Conseil d’Etat, 24 novembre 2003, n° 256614, Elections municipales de Vallauris-Golfe-Juan et M. F.

Dans les circonstances particulières de l’espèce, et compte tenu notamment de la briéveté de la période au cours de laquelle le requérant et ses colistiers ont réglé directement certaines dépenses relatives à la campagne en vue de l’élection organisée, à la suite de la démission du maire sortant, dans la commune de Vallauris-Golfe-Juan, le requérant est fondé à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 118-3 du code électoral en vertu desquelles le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 256614

M. F.
Elections municipales de Vallauris-Golfe-Juan

M. Fanachi
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 29 octobre 2003
Lecture du 24 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Serge F. ; M. F. demande que le Conseil d’Etat annule le jugement du 11 février 2003, par lequel le tribunal administratif de Nice, saisi par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l’a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller municipal pendant un an, à compter de la date à laquelle ce jugement sera devenu définitif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code électoral ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Fanachi, Conseiller d’Etat,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 52-4 du code électoral : "Pendant l’année précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où l’élection a été acquise, un candidat à cette élection ne peut recueillir des fonds en vue du financement de sa campagne que par l’intermédiaire d’un mandataire nommément désigné par lui, qui est soit une association de financement électorale, soit une personne physique dénommée le mandataire financier (...). Lorsque le candidat a décidé de recourir à une association de financement électorale ou à un mandataire financier, il ne peut régler les dépenses occasionnées par sa campagne que par leur intermédiaire (...) En cas d’élection anticipée ou d’élection partielle, ces dispositions ne sont applicables qu’à compter de l’événement qui rend cette élection nécessaire" ; qu’aux termes de l’article L. 52-15 du même code : "La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (C.N.C.P.F.P.) approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n’a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant, après réformation il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l’élection "(...)" ; qu’aux termes de l’article L. 118-3 du même code : "Saisi par la commission instituée par l’article L. 52-4, le juge de l’élection peut déclarer inéligible pendant un an, le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. Dans les autres cas, le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ou relever le candidat de cette inéligibilité" ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 234 du même code, applicable aux élections municipales : "Est inéligible pendant un an celui qui n’a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l’article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit" ;

Considérant que pour rejeter, par sa décision du 17 octobre 20002, le compte de campagne de M. F., candidat, tête de la liste "Dynamisme, Sécurité, Cohésion pour Vallauris-Golfe Juan", au premier tour de scrutin, organisé le 23 juin 2002, dans cette commune en vue de la désignation des conseillers municipaux, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a retenu que ce candidat avait, en méconnaissance des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 52-4 du code électoral, payé directement des dépenses de sa campagne électorale pour un montant de 5 051 euros, représentant 44 % de leur montant total ;

Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction que la somme de 5 051 euros, retenue par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, comprend d’une part des dépenses de campagne réglées par M. F. lui-même ou par ses colistiers, tant avant qu’après la décision de recourir à un mandataire financier, d’autre part les frais d’expertise comptable réglés le 17 août 2002 ; que l’obligation faite aux candidats de ne régler les dépenses de leur campagne que par l’intermédiaire du mandataire financier ne s’appliquant qu’à compter de la désignation de celui-ci et les frais de l’expertise comptable rendue nécessaire pour l’établissement du compte de campagne ne constituant pas des dépenses engagées en vue de l’élection au sens de l’article L. 52-12 du code électoral, il y a lieu de rectifier la décision de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques en retranchant de la somme de 5 051 euros, qu’elle a retenue, le montant des dépenses de campagne directement payées par M. F. ou ses colistiers, avant le 17 juin 2002, date de désignation de Mme Jardin, en qualité de mandataire, et le montant des honoraires de l’expert-comptable ayant établi le compte de campagne ; qu’après cette rectification, le montant des dépenses de campagne directement payées par M. F. ou ses colistiers s’élève à la somme non contestée de 1 740 euros et ne représente plus que 14,6 % du total des dépenses de campagne de ces candidats et 5,4 % du plafond des dépenses électorales autorisées ; que toutefois, même après ces rectifications, le montant des dépenses réglées directement par le candidat demeure tel qu’il justifie le rejet du compte de campagne de M. F. par la Commission des comptes de campagne et des financements politiques ;

Mais considérant que, dans les circonstances particulières de l’espèce, et compte tenu notamment de la briéveté de la période au cours de laquelle le requérant et ses colistiers ont réglé directement certaines dépenses relatives à la campagne en vue de l’élection organisée, à la suite de la démission du maire sortant, dans la commune de Vallauris-Golfe-Juan, M. F. est fondé à se prévaloir des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 118-3 du code électoral en vertu desquelles le juge de l’élection peut ne pas prononcer l’inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler le jugement attaqué, par lequel le tribunal administratif de Nice l’a déclaré inéligible aux fonctions de conseiller municipal pour une durée d’un an à compter de la date à laquelle cette décision deviendra définitive ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 11 février 2003 est annulé.

Article 2 : Il n’y a pas lieu de déclarer M. F. inéligible aux fonctions de conseiller municipal en application de l’article L. 118-3 du code électoral.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Serge F., à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article2151