Cour administrative d’appel de Nancy, 17 juin 2003, n° 98NC00235, M. Jean-Michel J.

L’administration ne saurait légalement, pour apprécier la valeur professionnelle d’un agent exerçant une activité de contrôle de déclarations douanières, se fonder sur le montant des droits et taxes recouvrés, lequel est tributaire de la nature et de l’ampleur de l’infraction constatée et non du degré d’implication de l’agent dans l’exercice de ses fonctions.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

N° 98NC00235

M. J.

M. KINTZ
Président

M. VINCENT
Rapporteur

M. ADRIEN
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 17 juin 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE NANCY

(Troisième Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 2 février 1998 au greffe de la cour et complétée par mémoire enregistré le 31 août 1998, présentés par M. Jean-Michel J. ;

M. J. demande à la cour :

1°/ d’annuler le jugement du 23 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la note chiffrée et de l’appréciation littérale qui lui ont été attribuées en 1995 ;

2°/ d’annuler ladite décision ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 59-308 du 14 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été dûment averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 27 mai 2003 :
- le rapport de M. VINCENT, Président,
- et les conclusions de M. ADRIEN, Commissaire du Gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 17 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : " les notes et appréciations générales attribuées aux fonctionnaires et exprimant leur valeur professionnelle leur sont communiquées " ; qu’aux termes de l’article 55 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 : " Le pouvoir de fixer les notes et appréciations générales exprimant la valeur professionnelle des fonctionnaires ... est exercé par le chef de service. Les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations ; à la demande de l’intéressé, elles peuvent proposer la révision de la notation " ; qu’enfin, aux termes des articles 2 et 3 du décret du 14 février 1959 susvisé, la notation annuelle de chaque fonctionnaire comporte une note chiffrée établie selon une cotation de 0 à 20 par le chef de service et une appréciation d’ordre général émanant de ce dernier et " exprimant la valeur professionnelle de l’agent, compte tenu notamment de ses connaissances professionnelles, de son efficacité, du sens de l’organisation et de la méthode dans le travail ainsi que des qualités dont il a fait preuve dans l’exécution du service " ; qu’il résulte des dispositions précitées que l’administration ne saurait légalement, pour apprécier la valeur professionnelle d’un agent exerçant une activité de contrôle de déclarations douanières, se fonder sur le montant des droits et taxes recouvrés, lequel est tributaire de la nature et de l’ampleur de l’infraction constatée et non du degré d’implication de l’agent dans l’exercice de ses fonctions ;

Considérant que la fiche de notation établie en juillet 1995 à l’égard de M. J., inspecteur des douanes affecté à la direction régionale des douanes de Franche-Comté et prenant en considération la manière de servir au titre de l’année 1994, comporte l’appréciation littérale suivante : " Agent faisant preuve d’un bon esprit et d’une volonté certaine de bien servir. Les résultats sont dans l’ensemble moyens sur le plan contentieux " ; qu’eu égard à la nature de l’activité alors exercée par M. J., consistant exclusivement à opérer un contrôle approfondi des déclarations de douanes afin d’y rechercher les éventuelles irrégularités et de liquider consécutivement les droits qui en découlent, à ce que la manière de servir de l’intéressé était en revanche jugée satisfaisante en ce qui concerne l’analyse des dossiers et le respect des délais, et enfin aux précisions apportées lors de la réunion de la commission administrative paritaire consacrée à l’examen de la demande de révision de sa notation formée par M. J., l’expression ainsi employée doit être regardée comme faisant uniquement référence aux résultats quantitatifs de l’activité de ce dernier en termes de montant des droits et taxes recouvrés, ainsi que le soutient M. J. par une argumentation précise non expressément démentie par l’administration ; qu’un tel motif est, eu égard à ce qui précède, entaché d’erreur de droit ; que la circonstance, au demeurant non établie à s’en tenir aux seuls termes susrappelés de l’appréciation générale portée sur la valeur professionnelle de l’intéressé, que la notation aurait également pris en considération le fait qu’il se serait insuffisamment investi dans l’exercice de ses fonctions est sans incidence sur l’illégalité de ladite notation, constituée dès lors que l’administration a fondé sa décision sur au moins un motif non prévu par la loi ;

Considérant qu’il s’ensuit, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. J. est fondé à demander l’annulation du jugement du 23 octobre 1997 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la notation qui lui a été attribuée en 1995 et, par voie de conséquence, l’annulation de ladite notation ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 23 octobre 1997 et la décision de notation de M. J. en date du 7 juillet 1995 sont annulés.

ARTICLE 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. J. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1833