Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. Il en résulte qu’alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n’est pas - sauf à revêtir le caractère d’une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n’est soumise qu’aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 236485
Mme M.
Mlle Vialettes
Rapporteur
M. Guyomar
Commissaire du gouvernement
Séance du 21 novembre 2003
Lecture du 3 décembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 6ème sous-section de la section du contentieux
Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 23 juillet 2001, présentée par Mme Katia M. ; Mme M. demande au Conseil d’Etat d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 16 février 2001 par laquelle le jury de classement des auditeurs de justice de la promotion 1999 de l’Ecole nationale de la magistrature l’a déclarée inapte à exercer les fonctions de magistrat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, modifiée, portant loi organique relative au statut de la magistrature ;
Vu le décret n° 72-355 du 4 mai 1972, modifié, relatif à l’Ecole nationale de la magistrature ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de Mlle Vialettes, Auditeur,
les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que par sa décision en date du 16 février 2001, le jury de classement des auditeurs de justice de la promotion 1999 de l’Ecole nationale de la magistrature a décidé d’écarter Mme M. de l’accès aux fonctions judiciaires ; que celle-ci demande l’annulation de cette décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article 21 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : "Un jury procède au classement des auditeurs de justice qu’il juge aptes, à la sortie de l’école, à exercer les fonctions judiciaires.(…)/ Il peut écarter un auditeur de l’accès à ces fonctions ou lui imposer le renouvellement d’une année d’étude" ;
Considérant qu’un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire ; qu’il en résulte qu’alors même que la décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l’appréciation portée par l’autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne, elle n’est pas - sauf à revêtir le caractère d’une mesure disciplinaire - au nombre des mesures qui ne peuvent légalement intervenir sans que l’intéressé ait été mis à même de faire valoir ses observations ou de prendre connaissance de son dossier, et n’est soumise qu’aux formes et procédures expressément prévues par les lois et les règlements ; qu’il en va de même de la décision par laquelle le jury de classement décide, sur le fondement de l’article 21 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, d’écarter de l’accès aux fonctions judiciaires un auditeur de justice en raison de son inaptitude à ces fonctions ; que, dès lors, Mme M., qui, d’ailleurs a eu communication de ses notes d’études et de stage avant la délibération du jury, n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée aurait été prise à la suite d’une procédure irrégulière, faute pour elle d’avoir eu préalablement accès aux notes obtenues aux épreuves de classement et au " rapport spécial à l’intention du jury " élaboré à son sujet par l’Ecole nationale de la magistrature ;
Considérant que si le jury de classement des auditeurs de justice est tenu d’inscrire les auditeurs de justice sur la liste de sortie de l’Ecole en fonction du total de points qu’ils ont obtenus, il peut, en application de l’article 21 de l’ordonnance du 22 décembre 1958, déclarer un auditeur inapte aux fonctions judiciaires quel que soit le total de ses points ; que, par suite, l’absence de mention du total des points obtenus par Mme M. dans la décision attaquée est sans influence sur sa légalité ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la décision contestée n’a pas un caractère disciplinaire mais a été prise en application de l’article 21 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 ; que, dès lors, le détournement de pouvoir allégué, tiré de ce que le jury de classement aurait pris cette décision pour un motif disciplinaire, doit être écarté ;
Considérant, enfin, qu’il ressort également des pièces du dossier qu’en prenant, à l’encontre de Mme M., la décision attaquée au motif que les conditions de déroulement de ses différents stages avaient fait apparaître un comportement professionnel incompatible avec l’exercice des fonctions judiciaires, le jury n’a pas entaché sa décision d’erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme M. n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme M. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Katia M. et au garde des sceaux, ministre de la justice.
_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2173