Cour administrative d’appel de Lyon, 3 juin 2003, n° 99LY01919, M. Sébastien C.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le médecin du travail soit, dans le cadre de la procédure prévue par l’article L. 241-10-1 du code du travail, saisi à tout moment à l’initiative de l’employeur. Néanmoins la consultation par le médecin du travail du carnet de santé d’un salarié en méconnaissance de l’article L.162-1-2 du code de la sécurité sociale constitue un vice de procédure substantiel, de nature à entacher de nullité la procédure suivie.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 99LY01919

M. Sébastien C.

Mme JOLLY
Président

M. BEAUJARD
Rapporteur

M. CLOT
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 3 juin 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

(3ème chambre),

Vu, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juillet 1999, sous le n° 99LY01919, la requête présentée pour M. Sébastien C., par Me Bruno Chaton, avocat au barreau de Dijon ;

M. C. demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 986745 du 15 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l’annulation d’une décision du 31 août 1998 de l’inspecteur du travail de Côte d’Or ne le déclarant que partiellement apte à son poste de travail ;

2°) d’annuler la décision du 31 août 1998 de l’inspecteur du travail de Côte d’Or ou, à titre subsidiaire, de procéder à une mesure d’expertise médicale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 mai 2003 :
- le rapport de M. BEAUJARD, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. CLOT, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. C. conteste un jugement en date du 15 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande dirigée contre une décision du 31 août 1998 de l’inspecteur du travail de Côte d’Or ne le déclarant que partiellement apte à son poste de travail ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 241-10-1 du code du travail : "Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la résistance physique et mentale des travailleurs. Le chef d’entreprise est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite. En cas de difficulté ou de désaccord, la décision est prise par l’inspecteur du travail après avis du médecin-inspecteur du travail" ; qu’aux termes de l’article R. 241-48 du même code : "I-Tout salarié fait l’objet d’un examen médical avant l’embauchage ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai qui suit l’embauchage..." ; que l’article R.241-49 dispose que : "Tout salarié doit bénéficier, dans les douze mois qui suivent l’examen effectué en application de l’article R.241-8, d’un examen médical en vue de s’assurer du maintien de son aptitude au poste de travail occupé. Cet examen doit être renouvelé au moins une fois par an. Tout salarié peut bénéficier d’un examen médical à sa demande" ; qu’enfin, aux termes de l’article R.241-51 : "Les salariés doivent bénéficier d’un examen par le médecin du travail après une absence pour cause de maladie professionnelle, après un congé de maternité, après une absence d’au moins huit jours pour cause d’accident du travail, après une absence d’au moins vingt et un jours pour cause de maladie ou d’accident non professionnel et en cas d’absences répétées pour raison de santé..." ;

Considérant que les textes précités, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire ne font obstacle à ce que le médecin du travail soit, dans le cadre de la procédure prévue par l’article L. 241-10-1 du code du travail, saisi à tout moment à l’initiative de l’employeur ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.162-1-2 du code de la sécurité sociale : "Le carnet de santé ne peut être communiqué qu’aux médecins appelés à donner des soins au patient..." ; que la consultation par le médecin du travail du carnet de santé d’un salarié en méconnaissance de cette disposition constitue un vice de procédure substantiel, de nature à entacher de nullité la procédure suivie ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, lors de sa visite d’embauche de M. C. en février 1998, le médecin du travail a pu consulter le carnet de santé de ce salarié ; que, toutefois, cette procédure s’est terminée par un avis d’aptitude sans réserve ; que la procédure ayant conduit à l’édiction de la décision de l’inspecteur du travail en litige n’a été initiée que plusieurs mois plus tard ; que le médecin du travail ne s’est fondé sur aucun élément connu de lui antérieurement, mais sur des constatations effectuées à partir du comportement du salarié à son poste de travail et sur les résultats d’une enquête effectuée par ses soins ; qu’ainsi, dans les circonstances de l’espèce, la procédure suivie n’a été entachée d’aucune irrégularité ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment des avis des médecins traitant de M. C., lesquels ne sont pas ainsi en contradiction avec la décision contestée, que le requérant a été atteint dans sa petite enfance d’une grave affection dont il a conservé quelques séquelles motrices qui ne peuvent être négligées, en dépit de la faiblesse des risques de récidive ; qu’en spécifiant, conformément à l’avis du médecin du travail et sans qu’y fasse obstacle la circonstance que le salarié avait été déclaré apte lors de la visite d’embauche de février 1998, que M. C. devait être exempté de tout travail en hauteur et de travail nécessitant l’utilisation de tours ou de fraiseuses, l’inspecteur du travail n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation ;

Considérant que les conséquences de la décision sur la situation de M. C. sont sans incidence sur sa légalité ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de recourir à une mesure d’expertise médicale, M. C. n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : La requête de M. C. rejetée.

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