Conseil d’Etat, Section, 30 décembre 2003, n° 234270, Ministre de l’éducation nationale c/ Mme T.

Revirement : Si, en application de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, la mutation d’office d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service doit être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, l’existence de cette procédure ne se substitue pas à la garantie, distincte, prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 234270

MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE
c/ Mme T.

M. Quinqueton
Rapporteur

M. Bachelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 12 décembre 2003
Lecture du 30 décembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 29 mai 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présenté par le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE ; le MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt en date du 20 mars 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son recours tendant à l’annulation du jugement du 30 avril 1998 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé son arrêté du 21 juillet 1997 prononçant la mutation dans l’intérêt du service de Mme Irène T., professeur agrégé de sciences physiques, à compter du 1er septembre 1997 au lycée Philippe de Girard en Avignon (Vaucluse) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi de finances du 22 avril 1905 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Quinqueton, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de Mme T.,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que si, en application de l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, la mutation d’office d’un fonctionnaire dans l’intérêt du service doit être précédée de la consultation de la commission administrative paritaire compétente, l’existence de cette procédure ne se substitue pas à la garantie, distincte, prévue par l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 aux termes duquel : "Tous les fonctionnaires civils et militaires, tous les employés et ouvriers de toutes administrations publiques ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, soit avant d’être l’objet d’une mesure disciplinaire ou d’un déplacement d’office, soit avant d’être retardés dans leur avancement à l’ancienneté" ;

Considérant que saisie de l’arrêté du MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE du 21 juillet 1997 prononçant la mutation d’office dans l’intérêt du service de Mme T., la cour administrative d’appel de Marseille - après avoir, à bon droit, indiqué que la mutation d’office d’un fonctionnaire ne peut légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de consulter son dossier - a énoncé : "... que la formalité de la consultation de la commission administrative paritaire (ne) peut se substituer à celle de la consultation du dossier (que) si des garanties équivalentes à la possibilité de consulter son dossier sont offertes à l’agent et (que) si celui-ci, averti de la date de la réunion de la commission, est mis en mesure de se rapprocher, s’il le souhaite, des représentants élus du personnel afin de leur exposer sa situation" et s’est fondée, pour annuler l’arrêté du 21 juillet 1997, sur ce que Mme T., qui n’avait pas été mise en mesure de consulter son dossier, n’avait pas été avertie de la date de la décision de la commission administrative paritaire ; qu’en statuant ainsi, alors que, d’une part, la garantie résultant de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 est distincte de celle tenant à la consultation de la commission administrative paritaire et que, d’autre part, les règles applicables au fonctionnement des commissions administratives paritaires ne prévoient pas que le fonctionnaire dont la situation est examinée soit entendu par la commission, ni même averti de la date de sa réunion, la cour administrative d’appel de Marseille a entaché son arrêt d’une erreur de droit ; que celui-ci doit, par suite, être annulé ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant que l’arrêté du 21 juillet 1997, qui comporte une mesure prise en considération de la personne et qui a été prononcé sans que l’intéressée ait été préalablement mise à même de consulter son dossier, est intervenu en méconnaissance des dispositions rappelées ci-dessus de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 et est, par suite, entaché d’illégalité ; qu’il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille en a prononcé l’annulation ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : Le recours du MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE devant la cour administrative d’appel de Marseille est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA JEUNESSE, DE L’EDUCATION NATIONALE ET DE LA RECHERCHE et à Mme Irène T..

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