Conseil d’Etat, 19 mars 2003, n° 237408, Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie c/ M. et Mme R.

Par frais de gérance il faut entendre les honoraires versés par un propriétaire qui ne gère pas lui-même sa propriété aux administrateurs de biens et gérants d’immeubles auxquels il en confie la gestion pour son compte, en contrepartie des prestations autres que celles correspondant aux frais de gestion qui lui sont refacturés. Les autres dépenses exposées par un propriétaire ou pour son compte pour l’administration de son bien entrent dans la catégorie des frais de gestion et sont, par suite, réputés pris en compte dans la déduction forfaitaire prévue par les dispositions du e) de l’article 31.I 1° du code général des impôts.

CONSEIL D’ETAT

Statuant au contentieux

N° 237408

MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
c/ M. et Mme R.

M. Quinqueton
Rapporteur

M. Bachelier
Commissaire du gouvernement

Séance du 19 février 2003
Lecture du 19 mars 2003

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d’Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 8ème et 3ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 8ème sous-section de la Section du contentieux

Vu le recours du MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE, enregistré le 20 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat ; le MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE demande au Conseil d’Etat d’annuler les articles 1 à 4 de l’arrêt du 19 juin 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, réformant le jugement du 16 octobre 1997 du tribunal administratif de Caen, a accordé à M. et Mme R. la réduction de la cotisation supplémentaire à l’impôt sur le revenu ainsi que des pénalités y afférentes auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 1992 dans les rôles de la commune de Manerbe (Calvados), et a condamné l’Etat à verser à M. et Mme R. la somme de 6 000 F au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique
- le rapport de M. Quinqueton, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Ricard, avocat de M. et Mme R.,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu’aux termes de l’article 31 du code général des impôts : "I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : a) les dépenses de réparation et d’entretien, les frais de gérance et de rémunération des gardes et concierges, effectivement supportés par le propriétaire (...) ; e) une déduction forfaitaire (...) représentant les frais de gestion, l’assurance et l’amortissement" ; que par frais de gérance il faut entendre les honoraires versés par un propriétaire qui ne gère pas lui-même sa propriété aux administrateurs de biens et gérants d’immeubles auxquels il en confie la gestion pour son compte, en contrepartie des prestations autres que celles correspondant aux frais de gestion qui lui sont refacturés ; que les autres dépenses exposées par un propriétaire ou pour son compte pour l’administration de son bien entrent dans la catégorie des frais de gestion et sont, par suite, réputés pris en compte dans la déduction forfaitaire prévue par les dispositions précitées du e) de l’article 31.I 1 ° du code général des impôts ;

Considérant qu’en jugeant que M. et Mme R., qui ont confié la gestion des appartements locatifs qu’ils possèdent à Caen, Lisieux et Grasse à des mandataires auxquels ils ont versé en 1992 des honoraires en rémunération de leurs prestations, ont pu à bon droit, par application des dispositions précitées, déduire pour leur montant réel les honoraires qu’ils ont ainsi effectivement supportés conformément aux mandats au motif que ces honoraires constituaient des frais de gérance, alors même qu’au sein des prestations ainsi rémunérées certaines constitueraient, si elles n’étaient pas confiées à des administrateurs de biens mais étaient assurées par le propriétaire lui-même, des frais de gestion couverts par la déduction forfaitaire prévue au e) de l’article 31-L1° du code général des impôts, la cour a commis une erreur de droit ; qu’il y a lieu, par suite, d’annuler les articles 1 à 4 de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruction, et notamment des mandats de gestion locative par lesquels M. et Mme R. ont confié aux cabinets Ollivier et Agence de Provence la gestion de leurs appartements, que les honoraires, justifiés dans leur principe et dans leur montant par les pièces produites, dont ils demandent la déduction aient compris la refacturation de frais de gestion, en sus de frais de gérance au sens des dispositions précitées de l’article 3 1.1. 1 ° du code général des impôts ; qu’il y a lieu de déterminer les charges de la propriété déductibles des revenus fonciers réalisés par M. et Mme R. en 1992 en tenant compte fane somme de 6 416 F au titre des frais de gérance ; que, par suite, ceux-ci sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande en décharge du supplément d’impôt sur le revenu auquel ils ont été assujettis au titre de l’année 1992 à raison de la réintégration de la somme précitée dans leurs revenus fonciers ;

Sur les conclusions de M. et Mme R. tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner l’Etat à payer à M. et Mme R. une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1 à 4 de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes en date du 19 juin 2001 sont annulés.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Caen en date du 16 octobre 1997 est annulé.

Article 3 : M. et Mme R. sont déchargés du supplément d’impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquels ils ont été assujettis au titre de l’année 1992, à raison de la réintégration dans leurs revenus fonciers d’une somme de 6 416 F.

Article 4 : L’Etat versera à M. et Mme R. une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L’ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE et à M. et Mme R.

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