Les stipulations du paragraphe 2 de l’article 5 de la convention d’application de l’accord de Schengen signée le 19 juin 1990, en vertu desquelles l’entrée sur le territoire des Parties contractantes doit, en principe, être refusée aux personnes signalées aux fins de non-admission, ne s’appliquent que pour la délivrance des visas de court séjour et non pour celle des visas de long séjour, lesquels ne sont accordés que pour le territoire français et, en vertu de l’article 18 de la même convention, ne donnent pas le droit à leurs bénéficiaires de transiter par le territoire des autres Parties contractantes s’ils sont signalés aux fins de non-admission.
Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 26 septembre 1997, l’ordonnance en date du 18 septembre 1997 par laquelle le président du tribunal administratif de Lyon transmet au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, le dossier de la requête dont ce tribunal a été saisi par M. et Mme Sergio FORABOSCO ;
Vu la demande, enregistrée le 10 juin 1997 au greffe du tribunal administratif de Lyon, présentée par M. et Mme Sergio FORABOSCO ; M. et Mme FORABOSCO demandent :
1°) l’annulation pour excès de pouvoir de la décision du 21 mars 1997 par laquelle le consul de France à Bucarest a refusé de délivrer un visa de long séjour à Mme FORABOSCO et de la décision du 10 avril 1997 par laquelle le ministre des affaires étrangères a confirmé ce refus ;
2°) qu’il soit enjoint au ministre des affaires étrangères de délivrer un visa à Mme FORABOSCO ;
3°) de condamner l’Etat à leur verser la somme de 3 000 F sur le fondement de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ; la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; le décret n° 95-304 du 21 mars 1995 portant publication de la convention d’application de l’accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l’Union économique du Benelux, de la République Fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990 ; la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; l’article 6-1 de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée ; l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le ministre des affaires étrangères :
Considérant qu’ à la suite de son mariage avec M. Sergio FORABOSCO, français résidant en France, Mme Mariana Stancu, de nationalité roumaine, a demandé un visa de long séjour ; que, par une décision du 21 mars 1997, confirmée le 10 avril 1997 par le ministre des affaires étrangères, le consul de France à Bucarest a rejeté sa demande ; que, si un visa a finalement été accordé à l’intéressée le 7 avril 1998, cette circonstance n’a pas rendu sans objet la requête de M. et Mme FORABOSCO dirigée contre les décisions des 21 mars et 10 avril 1997 ;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant que le ministre des affaires étrangères a fait savoir au Conseil d’Etat que le refus de visa opposé à Mme FORABOSCO était motivé par son inscription au "Système d’Information Schengen" ;
Considérant que les stipulations du paragraphe 2 de l’article 5 de la convention d’application de l’accord de Schengen signée le 19 juin 1990, en vertu desquelles l’entrée sur le territoire des Parties contractantes doit, en principe, être refusée aux personnes signalées aux fins de non-admission, ne s’appliquent que pour la délivrance des visas de court séjour et non pour celle des visas de long séjour, lesquels ne sont accordés que pour le territoire français et, en vertu de l’article 18 de la même convention, ne donnent pas le droit à leurs bénéficiaires de transiter par le territoire des autres Parties contractantes s’ils sont signalés aux fins de non-admission ; que, toutefois, en se fondant, pour refuser à Mme FORABOSCO le visa de long séjour qu’elle sollicitait, sur la circonstance qu’elle était inscrite au fichier du "Système d’Information Schengen", le consul de France à Bucarest n’a pas entaché sa décision d’une erreur de droit, dès lors qu’il ne s’est pas estimé lié par cette inscription pour refuser le visa ;
Mais considérant qu’il appartient au juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre une décision administrative fondée sur le signalement d’une personne aux fins de non-admission, de se prononcer sur le bien-fondé du moyen tiré du caractère injustifié de ce signalement alors même qu’il a été prononcé par une autorité administrative étrangère ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’inscription de Mme FORABOSCO au fichier du "Système d’Information Schengen", opérée par les autorités allemandes, était seulement motivée par le rejet d’une demande d’asile présentée par l’intéressée ; qu’un tel motif n’est pas au nombre de ceux qu’énumèrent limitativement les paragraphes 2 et 3 de l’article 96 de la convention du 19 juin 1990, susceptibles de fonder un signalement aux fins de non-admission ; qu’il suit de là que M. et Mme FORABOSCO sont fondés à demander l’annulation du refus de visa opposé à Mme FORABOSCO sur le fondement d’une inscription injustifiée au "Système d’Information Schengen" ;
Sur les conclusions à fin d’indemnité :
Considérant que si l’article 116 de la convention permet aux personnes inscrites à tort au "Système d’Information Schengen" de solliciter l’indemnisation du préjudice causé par une décision d’une partie contractante fondée sur cette inscription, même lorsque cette partie n’est pas l’auteur du signalement, cette stipulation ne déroge pas aux dispositions de l’article 1er du décret du 11 janvier 1965, qui ne permettent pas de saisir directement la juridiction administrative d’une demande d’indemnité sans que celle-ci ait fait l’objet d’une demande préalable auprès de l’administration concernée ; que, par suite, les conclusions à fin d’indemnité présentées en cours d’instance par les requérants sont, en tout état de cause, irrecevables ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit prescrit sous astreinte l’octroi d’un visa à Mme FORABOSCO :
Considérant que, dans son mémoire enregistré le 18 septembre 1998, M. FORABOSCO admet que la demande de son épouse a été satisfaite par l’octroi d’un visa le 7 avril 1998, lui-même suivi de l’attribution d’un titre de séjour ; que, par suite, il n’y a pas lieu pour le Conseil d’Etat de faire droit aux conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à M. et Mme FORABOSCO la somme de 5 000 F qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Décide :
Article 1er : La décision du 21 mars 1997 du consul de France à Bucarest et la décision du 10 avril 1997 du ministre des affaires étrangères refusant de délivrer un visa de long séjour à Mme FORABOSCO sont annulées.
Article 2 : L’Etat versera à M. et Mme FORABOSCO la somme de 5 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme FORABOSCO est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Sergio FORASBOSCO et au ministre des affaires étrangères.
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