L’article 21-3° du décret du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales dispose que la jouissance de la pension est immédiate pour les agents du sexe féminin lorsqu’elles sont mères de trois enfants vivants. Le moyen tenant à ce que ledit article, en n’accordant la pension à jouissance immédiate qu’aux agents de sexe féminin à la seule condition qu’elles soient mères de trois enfants, en excluant cette possibilité pour les agents de sexe masculin pères de trois enfants, introduirait une discrimination de rémunération en fonction du sexe contraire aux dispositions de l’article 141 du Traité paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée.
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE TOULOUSE
N° 02/2889
M. Daniel F.
c/ Caisse des dépôts et consignations
Ordonnance du 21 octobre 2002
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
Le conseiller délégué statuant comme juge des référés,
Vu la requête, enregistrée le 30 septembre 2002 sous le numéro 02/2889, présentée par M. Daniel F. ; M. F. demande au juge du référé administratif de prononcer la suspension de la décision en date du 4 septembre 2002 par laquelle le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, a rejeté sa demande d’admission à la retraite avec jouissance immédiate à compter du 3 septembre 2003 pour avoir élevé trois enfants ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le dossier de la requête n° 02/2890 tendant à l’annulation de ladite décision, présentée par M. FEAU ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le Traité de Rome instituant la communauté économique européenne devenue la communauté européenne ;
Vu le décret n° 65-773 du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraites des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du 3 septembre 2001 par laquelle le président du tribunal administratif a délégué les pouvoirs qui lui attribués par le livre V dudit code ;
Après avoir entendu à l’audience publique du 17 octobre 2002 et dont les parties ont été régulièrement avisées :
le rapport de Mlle TORELLI, Premier Conseiller.
les observations de M. F. reprenant ses écritures ;
Considérant qu’aux tennes de l’article L.521-l du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision" ;
Sur l’urgence :
Considérant qu’eu égard aux délais de constitution des dossiers de pension de retraite, l’article 2 du décret susvisé du 9 septembre 1965 prescrivant notamment la présentation de la demande au moins six mois à l’avance, le refus opposé à la demande d’admission à la retraite avec jouissance immédiate de la pension opposée à M. F. est de nature à l’empêcher de bénéficier de cette possibilité à la date à laquelle il pourrait remplir les conditions légales pour l’obtenir, soit à compter du 3 septembre 2003 ; que cette situation justifie de l’accomplissement de la condition d’urgence posée par les dispositions précitées de l’article L.521-1 du code de justice administrative ;
Sur le sérieux des moyens invoqués ;
Considérant qu’aux termes de l’article 141 du Traité instituant la communauté européenne : "Chaque Etat membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur (...)" ; que par son arrêt du 29 novembre 2001, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé que les pensions versées à une catégorie particulière de travailleurs en rémunération des services qu’ils ont accomplis et en fonction du niveau, de la nature et de la durée de ces services, telles que les pensions de retraite versées aux fonctionnaires, entraient dans le champ d’application de l’article 119 du traité que l’article 141 a remplacé en reprenant des dispositions analogues ;
Considérant que l’article 21-3° du décret susvisé du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales dispose que la jouissance de la pension est immédiate pour les agents du sexe féminin lorsqu’elles sont mères de trois enfants vivants ; que le moyen tenant à ce que ledit article, en n’accordant la pension à jouissance immédiate qu’aux agents de sexe féminin à la seule condition qu’elles soient mères de trois enfants, en excluant cette possibilité pour les agents de sexe masculin pères de trois enfants, introduirait une discrimination de rémunération en fonction du sexe contraire aux dispositions précitées de l’article 141 du Traité paraît, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision contestée ;
Considérant dès lors que les deux conditions posées par l’article L.521-1 du code de justice administrative étant remplies, il y a lieu d’ordonner la suspension de la décision susvisée du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations en date du 4 septembre 2002 ;
O R D O N N E :
Article 1er : la décision du directeur général de la Caisse des dépôts et consignations en date du 4 septembre 2002 rejettant la demande de M. F. d’admission à la retraite avec jouissance immédiate à compter du 3 septembre 2003 est suspendue.
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Adresse originale : http://www.rajf.org/spip.php?article1416