Une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 216036
M. L.
M. Bouchez
Rapporteur
M. Piveteau
Commissaire du gouvernement
Séance du 10 octobre 2003
Lecture du 3 novembre 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 7ème et 5ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 7ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête enregistrée le 5 janvier 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. François L. ; M. L. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir - l’arrêté n° 5150 du 27 septembre 1999 du gouvernement de la Polynésie française abrogeant les dispositions de l’arrêté n° 2782 du 7 juin 1999 constatant le droit de l’intéressé au bénéfice d’une indemnité forfaitaire de transport de bagages ou de changement de résidence conformément au décret n° 98-844 du 22 septembre 1998, - la lettre du 3 novembre 1999 par laquelle le chef du service des finances et de la comptabilité de Polynésie française lui réclame la somme de 1 550 262 F CFP comme lui ayant été indûment versée, ensemble l’état liquidatif du 20 octobre 1999 et l’ordre de recette du 8 novembre 1999, relatifs au remboursement de cette somme ;
2°) d’ordonner au gouvernement de la Polynésie française de surseoir à l’exécution de ces décisions ;
3°) subsidiairement, de condamner le territoire de la Polynésie française à lui verser la somme de 1 429 782 F CFP à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi, avec intérêts de droit ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° ? 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;
Vu le décret n° ? 74-338 du 22 avril 1974 relatif aux positions statutaires des militaires de carrière ;
Vu le décret n° 98-844 du 22 septembre 1998 fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les déplacements des personnels civils de l’Etat à l’intérieur d’un territoire d’outre-mer, entre la métropole et un territoire d’outre-mer, entre deux territoires d’outre-mer et entre un territoire d’outre-mer et un département d’outre-mer, la collectivité territoriale de Mayotte ou celle de Saint-Pierre et Miquelon ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bouchez, Conseiller d’Etat,
les observations de Me Delvolvé, avocat de M. L.,
les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. François L., médecin en chef des armées, a été placé en situation "hors budget" des armées au titre du ministère de l’outre-mer et affecté à la circonscription médicale des Tuamotu-Gambier en Polynésie française du 15 septembre 1996 au 8 septembre 1999 ; qu’il est resté, dans cette situation, en position d’activité et soumis au statut militaire ; que par suite c’est à tort que l’arrêté du 7 juin 1999 du gouvernement de la Polynésie française lui a appliqué, pour le calcul de son indemnité de changement de résidence, laquelle était à la charge du territoire, le régime des dispositions du décret du 22 septembre 1998, qui ne sont applicables qu’aux personnels civils de l’Etat et des établissements publics nationaux à caractère administratif ;
Considérant, toutefois, qu’une décision administrative accordant un avantage financier crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage ; qu’ainsi, l’arrêté du 27 septembre 1999 par lequel le gouvernement de la Polynésie française a retiré les dispositions de l’arrêté du 7 juin 1999 devait être motivé en application des dispositions de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu’il est constant que cet arrêté n’est pas motivé ; que, par suite, il est illégal ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. L. est fondé à demander l’annulation de l’arrêté du 27 septembre 1999, ainsi que de l’état liquidatif du 20 octobre 1999, de l’ordre de recette du 8 novembre 1999 pris pour son application et de la lettre du 3 novembre 1999 par laquelle le chef du service des finances et de la comptabilité de Polynésie française lui réclame le reversement de la somme de 1 550 262 F CFP ;
D E C I D E :
Article 1er : L’arrêté n° 5150 du 27 septembre 1999 du ministre des finances et des réformes administratives du gouvernement de la Polynésie française, l’état liquidatif du 20 octobre 1999, l’ordre de recette du 8 novembre 1999 et la lettre du 3 novembre 1999 du chef du service des finances et de la comptabilité de Polynésie française sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. François L., au gouvernement de la Polynésie française, au ministre de la défense et au ministre de l’outre-mer.
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