Conseil d’Etat, 14 mai 2003, n° 235051, Ville d’Agen

Compte tenu de l’objet qui s’attache à la constatation de l’état de catastrophe naturelle et des conséquences qu’emporte une telle constatation, le législateur a entendu confier à la fois au ministre chargé de la tutelle des assurances et à celui chargé de la sécurité civile la compétence pour prendre l’arrêté mentionné au dernier alinéa de l’article L. 125-1 du code des assurances.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 235051

VILLE D’AGEN

Mme Legras
Rapporteur

M. Guyomar
Commissaire du gouvernement

Séance du 23 avril 2003
Lecture du 14 mai 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-section réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la VILLE D’AGEN, représentée par son maire ; la VILLE D’AGEN demande que le Conseil d’Etat :

1°) annule pour excès de pouvoir la décision en date du 23 mars 2001 du ministre de l’intérieur et les décisions implicites du ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et du secrétaire d’Etat au budget rejetant son recours gracieux du 23 février 2001 tendant à la modification de l’arrêté interministériel du 27 décembre 2000 portant constatation de l’état de catastrophe naturelle ;

2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) condamne l’Etat à lui verser la somme de 15 000 F (2 287 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des assurances ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, Laugier, avocat de la VILLE D’AGEN,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la VILLE D’AGEN demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté interministériel du 27 décembre 2000 portant constatation de l’état de catastrophe naturelle, en tant qu’il exclut la commune d’Agen, et de la décision en date du 23 mars 2001 par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté le recours gracieux dirigé contre cet arrêté ;

Sur les conclusions dirigées contre l’arrêté interministériel du 27 décembre 2000 :

Considérant que l’arrêté attaqué, qui revêt le caractère d’un acte réglementaire, a été publié au Journal officiel le 29 décembre 2000 ; que la requête de la VILLE D’AGEN ayant été enregistrée le 25 juin 2001, les conclusions dirigées contre cet arrêté sont, comme le soutient le ministre de l’intérieur en défense, tardives et par suite irrecevables ;

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 23 mars 2001 :

Sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le ministre de l’intérieur ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 125-1 du code des assurances, dans sa rédaction applicable à la date des décisions attaquées : "Les contrats d’assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l’Etat et garantissant les dommages d’incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l’assuré contre les effets des catastrophes naturelles sur les biens faisant l’objet de tels contrats. / .... Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises./ L’état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s’est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, compte tenu de l’objet qui s’attache à la constatation de l’état de catastrophe naturelle et des conséquences qu’emporte une telle constatation, le législateur a entendu confier à la fois au ministre chargé de la tutelle des assurances et à celui chargé de la sécurité civile la compétence pour prendre l’arrêté mentionné au dernier alinéa de l’article L. 125-1 précité du code des assurances ;

Considérant que si les ministres de l’économie et de l’intérieur étaient compétents pour constater, comme l’avait demandé la VILLE D’AGEN, l’état de catastrophe naturelle causé sur le territoire de cette commune par la sécheresse entre 1991 et 1999, le ministre de l’intérieur pouvait, dès lors qu’il n’entendait pas donner son accord à une telle constatation, rejeter seul la demande présentée par la VILLE D’AGEN ; que le moyen tiré de l’incompétence du ministre de l’intérieur doit, par suite, être écarté ;

Considérant que la décision attaquée, qui revêt un caractère réglementaire, n’avait pas à être motivée en application de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le ministre de l’intérieur ne s’est pas cru lié par l’avis émis par la commission interministérielle mise en place par la circulaire du 27 mars 1984 et dont la fonction se limite à éclairer par des avis les ministres compétents sur les conditions dans lesquelles peut être constaté, au cas par cas, l’état de catastrophe naturelle ; que les modalités de publications de la circulaire du 27 mars 1984 sont sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;

Considérant qu’en estimant, au vu notamment des travaux menés par Météo France sur la période de 1991 à 1999, qu’aucun déficit exceptionnel du bilan hydrique n’avait été constaté pour cette période sur le territoire de la commune d’Agen et que la sécheresse subie ne revêtait pas, par suite, le caractère d’un agent naturel d’une intensité anormale, le ministre de l’intérieur n’a pas commis d’erreur d’appréciation ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la VILLE D’AGEN n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision en date du 23 mars 2001 ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la VILLE D’AGEN la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de VILLE D’AGEN est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la VILLE D’AGEN, au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie et au ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1702