Les dispositions de la loi du 11 juillet 1979 sont applicables à toute décision administrative qui doit être motivée en vertu d’un texte législatif ou réglementaire ou d’une règle générale de procédure administrative. Si l’article R. 421-29 du code de l’urbanisme, relatif à certains permis de construire, a prévu que "si la décision comporte rejet de la demande (...), elle doit être motivée", cette disposition, qui n’a pas, en tout état de cause, pour objet de créer un régime particulier dérogatoire de motivation, n’est pas au nombre de celles susceptibles de faire obstacle à l’application des dispositions de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 239245
M. K.
M. Bardou
Rapporteur
M. Séners
Commissaire du gouvernement
Séance du 31 mars 2003
Lecture du 30 avril 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux, 3ème et 8ème sous-section réunies)
Sur le rapport de la 3ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête, enregistrée le 22 octobre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour M. Emad K. ; M. K. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 3 mai 2001 en tant que par ledit arrêt la cour administrative d’appel de Marseille a, d’une part, rejeté sa demande tendant : 1/ à l’annulation du jugement du 29 janvier 1997 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d’une part, rejeté sa demande d’annulation de la décision du 28 juillet 1994 par laquelle le maire de Cannes (Alpes-Maritimes) a refusé de statuer sur sa demande de permis de construire modificatif déposée le 20 janvier 1993, 2/ à ce que soit déclaré inexistant le refus implicite du maire de ladite commune, 3/ à la condamnation de cette même commune à lui verser une somme de 18 372 000 F en réparation du préjudice résultant du refus d’instruire sa demande de permis de construire du 20 janvier 1993, 4/ à ce qu’il soit enjoint à la commune de prendre une décision sur sa demande, sous astreinte de 18 520 F par jour de retard et, d’autre part, décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur sa demande d’annulation de l’ordonnance du 17 janvier 1996 par laquelle le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nice, statuant en référé, a refusé de lui accorder une provision de 2 982 600 F en réparation du préjudice résultant pour lui du refus de la commune de Cannes de prendre une décision sur sa demande de permis de construire présentée le 20 janvier 1993 ;
2°) de condamner la ville de Cannes à lui verser la somme de 30 000 F sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Bardou, Maître des Requêtes,
les observations de la SCP Tiffreau, avocat de M. Emad K. et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la ville de Cannes,
les conclusions de M. Séners, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que M. Emad K. a déposé le 20 janvier 1993 une demande de permis de construire une villa située à Cannes ; que cette commune a affecté le 20 janvier 1993 un numéro d’enregistrement à cette demande dans les conditions prévues par l’article R. 421-9 du code de l’urbanisme ; que, par la suite, en l’absence de décision expresse statuant sur sa demande, M. K. a saisi l’autorité communale par lettre du 19 juillet 1993, sur le fondement de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme, en vue de requérir l’instruction de sa demande ; que par lettre du 20 avril 1994 confirmée le 28 juillet 1994 la commune s’est bornée à demander le dépôt d’un permis de construire rectificatif ; que M. K. a alors saisi le juge administratif d’une demande tendant à l’annulation de la décision précitée du 28 juillet 1994 et à la condamnation de la commune de Cannes à la réparation du préjudice causé par l’absence de décision sur cette demande ; qu’il conteste devant le Conseil d’Etat l’arrêt en date du 3 mai 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête au motif que, s’agissant d’une construction édifiée dans un site classé, le silence de l’administration avait fait naître, conformément à l’article R. 421-19 du code de l’urbanisme, une décision implicite de rejet, qui, en vertu de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979, n’était pas illégale du seul fait qu’elle n’était pas motivée ;
Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public : "Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués" ;
Considérant que les dispositions précitées sont applicables à toute décision administrative qui doit être motivée en vertu d’un texte législatif ou réglementaire ou d’une règle générale de procédure administrative ; que si l’article R. 421-29 du code de l’urbanisme, relatif à certains permis de construire, a prévu que "si la décision comporte rejet de la demande (...), elle doit être motivée", cette disposition, qui n’a pas, en tout état de cause, pour objet de créer un régime particulier dérogatoire de motivation, n’est pas au nombre de celles susceptibles de faire obstacle à l’application des dispositions de l’article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu’il suit de là que la cour administrative d’appel de Marseille a pu, par l’arrêt attaqué, décider, sans erreur de droit, que cet article 5 était applicable à la décision litigieuse refusant le permis de construire demandé par M. K. ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Cannes, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer à M. K. la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. K. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Emad K., à la commune de Cannes et au ministre de l’équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1752