Conseil d’Etat, 19 novembre 2003, n° 257100, Ville de Nîmes c/ Société Dalkia France

Si les dispositions de l’article 39 vont, en raison de l’obligation générale qu’elles imposent pour les marchés d’un montant supérieur aux seuils qu’elles déterminent, au-delà de l’exigence minimale imposée par la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, il n’en demeure pas moins que ces dispositions, en tant qu’elles renforcent les règles de publicité auxquelles sont soumises les autorités administratives lorsqu’elles passent certains marchés, contribuent à la réalisation des objectifs de cette directive avec lesquels elles sont dès lors compatibles.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 257100

VILLE DE NIMES
c/ société Dalkia France

M. Lenica
Rapporteur

M. Le Chatelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 3 novembre 2003
Lecture du 19 novembre 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2003 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la VILLE DE NIMES, représentée par son maire ; la VILLE DE NIMES demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 6 mai 2003 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a, à la demande de la société Dalkia, ordonné, d’une part, l’annulation des décisions prises par la commission d’appel d’offres au cours de la procédure de passation du marché de maintenance du stade des Costières et du Palais omnisports Le Parnasse et, d’autre part, de reprendre l’ensemble de la procédure de passation du marché précité ;

2°) de condamner la société Dalkia à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive n° 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Lenica, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de la VILLE DE NIMES et de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Dalkia France,
- les conclusions de M. Le Chatelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : "Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (...). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations" ;

Considérant que, par une ordonnance du 6 mai 2003 que conteste la VILLE DE NIMES, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, saisi sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, a annulé les décisions prises par la commission d’appel d’offres de la VILLE DE NIMES au cours de la procédure de passation du marché relatif à la maintenance et à l’entretien du stade des Costières et du Palais omnisports "Le Parnasse" ;

Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code des marchés publics, qui n’a été annulé, par une décision du Conseil d’Etat, statuant au contentieux en date du 28 avril 2003 qu’en tant qu’il ne comporte ni dispositions fixant des modèles d’avis ni renvoi à des arrêtés ministériels pour la fixation de tels modèles et demeure ainsi pour le surplus applicable : "I- Au-delà du seuil de 750 000 euros hors taxe pour les fournitures et les services et de 5 000 000 euros hors taxe pour les travaux, les marchés font l’objet d’un avis de préinformation. Cet avis est adressé pour publication à l’Office des publications officielles des Communautés européennes par la personne responsable du marché. / II. Pour les marchés de fournitures et de services, cet avis est adressé dès le début de l’exercice budgétaire" ; qu’aux termes de l’article 40 du même code : "II. - Les avis d’appel public à la concurrence sont insérés dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics ou dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales. Au-delà du seuil de 130 000 euros HT pour les marchés de l’Etat et de 200 000 euros HT pour les marchés des collectivités territoriales, l’avis est obligatoirement publié au bulletin officiel des annonces des marchés publics. / III. - Au-delà du seuil de 130 000 euros HT pour les marchés de fournitures et de services de l’Etat, de 200 000 euros HT pour les mêmes marchés des collectivités territoriales et de 5 000 000 euros HT pour les marchés de travaux, l’avis est en outre publié au Journal officiel des Communautés européennes" ; qu’aux termes du II de l’article 58, applicable aux procédures d’appels d’offres ouverts : "Le délai de réception des offres ne peut être inférieur à cinquante-deux jours à compter de la date d’envoi de l’appel public à la concurrence. Ce délai ne peut être réduit même pour des motifs d’urgence. / Ce délai peut toutefois être ramené à vingt-six jours lorsqu’un avis de préinformation a été publié (...)" ; qu’aux termes du II de l’article 63, applicable aux procédures d’appel d’offres restreints : "Le délai de réception des offres ne peut être inférieur à quarante jours à compter de l’envoi de la lettre de consultation./ Ce délai peut toutefois être ramené à vingt-six jours au cas où un avis de préinformation a été publié" ;

Considérant d’une part qu’il résulte de la combinaison des dispositions précitées que, contrairement à ce que soutient la VILLE DE NIMES, l’envoi d’un avis de préinformation pour les marchés entrant dans les prévisions du I de l’article 39 n’est pas requis uniquement dans le cas où l’autorité administrative envisage d’avoir recours aux délais réduits mentionnés au II des articles 58 et 63 mais constitue au contraire une obligation générale à laquelle sont soumis ces marchés, tandis que le II des articles 58 et 63 n’a pour autre objet que de subordonner à l’envoi de cet avis le recours aux délais réduits pour tous les marchés, qu’ils entrent dans les prévisions du I de l’article 39 ou dans celles du II et du III de l’article 40 ;

Considérant d’autre part que si les dispositions de l’article 39 vont, en raison de l’obligation générale qu’elles imposent pour les marchés d’un montant supérieur aux seuils qu’elles déterminent, au-delà de l’exigence minimale imposée par la directive 92/50/CEE du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, il n’en demeure pas moins que ces dispositions, en tant qu’elles renforcent les règles de publicité auxquelles sont soumises les autorités administratives lorsqu’elles passent certains marchés, contribuent à la réalisation des objectifs de cette directive avec lesquels elles sont dès lors compatibles ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a pu sans commettre d’erreur de droit estimer que l’appel à candidatures lancé par la VILLE DE NIMES pour le marché de services relatif à la maintenance du stade de Costières et du Palais omnisports "Le Parnasse", qui excède le seuil prévu au I de l’article 39 du code des marchés publics, impliquait que fût adressé à l’office des publications officielles des communautés européennes un avis de préinformation par la personne responsable du marché dès le début de l’exercice budgétaire ; qu’il suit de là que la VILLE DE NIMES n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Dalkia France soit condamnée à verser à la VILLE DE NIMES la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de condamner la VILLE DE NIMES à verser à la société Dalkia France la somme de 3 000 euros que celle-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la VILLE DE NIMES est rejetée.

Article 2 : La VILLE DE NIMES versera à la société Dalkia France la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la VILLE DE NIMES, à la société Dalkia France et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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