Conseil d’Etat, 19 mai 2003, n° 243787, Ministre de la défense c/ Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère

En vertu de l’article 10 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers, les règles relatives au quorum fixées par son article 12 sont applicables aux organismes collégiaux dont l’avis est requis préalablement aux décisions prises, à l’égard des usagers et des tiers, par les autorités administratives de l’Etat et les organes des établissements publics administratifs de l’Etat. Les personnels civils de l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre de Brest, auxquels s’applique le règlement intérieur contesté, ne sont ni des usagers, ni des tiers au sens de l’article 10.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 243787

MINISTRE DE LA DEFENSE
c/ Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère

M. El Nouchi
Rapporteur

M. Collin
Commissaire du gouvernement

Séance du 30 avril 2003
Lecture du 19 mai 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours, enregistré le 5 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, du MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler sans renvoi l’ordonnance du 13 février 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a, à la demande du Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère, suspendu l’exécution de la décision de la direction de l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre de Brest établissant un nouveau règlement intérieur faisant application de l’accord-cadre sur l’aménagement et la réduction du temps de travail et le rendant applicable à compter du 21 janvier 2002 ;

2°) de rejeter la demande de suspension présentée par ce syndicat ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 2000-815 du 25 août 2000 relatif à l’aménagement et à la réduction du temps de travail ;

Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu le décret n° 85-755 du 19 juillet 1985 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Spinosi, avocat du Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère,
- les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du recours :

Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article 10 du décret du 28 novembre 1983 concernant les relations entre l’administration et les usagers, les règles relatives au quorum fixées par son article 12 sont applicables aux organismes collégiaux dont l’avis est requis préalablement aux décisions prises, à l’égard des usagers et des tiers, par les autorités administratives de l’Etat et les organes des établissements publics administratifs de l’Etat ; que les personnels civils de l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre de Brest, auxquels s’applique le règlement intérieur contesté, ne sont ni des usagers, ni des tiers au sens de l’article 10 ; que, par suite, en jugeant que le moyen tiré de l’irrégularité de l’avis émis le 17 janvier 2002 par le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail sur le projet de règlement intérieur était propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, en raison de la méconnaissance des règles de quorum fixées par l’article 12 du décret du 28 novembre 1983, le juge des référés a commis une erreur de droit ;

Considérant par ailleurs que ni le décret du 19 juillet 1985 relatif à l’hygiène, à la sécurité du travail et à la prévention au ministère de la défense, ni l’arrêté du 22 avril 1997 relatif aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail au ministère de la défense ne fixent les règles de quorum applicables aux délibérations de ces comités ; qu’ainsi, à défaut de toute disposition ayant fixé un tel quorum, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut valablement délibérer que lorsque plus de la moitié de ses membres sont présents ou régulièrement représentés à l’ouverture de la séance ; que si le syndicat requérant a soutenu devant le juge des référés que ce quorum n’était pas atteint en l’espèce, cette circonstance de fait a été contestée par l’administration devant le même juge ; que, par suite, la substitution de ce motif, demandée par le syndicat en défense dans le cadre de la présente instance, à celui retenu à tort par le juge des référés comporte l’appréciation d’une circonstance de fait et ne peut dès lors être prononcée par le juge de cassation ;

Considérant, en second lieu, que le juge des référés s’est également fondé, pour ordonner la suspension de l’exécution de la décision de la direction de l’hôpital d’instruction des armées Clermont-Tonnerre de Brest, sur la circonstance qu’était propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision le moyen tiré de la violation des dispositions de l’accord-cadre du 11 juillet 2001 qui n’autoriseraient pas la " journée contractée aménagée " ; que cet accord-cadre est dépourvu de tout caractère réglementaire et n’a au demeurant pas été publié ; que, par suite, ce motif est également entaché d’erreur de droit ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L.821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant que si le syndicat requérant soutient que le nouveau règlement intérieur doit s’appliquer dès le 21 janvier 2002 et qu’il serait difficile de remettre en cause l’organisation qui découlera de sa mise en œuvre, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser une situation d’urgence au sens de l’article L.521-1 du code de justice administrative ; qu’ainsi, en l’absence d’urgence, la demande de suspension formée par le syndicat requérant ne peut être accueillie ;

Sur les conclusions présentées par le syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer au Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 13 février 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes est annulée.

Article 2 : La demande présentée par le Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère devant le juge des référés du tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions du Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de la défense et au Syndicat CFDT des personnels civils des établissements de la défense du Finistère.

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