Cour administrative d’appel de Marseille, 12 juin 2003, n° 99MA01873, Commune d’Ajaccio c/ SARL Garage du stade

Aux termes de l’article R. 286-4 du code de la route alors applicable : "Nul ne peut être agréé comme gardien de fourrière s’il exerce également une activité de destruction ou de retraitement de véhicules usagés". Ces dispositions font obstacle à ce qu’une personne publique confie le service public de la fourrière à un candidat exerçant une activité de destruction ou de retraitement de véhicules usagés.

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

N° 99MA01873

Commune d’AJACCIO
c/ SARL Garage du stade

M. DARRIEUTORT
Président

M. MARCOVICI
Rapporteur

M. TROTTIER
Commissaire du Gouvernement

Arrêt du 12 juin 2003

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE MARSEILLE

(3ème chambre)

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d’appel de Marseille le 17 septembre 1999 sous le n° 99MA01873, présentée pour la commune d’AJACCIO, par Me Jean-François SALASCA, avocat à la cour ;

La commune d’AJACCIO demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement n° 99-00390 à 99-00392 du 29 juin 1999 par lequel le Tribunal administratif de Bastia a annulé la délibération en date du 21 décembre 1998 par laquelle le Conseil municipal de Bastia a choisi les entreprises De Bartolo et Garage 2000 en tant que délégataire du service public de la fourrière et rejeté le surplus des conclusions de la requête ;

2°/ de rejeter la demande présentée par la société Garage du stade devant le Tribunal administratif de Bastia ;

La commune soutient que le code des marchés publics n’était pas applicable dès lors que le contrat a la nature d’une délégation de service public, que la procédure prévue par la loi du 29 janvier 1993 a été respectée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 janvier 2000, présenté pour la société Garage du Stade, par Me Laurence VASCHETTI ; la société Garage du Stade conclut au rejet de la requête, à ce que la Cour prononce la nullité des contrats liant la commune aux sociétés Garage 2000 et Bartolo, d’ordonner à la commune de résilier les contrats dans le délais d’un mois à compter de l’arrêt et à la condamnation de la commune d’AJACCIO à lui verser une somme de 20.000 francs au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la procédure est irrégulière dans la mesure où les contrats n’ont pas fait l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales, que la commune a commis une erreur manifeste d’appréciation, que l’offre de la société Garage du Stade n’a pas été examinée, que la commune a choisi une société juridiquement inexistante, la société Bartolo ; que cette société ne présente pas de garanties financières suffisantes, que les entreprises ne respectent pas la réglementation applicable à la convention d’exploitation de la fourrière municipale, que les sociétés ne respectent pas non plus les conditions relatives au matériel d’intervention, que le contrat méconnaît les dispositions de l’article R.286-5 du code de la route ;

Vu la note en délibéré en date du 2 juin 2003 présentée pour la société Garage du stade ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 28 mai 2003 :
- le rapport de M. MARCOVICI, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. TROTTIER, premier conseiller ;

Considérant que par une délibération en date du 21 décembre 1998, le conseil municipal d’AJACCIO a autorisé le maire de la commune à signer deux contrats portant délégation du service public de la fourrière municipale avec les sociétés Garage 2000 et Garage de Bartolo ; que par un jugement du 29 juin 1999, le Tribunal administratif de Bastia a annulé cette délibération au motif que la commune aurait méconnu les dispositions de l’article 300 du code des marchés publics ; que la commune relève appel de ce jugement ; que, par la voie de l’appel incident, la société Garage du Stade demande que la cour prononce la nullité des contrats et ordonne à la commune de résilier les contrats qui la lient au Garage Bartolo et à la société Garage 2000 ou bien lui ordonne de saisir le juge du contrat afin qu’il en constate la nullité ;

Sur les conclusions de la commune d’Ajaccio :

Considérant qu’aux termes de l’article R.286-4 du code de la route alors applicable : " Nul ne peut être agréé comme gardien de fourrière s’il exerce également une activité de destruction ou de retraitement de véhicules usagés " ; que ces dispositions font obstacle à ce qu’une personne publique confie le service public de la fourrière à un candidat exerçant une activité de destruction ou de retraitement de véhicules usagés ;

Considérant qu’aux termes des stipulations de l’article 1.3 des conventions de délégations du service public de la fourrière : " L’entreprise sera chargée de (...) transférer les véhicules classés à détruire à la fourrière dite chantier de démolition, procéder à la démolition des véhicules classés à détruire et effectuer les opérations administratives de destruction auprès des services intéressés " et qu’aux termes des stipulations de l’article 4.1 : " l’entreprise sera autorisée à entreposer directement sur son chantier de démolition les véhicules enlevés de la voie publique et considérés comme épaves. " ; qu’aux termes des stipulations de l’article 5.8 : " 3) la convention sera résiliée de plein droit et sans indemnités dans le cas de non obtention de l’agrément " ; que ces stipulations, qui imposent aux concessionnaires de disposer d’un agrément qui ne peut leur être régulièrement délivré en application des dispositions de l’article R.286-4 précitées sont illégales ; qu’il en résulte que la délibération attaquée qui autorise le maire à signer de telles conventions est également illégale ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune d’AJACCIO n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Bastia a annulé ladite délibération ;

Sur l’appel incident de la société :

Considérant qu’en raison de leur caractère contractuel, les conventions de délégations de service public conclues entre la commune d’AJACCIO et les sociétés De Bartolo et Garage 2000, ne constituent pas des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir ; que par suite, les conclusions tendant à l’annulation de ces conventions sont irrecevables ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d’un délai d’exécution "

Considérant que le présent arrêt, eu égard au motif d’annulation de la délibération, implique nécessairement que la commune saisisse le juge des contrats conclus entre la commune d’AJACCIO et les sociétés De Bartolo et Garage 2000 en vertu de la délibération du 21 décembre 1998 afin de l’inviter à en constater la nullité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’aux termes de l’article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation " ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative de condamner la commune d’AJACCIO à payer à la société Garage du Stade la somme de 1.000 euros qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune d’AJACCIO susvisée est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint à la commune d’AJACCIO, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, de saisir le juge des contrats pour l’inviter à constater la nullité des contrats conclus entre la commune d’AJACCIO et les sociétés De Bartolo et Garage 2000 en vertu de la délibération du 21 décembre 1998.

Article 3 : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Bastia est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune d’AJACCIO est condamnée à payer à la société Garage du Stade la somme de 1.000 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune d’AJACCIO, à la société Garage du Stade, à la société De Bartolo et à la société Garage 2000.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1806