Aux termes de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, "la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat". Au nombre de ces garanties fondamentales figurent les dispositions définissant les cas de jouissance, immédiate ou différée, des droits à pension. Il suit de là que le pouvoir réglementaire n’a pas compétence pour étendre le bénéfice du régime de la jouissance immédiate des droits à pension défini par l’article L 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite à d’autres catégories de personnels que celles mentionnées par cet article.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 207934
Mme Bazan-Jurbert
M Lenica, Rapporteur
Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement
Lecture du 7 Février 2001
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 18 mai 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par Mme Françoise BAZAN-JURBERT demeurant 4, square du Minervois à Maurepas (78310) ; Mme BAZAN-JURBERT demande l’annulation pour excès de pouvoir de la décision en date du 4 mars 1999, notifiée le 22 mars 1999, par laquelle le directeur du personnel militaire de l’armée de terre a refusé d’agréer sa demande de mise en disponibilité au motif que celle-ci était "statutairement irrecevable" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite, et notamment ses articles L24, L 25 et R64 ;
Vu la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, et notamment son article 62 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
le rapport de M Lenica, Auditeur,
les conclusions de Mme Bergeal, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;
Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, "la loi fixe les règles concernant ( ) les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat" ; qu’au nombre de ces garanties fondamentales figurent les dispositions définissant les cas de jouissance, immédiate ou différée, des droits à pension ; qu’il suit de là que le pouvoir réglementaire n’avait pas compétence pour étendre le bénéfice du régime de la jouissance immédiate des droits à pension défini par l’article L 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite à d’autres catégories de personnels que celles mentionnées par cet article ; que l’énumération donnée par la loi ne comporte pas, s’agissant de l’attribution des pensions militaires, les officiers mères de trois enfants et titulaires de quinze ans de services ; qu’ainsi, l’article R 64 de ce même code, qui dispose que "pour les personnels militaires féminins, officiers ou assimilés, admis à faire valoir leurs droits à pension en application de l’article L6 (1°), la jouissance de la pension est immédiate : a) soit lorsque les intéressées sont mères de trois enfants vivants ou décédés par faits de guerre ou d’un enfant vivant âgé de plus d’un an et atteint d’une invalidité égale ou supérieure à 80 % ; b) soit lorsque leur conjoint est atteint d’une infirmité ou d’une maladie incurable le plaçant dans l’impossibilité d’exercer une profession quelconque" émane d’une autorité incompétente ;
Considérant que la décision en date du 4 mars 1999 du directeur du personnel militaire de l’armée de terre refusant à Mme BAZAN-JURBERT, capitaine de l’armée de terre, titulaire de quinze ans de services et mère de trois enfants, le bénéfice de la position de disponibilité qu’elle demandait au titre de l’article 62 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires, tout en émettant le souhait de ne pas être placée à la retraite comme le sont d’office les officiers occupant cette position dès qu’ils ont acquis les droits à pension à jouissance immédiate, a été prise en raison des conséquences découlant de l’article R 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que, prise sur le fondement de dispositions réglementaires entachées d’incompétence, elle est elle même illégale ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme BAZAN-JURBERT est fondée à demander l’annulation de la décision attaquée ;
D E C I D E :
Article 1er : La décision en date du 4 mars 1999 du directeur du personnel militaire de l’armée de terre refusant à Mme BAZAN-JURBERT le bénéfice de la position de disponibilité qu’elle demandait au titre de l’article 62 de la loi du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires est annulée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Françoise BAZAN-JURBERT et au ministre de la défense.
_________________
Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article195