Conseil d’Etat, 15 juin 2001, n° 223481, Syndicat intercommunal d’assainissement de Saint-Martin-de-Ré

Il résulte de ces dispositions qu’avant de mener librement avec les candidats des négociations à l’issue desquelles elle choisit le délégataire, l’autorité délégante est tenue de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de recueil des offres des candidats ; que le respect du principe d’égalité entre les candidats qui découle de ces dispositions exige que, lorsque des négociations sont menées avec plusieurs entreprises à la suite de la remise des offres et que l’autorité délégante fixe à ces entreprises un délai de remise de nouvelles offres, elle est tenue aux mêmes exigences que lors de la procédure de publicité et de recueil des offres et, en particulier, ne peut légalement proroger ce nouveau délai pour une partie seulement des entreprises intéressées.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 223481

SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE

M. Peylet, Rapporteur

M. Piveteau, Commissaire du gouvernement

Séance du 28 mai 2001

Lecture du 15 juin 2001

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 juillet et 7 août 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE (S.I.A.S.S.T.), dont le siège est à la mairie de la Flotte-en-Ré (17630). représenté par son président en exercice ; le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 7 juillet 2000 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers, statuant en application de l’article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, a suspendu la passation de la convention de délégation du service public de l’assainissement lancée par le syndicat requérant et a enjoint à celui-ci de reprendre la procédure de passation de cette convention dans des conditions de mise en concurrence régulière ;

2°) de rejeter la requête présentée devant ce tribunal par la société SAUR ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Peylet, Conseiller d’Etat,

- les observations de Me Odent, avocat du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE, de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société SAUR et de la SCP Nicolay, de Lanouvelle, avocat de la société AGUR.

- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel en vigueur à la date de l’ordonnance attaquée

"Le président du tribunal administratif ou son délégué, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement (...). Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations (...). Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés" ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales : "Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l’autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d’Etat./ La collectivité publique dresse la liste des candidats admis à présenter une offre après examen de leurs garanties professionnelles et financières et de leur aptitude à assurer la continuité du service public et l’égalité des usagers devant le service public./ La collectivité adresse à chacun des candidats un document définissant les caractéristiques quantitatives et qualitatives des prestations ainsi que, s’il y a lieu. les conditions de tarification du service rendu à l’usager./ Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire" ; que selon l’article L. 1411-5 du même code : "Après décision sur le principe de la délégation, il est procédé à une publicité et à un recueil d’offres dans les conditions prévues aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 1411-1. Les plis contenant les offres sont ouverts par une commission (...). Au vu de l’avis de la commission, l’autorité habilitée à signer la convention saisit l’assemblée délibérante du choix de l’entreprise auquel elle a procédé (...)" ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’avant de mener librement avec les candidats des négociations à l’issue desquelles elle choisit le délégataire, l’autorité délégante est tenue de mettre en oeuvre une procédure de publicité et de recueil des offres des candidats ; que le respect du principe d’égalité entre les candidats qui découle de ces dispositions exige que, lorsque des négociations sont menées avec plusieurs entreprises à la suite de la remise des offres et que l’autorité délégante fixe à ces entreprises un délai de remise de nouvelles offres, elle est tenue aux mêmes exigences que lors de la procédure de publicité et de recueil des offres et, en particulier, ne peut légalement proroger ce nouveau délai pour une partie seulement des entreprises intéressées ;

Considérant qu’il résulte des pièces versées au dossier soumis au juge du référé précontractuel qu’après avoir lancé, en vue du renouvellement de la convention de délégation du service public de l’assainissement, la procédure de consultation exigée par les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales et fixé au 8 mars 2000 la date limite de remise des offres, le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE a poursuivi les négociations avec les deux sociétés SAUR et AGUR ; que, postérieurement à la date du 21 avril 2000 à laquelle lesdites sociétés ont, à la demande de l’autorité délégante, remis leurs offres définitives, cette dernière a, avant de clore les négociations le 12 mai 2000, demandé à la seule société AGUR de modifier son offre ; que le juge du référé précontracuel a fait une exacte application des principes susrappelés en jugeant qu’en procédant de la sorte, le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE avait méconnu l’égalité de traitement des candidats ;

Considérant que le contrôle exercé par le juge statuant en application des dispositions de l’article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, reprises à l’article L. 551-1 du code de justice administrative, ne peut porter sur les conséquences éventuelles de l’application des stipulations d’un autre contrat, dont l’exécution est en cours ; qu’ainsi, le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE ne peut utilement soutenir que l’exécution du contrat de délégation du service public de l’assainissement dont la société SAUR était antérieurement titulaire avait eu pour effet de conférer un avantage particulier à cette société ; que, dès lors. c’est à bon droit que le juge du référé précontractuel a estimé que ledit syndicat ne pouvait légalement, pour rétablir le principe d’égalité de traitement entre les candidats, inviter la seule société AGUR à lui faire parvenir une nouvelle offre postérieurement à la date, fixée par lui, de remise des propositions financières définitives des candidats ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE n’est pas fondé à demander l’annulation de l’ordonnance du 7 juillet 2000 par laquelle le président du tribunal administratif de Poitiers a suspendu la passation de la convention de délégation du service public de l’assainissement lancée par ce syndicat intercommunal et lui a enjoint de reprendre la procédure de passation de cette convention dans des conditions de mise en concurrence régulière

Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE à payer à la société SAUR la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que la société SAUR, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamnée à payer au SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE la somme qu’il demande à ce même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE est rejetée.

Article 2 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE est condamné à payer à la société SAUR la somme de 15 000 F en application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE SAINT-MARTIN-DE-RE ET LA FLOTTE-EN-RE, à la société SAUR, à la société AGUR et au ministre de l’intérieur.

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