Commentaire rapide sous Conseil d’Etat, Assemblée, 5 Mars 1999, Président de l’Assemblée Nationale

Par Benoit Tabaka

Juge de l’exécutif, le juge administratif n’a pas compétence, dans le but du respect de la séparation des pouvoirs, pour connaître des litiges pouvant naître de l’action du Parlement. Mais ce grand principe a connu de nombreuses restrictions, dont le présent arrêt marque encore une importante brèche.

Ce principe existe toujours en ce qui concerne les actes législatifs à proprement parlé, à savoir, en clair, les lois au sens formel mais également les actes concourant directement à leur élaboration [comme les actes des organes parlementaires tels que les commissions parlementaires.]. Ce principe existait également en ce qui concerneait la légalité des décisions de passation des marchés conclus par les assemblée parlementaires.

Pourtant ce principe avait déjà connu plusieurs exceptions dont notamment par l’ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 dans son article 8 qui prévoit que le juge administratif est compétent pour se prononcer sur les litiges d’ordre individuel concernant les agents des assemblée parlementaires et sur les actions en responsabilité engagées en réparation de dommages causés par le fonctionnement des services des assemblées parlementaires. Sur le fondement de cette ordonnance, le Conseil était compétent pour connaître des actions en responsabilité liée à l’éxécution d’un marché. Mais, cette obstination du juge administratif à ne pas se déclarer compétent pouvait notamment être source de conflit par rapport à certaines dispositions communautaires dont notamment la directive "recours" de 1989 qui prévoit un recours contre les décisions d’attribution des marchés publics. Par ailleurs, le juge pénal pouvait être, quand à lui compétent, dans ce domaine à partir du moment où il pouvait juger les auteurs des marchés frauduleux.

Le Conseil d’Etat a donc mis fin, comme l’indiquait son commissaire du gouvernement dans ses conclusions à un édifice jurisprudentiel, une solution qui tout d’abord permet au juge administratif de se mettre en conformité avec le droit communautaire, mais également, de mettre fin au paradoxe dans lequel le juge pénal pouvait juger les auteurs des marchés frauduleux, et, le juge administratif ne pouvait pas connaître ces mêmes marchés.

Ainsi, le Conseil d’Etat a décidé d’admettre la compétence du juge administratif pour se prononcer sur la légalité des marchés à caractère administratif passés au nom de l’Etat par les services des assemblées parlementaires.

On peut regretter que le Conseil d’Etat n’ait pas suvi complètement les conclusions de son Commissaire du Gouvernement qui demandait à ce que le juge administratif se déclare entièrement compétent pour connaître l’ensemble des actes administratifs du Parlement. Ainsi, on a assisté à une petite avancée, qui sera sans nul doute, réitérée plus tard pour d’autres actes du Parlement.

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Citation : Benoit Tabaka, Commentaire rapide sous Conseil d’Etat, Assemblée, 5 Mars 1999, Président de l’Assemblée Nationale , 5 mars 1999, http://www.rajf.org/spip.php?article228

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