Revirement : Si les dispositions de l’article L. 13 du LPF ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l’entreprise vérifiée, la vérification n’est toutefois pas nécessairement entachée d’irrégularité du seul fait qu’elle ne s’est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l’entreprise et que, d’un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l’entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d’engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l’entreprise vérifiée.
CONSEIL D’ETAT
Statuant au contentieux
N° 232841
M. et Mme M.
M. Hourdin
Rapporteur
M. Goulard
Commissaire du gouvernement
Séance du 7 février 2003
Lecture du 26 février 2003
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le Conseil d’Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)
Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril et 6 juillet 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. et Mme Jean M. ; M. et Mme M. demandent que le Conseil d’Etat :
1°) annule l’arrêt du 27 février 2001 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 23 octobre 1997 rejetant leur demande en décharge des impositions supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1988 ;
2°) leur accorde la décharge de ces impositions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
le rapport de M. Hourdin, Maître des Requêtes,
les observations de Me Choucroy, avocat de M. et Mme M.,
les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la SARL Compagnie des Graves, créée le 19 novembre 1986 par M. et Mme M. et Mlle Isabelle M. leur fille, qui en détiennent respectivement 10 et 90 pour cent du capital, exerce une activité de lotisseur-marchand de biens, sous le régime fiscal des sociétés de personnes ouvert aux SARL de famille par les dispositions combinées des articles 8 et 239 bis AA du code général des impôts ; que, du 27 juin au 24 novembre 1989, la société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 19 novembre 1986 et le 31 décembre 1988 ; qu’à l’issue de ces opérations de contrôle, l’administration a notamment remis en cause le bénéfice du régime prévu en faveur des entreprises nouvelles par l’article 44 quater du code général des impôts, dont la société s’était prévalue ; que M. et Mme M. se pourvoient contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux qui, confirmant le jugement du 23 octobre 1997 du tribunal administratif de Bordeaux, a rejeté leur demande en décharge des compléments d’impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1987 et 1988 ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 13 du livre des procédures fiscales : "Les agents de l’administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables" ; que si ces dispositions ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l’entreprise vérifiée, la vérification n’est toutefois pas nécessairement entachée d’irrégularité du seul fait qu’elle ne s’est pas déroulée dans ces locaux ; qu’il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l’entreprise et que, d’un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l’entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d’engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l’entreprise vérifiée ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 12 juin 1989, la SARL Compagnie des Graves a été destinataire d’un avis de vérification dont elle a accusé réception le 20 juin ; que, par lettre du 22 juin 1989, le gérant de la société a demandé que la vérification se déroule au cabinet de son expert-comptable ; que, le 27 juin suivant, une première réunion s’y est tenue entre le vérificateur et le gérant, accompagné de son épouse ; qu’il suit de là qu’après avoir relevé ces faits, la cour a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que la vérification de comptabilité diligentée à l’encontre de la société s’était déroulée dans des conditions régulières et qu’il appartenait aux requérants d’apporter la preuve que la société avait été privée des garanties ayant pour objet d’assurer aux contribuables des possibilités de débat oral et contradictoire avec le vérificateur ;
Considérant, en second lieu, qu’en application des dispositions combinées des articles 44 quinquies et 53 A du code général des impôts, le bénéfice de l’exonération accordée aux entreprises nouvelles par l’article 44 quater du même code est subordonné au dépôt de la déclaration dans le délai légal ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les déclarations des résultats des exercices clos les 31 décembre 1987 et 1988 ont été déposées par la SARL Compagnie des Graves postérieurement à l’expiration du délai légal de déclaration imparti par l’article 175 du code général des impôts ; que si, pour échapper aux conséquences de ce retard, les requérants ont invoqué, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la réponse ministérielle faite le 7 août 1989 à M. Kert, député, aux termes de laquelle "l’administration tiendra compte des circonstances particulières qui pourraient justifier des retards limités à quelques jours dans le dépôt des déclarations", ces recommandations ne précisent pas la nature des circonstances qu’elles mentionnent ; que, par suite, la cour n’a en tout état de cause pas commis d’erreur de droit en estimant que cette réponse ministérielle ne comportait aucune interprétation de la loi fiscale au sens et pour l’application de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales et ne pouvait, en conséquence, être utilement invoquée sur le fondement de ses dispositions ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que M. Mme M. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme M. est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Jean M. et au ministre de l’économie, des finances et de l’industrie.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1560