Les chambres mortuaires à l’épreuve de la canicule

Par Dominique PELJAK
Directeur d’hôpital (Val d’Oise)

La presse s’est récemment fait l’écho des difficultés apparues dans les hôpitaux à faire face à l’afflux de patients pendant la période caniculaire. Quelles sont en la matière les obligations juridiques des établissements publics de santé ? Conformément aux articles L.6111-5 et L.6111-6 du Code de la santé publique, le code général des collectivités territoriales trouve ici à s’appliquer dans ses dispositions prévues aux articles L.2223-39 et R.2223-89 à R.2223-98.

Leur analyse fait apparaître que le dispositif juridique qui s’impose aux hôpitaux à raison du nombre de décès par an, constitue un corpus d’impératifs gestionnaires, financiers, techniques et pratiques.

> La notion de seuil du nombre de décès

Les établissements de santé peuvent disposer d’une chambre mortuaire dans laquelle doit être déposé le corps des personnes qui y sont décédées. La chambre mortuaire - qui se distingue des chambres funéraires dont l’objet est de recevoir, avant l’inhumation ou la crémation, le corps des personnes décédées [1]- est un équipement destiné à permettre aux familles des personnes décédées dans un établissement de disposer du temps nécessaire à l’organisation des obsèques, dès lors que le maintien des corps des défunts dans des locaux destinés aux soins n’est pas envisageable. Dans toute la mesure du possible, la famille a cependant accès auprès du défunt avant que le corps ne soit déposé dans la chambre mortuaire sans que ce dépôt ne soit différé, de ce fait, d’un délai supérieur à dix heures.

La création d’une chambre mortuaire constitue une obligation dès lors que l’hôpital enregistre un nombre moyen annuel de décès au moins égal à 200, l’appréciation de cette condition s’effectuant au vu du nombre moyen de décès intervenus au cours des trois dernières années civiles écoulées. La réglementation précise qu’il est tenu compte des décès intervenus dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées gérés par les établissements de santé. Un établissement hospitalier cesse néanmoins d’être soumis à cette obligation dès lors que le nombre de décès enregistré en son sein reste inférieur au seuil pendant trois années civiles.

Saisi sur la question du nombre de décès par an, le Conseil d’Etat a considéré que le choix d’un seuil de cette nature, qui vise à prendre en considération le degré de nécessité d’une chambre mortuaire en tant qu’équipement relevant d’une structure sanitaire dont le financement, s’agissant du secteur public, est supporté par la collectivité n’est pas, en lui-même, contraire aux dispositions de la loi (en particulier de l’article L.2223-39 du code général des collectivités territoriales). En effet, si le seuil retenu ne concerne que 11 % des établissements de santé, il recouvre près de 70 % des décès qui surviennent dans l’ensemble des établissements de santé (CE, 5 octobre 1998, Fédération française des pompes funèbres et Association Force ouvrière consommateurs, Nos 193261 et 193359, Publié au Recueil Lebon).

> Les obligations gestionnaires

Les établissements de santé gèrent leurs chambres mortuaires :
- soit, directement ;
- soit, en utilisant les facultés qui leur sont ouvertes en matière de coopération hospitalière.

Une chambre mortuaire doit ainsi être placée sous la responsabilité directe de l’établissement de santé, sans que sa gestion puisse être confiée par convention à un opérateur extérieur. En effet, le recours à une coopération hospitalière ne saurait déboucher sur une gestion déléguée du service par un organisme extérieur aux structures de coopération hospitalière.

> Les obligations financières

Le dépôt et le séjour à la chambre mortuaire d’un établissement de santé public ou privé du corps d’une personne qui y est décédée sont gratuits pendant les trois premiers jours suivant le décès. Le conseil d’administration de l’établissement fixe les prix de séjour en chambre mortuaire au-delà du délai de trois jours prévu. Toutefois, la chambre mortuaire peut accessoirement recevoir, à titre onéreux, les corps des personnes décédées hors de ces établissements en cas d’absence à sa proximité de chambre funéraire.

> Les obligations techniques

L’arrêté du 7 mai 2001 définit les prescriptions techniques applicables aux chambres mortuaires des établissements de santé [2]. Toute chambre doit ainsi comporter une zone publique destinée aux familles et une zone technique réservée à la conservation et à la préparation des corps.

La zone publique de la chambre mortuaire doit comprendre au minimum un local de présentation du corps du défunt et un local d’accueil pour les familles, mais elle peut également comporter une salle d’attente pour les familles et une salle de cérémonie. S’agissant de la zone technique, elle doit comprendre au moins un local de préparation des corps et doit être équipée, au minimum, de deux cases réfrigérées de conservation des corps par tranche même incomplète de deux cents décès annuels. L’arrêté définit également des normes en termes de température, de ventilation, de comportement au feu, d’ergonomie et de fabrication.

> Les obligations pratiques

Lorsque le transfert du corps en chambre mortuaire nécessite de sortir de l’enceinte d’un établissement de santé ou de l’un de ses sites d’implantation, le transport sans mise en bière est autorisé par le maire de la commune de décès. Lorsque l’établissement de santé où le décès a eu lieu n’est pas le gestionnaire de la chambre mortuaire d’accueil, le responsable de celle-ci est destinataire de l’autorisation de transport. Une copie de l’autorisation de transport doit en outre être adressée sans délai au maire de la commune où le corps est transporté, lorsque cette dernière n’est pas celle du lieu de décès (article 6 du décret n° 97-1039 du 14 novembre 1997 relatif aux chambres mortuaires des établissements de santé).


[1] L’article 9 du décret n° 97-1039 du 14 novembre 1997 relatif aux chambres mortuaires des établissements de santé précise que les établissements hospitaliers ne peuvent être habilités à gérer les chambres funéraires et ne peuvent autoriser sous quelque forme que ce soit l’installation d’une chambre funéraire dans leurs locaux ou sur l’un de leurs terrains.

[2] L’arrêté du 7 mai 2001 a apporté des normes techniques plus strictes que l’arrêté du 24 août 1998, notamment en termes de température et de résistance au lavage.

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Citation : Dominique PELJAK, Les chambres mortuaires à l’épreuve de la canicule, 21 août 2003, http://www.rajf.org/spip.php?article1818

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