n’aurait pas déclaré sa créance ne peut, par suite et en tout état de cause, qu’être rejeté ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société Tamarelle, représentée par Maître Bourgoin, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen l’a condamnée à payer la somme de 202 454,80 francs assortie des intérêts et de la capitalisation desdits intérêts et a mis pour moitié à sa charge les frais d’expertise ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune d’Harfleur qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à la société Tamarelle, représentée par Me Bourgoin, la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative de condamner la société Tamarelle, représentée par Me Bourgoin, à payer à la commune d’Harfleur une somme de 1 500 euros au titre des frais qu’elle a exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Tamarelle, représentée par Me Bourgoin, est rejetée.

Article 2 : La société Jean-Philippe Tamarelle, représentée par Me Bourgoin, est condamnée à verser à la commune d’Harfleur une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Jean-Philippe Tamarelle, représentée par Me Bourgoin, à Me Bourgoin, à Me Leblay, à la commune d’Harfleur ainsi qu’au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2296