Conclusions sous Conseil d’Etat, Section, 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes et Société Sud-Est Assainissement

Par Alain SEBAN
Maître des Requêtes au Conseil d’Etat

Le 1er janvier de cette année, le sursis à exécution est mort. L’avenir nous dira s’il faut regretter cette perte. En tout cas, pour nous en consoler, le législateur nous a donné, dans le cadre de la réforme des procédures d’urgence issue de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000.

Le 1er janvier de cette année, le sursis à exécution est mort. Il est vrai qu’il avait atteint un âge avancé : on le trouvait déjà mentionné à l’article 3 du décret du 22 juillet 1806, et la première décision de sursis dont nous ayons trouvé la trace est l’ordonnance du 9 septembre 1818 « Brochard de Champigny c. Lecouturier de Courcy » [1] dans laquelle d’ailleurs, avec cette simplicité des origines qu’on ne tarda pas à regretter, l’octroi du sursis était justifié par le simple fait que « si l’arrêté du préfet de l’Eure attaqué ne devait pas être confirmé, les rectifications, reconstructions ou suppression [des] ouvrages [autorisés] auraient causé un dommage et des frais inutiles  ». Peut-être le sursis n’avait-il dû cette longévité qu’au fait qu’il avait singulièrement ménagé ses forces : si l’on en croit M. Tourdias dans sa thèse sur Le sursis à exécution des décisions administratives vous n’en prononçâtes que 77 entre 1812 et 1953 ; encore plus de la moitié de ces décisions étaient-elles antérieures à 1850 [2].

L’avenir nous dira s’il faut regretter cette perte. En tout cas, pour nous en consoler, le législateur nous a donné, dans le cadre de la réforme des procédures d’urgence issue de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 [3], un « référé-suspension », ainsi défini à l’article L.521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.  »

L’article L.523-1 dispose que : « Les décisions rendues en application des articles L.521-1 […] sont rendues en dernier ressort.  » L’article R.523-1 (issu du décret n° 2000-1115 du 22 novembre 2000) confirme, conformément à la jurisprudence « d’Aillières » (CE, Ass., 7 février 1947, d’Aillières, Rec. p. 50, RDP 1947 p. 68 concl. du président Odent, note M. Waline, JCP 1947.II.3508 note G. Morange, GAJA 12e éd. n° 65 p. 397), qu’il faut comprendre cette disposition comme permettant de former un pourvoi en cassation devant le Conseil d’État, dès lors du moins que la décision n’émane pas du juge des référés du Conseil d’État. Cet article dispose en effet : « Le pourvoi en cassation contre les ordonnances rendues par le juge des référés en application [de l’] article L.521-1 […] est présenté dans les quinze jours de la notification qui en est faite en application de l’article R.522-12.  »

Les trois affaires portées à votre rôle sont au nombre des premiers pourvois en cassation formés contre des ordonnances rendues sur le fondement de l’article L.521-1. Le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, sous le n° 229.563, et la société Sud-Est Assainissement, sous le n° 229.721, se pourvoient en effet en cassation contre une ordonnance du 5 janvier 2001 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Nice a ordonné, à la demande de deux associations locales de protection de l’environnement et de deux particuliers, la suspension de l’exécution d’un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2000. Sous le n° 229.562, le ministre vous demande en outre d’ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de cette ordonnance. Des conclusions ayant le même objet sont également présentées par la société Sud-Est Assainissement

L’arrêté préfectoral en litige autorise, au titre de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, la société Sud-Est Assainissement à exploiter un centre de stockage de déchets ménagers et de déchets ultimes au lieu-dit « vallon de la Glacière » sur le territoire de la commune de Villeneuve-Loubet.

Pour mesurer l’enjeu de cette affaire, il suffit de se représenter la géographie du département des Alpes-Maritimes, au relief tourmenté, entre mer et montagne, parsemé de sites remarquables et de lieux de villégiature bien connus. Dans ce département, trouver des terrains où implanter des dépôts d’ordures relève presque de la quadrature du cercle. A telle enseigne que le département ne disposait que d’une seule décharge, au lieu-dit « Jas de Madame », également sur la commune de Villeneuve-Loubet. Lorsque cette décharge est arrivée au maximum de sa capacité et a dû être fermée, il a été envisagé que la décharge dite de « la Glacière » prenne le relais en permettant le stockage de 2,7 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés sur treize ans, essentiellement au profit d’une vingtaine de communes autour de Villeneuve-Loubet.

Le projet a cependant connu plusieurs péripéties. La nouvelle décharge avait été autorisée une première fois par arrêté préfectoral du 5 octobre 1999. Le tribunal administratif de Nice en ordonna le sursis à exécution le 14 février 2000, avant de l’annuler pour vice de forme le 12 mai 2000. La procédure ayant été reprise, une nouvelle autorisation fut délivrée par l’arrêté du 17 octobre 2000, suspendu par l’ordonnance attaquée.

Ces incidents contentieux intervenaient alors que l’administration préfectorale et la société Sud-Est Assainissement étaient engagées dans une véritable course de vitesse avec la commune de Villeneuve-Loubet. La décharge est en effet implantée au cœur d’un secteur classé en zone naturelle ND, où ce type d’activité est interdit, par le plan d’occupation des sols de la commune. Cette dernière s’était cependant laissé persuader de réserver, dans le plan approuvé le 25 juin 1993, un secteur NDd à vocation de décharge. La commune s’est ensuite ravisée et, en 1996, a mis en révision le plan d’occupation des sols. Le 13 juillet 2000, peu après l’annulation de la première autorisation, le conseil municipal approuvait le plan révisé et décidait d’en faire application anticipée. Or ce plan révisé prévoyait en particulier la suppression de la zone NDd et, par suite, l’interdiction de la décharge.

Le préfet des Alpes-Maritimes déférait immédiatement cette délibération au tribunal administratif de Nice, qui en prononçait le sursis à exécution par jugement du 17 octobre 2000. Le jour même, le préfet délivrait une nouvelle autorisation d’exploitation de la décharge qui commençait à fonctionner dès le début du mois de décembre 2000, car l’essentiel des travaux avaient été réalisés avant l’annulation du premier arrêté d’autorisation.

I. – Recevabilité des pourvois

1. Le pourvoi de l’État, d’abord introduit par le préfet des Alpes-Maritimes, a été régularisé par le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement. Dans la mesure où le pourvoi en cassation contre les ordonnances prises en application de l’article L.521-1 du code de justice administrative ne présente aucune particularité procédurale en dehors d’un délai abrégé, il ne nous semble guère douteux que les règles habituelles relatives à la représentation de l’État devant le Conseil d’État s’appliquent : il en résulte que le préfet n’était pas recevable à se pourvoir en cassation, mais également que la requête introduite par lui a pu être régularisée par le ministre intéressé (CE, Sect., 22 janvier 1932, Ministre des Travaux publics c/ Mahieu, Rec. p. 100 ; 9 février 1949, Préfet du Bas-Rhin, Rec. p. 62 ; Sect., 4 octobre 1957, Préfet des Bouches-du-Rhône, Rec. p. 509 ; Sect., 13 juillet 1965, Ministre de l’intérieur, Rec. p. 439 ; Sect., 13 octobre 1967, Préfet de la Corrèze, Rec. p. 370), cette régularisation pouvant intervenir même après l’expiration du délai de recours (CE, Ass., 5 janvier 1934, Ministre de l’intérieur c/ dame Bossler, Rec. p. 23 ; 8 février 1956, Préfet d’Eure-et-Loir, Rec. p. 61).

2. Le bénéficiaire d’une autorisation au titre de la législation des installations classées a la qualité de partie dans le contentieux de pleine juridiction engagé par un tiers contre cette autorisation en application de l’article 14 de la loi du 19 juillet 1976 (CE, Sect., 9 juin 1995, Époux Tchijakoff, Rec. p. 233, sol. impl.). Par conséquent, la société Sud-Est Assainissement est recevable à se pourvoir en cassation.

C’est donc à tort que le juge des référés a estimé que la société Sud-Est Assainissement n’avait pas été partie mais seulement appelée en la cause et n’avait dès lors pas la qualité de partie au sens de l’article L.761-1 du code de justice administrative et c’est, par suite, au prix d’une erreur de droit qu’il a refusé, par l’article 3 de son ordonnance, de la condamner à rembourser aux demandeurs les sommes exposées par eux et non comprises dans les dépens. Mais la société requérante est dépourvue d’intérêt à critiquer l’ordonnance qu’elle attaque, qui lui a donné satisfaction sur ce point, de sorte que son premier moyen devra être écarté, sauf à ce que son pourvoi soit accueilli sur le principal.

II. - La transformation du sursis à exécution en référé-suspension

Nous analyserons tout d’abord les principaux éléments de continuité ou d’innovation qui se présentent entre le sursis à exécution et le référé-suspension (II.). Nous chercherons ensuite à en déduire comment adapter en matière de référé-suspension les principes du contrôle de cassation que vous exerciez sur les jugements rendus en matière de sursis (III.). Nous nous efforcerons enfin de déduire de ces principes la solution des litiges soulevés par les pourvois (IV.).

A la lecture des dispositions de l’article L.521-1 du code de justice administrative, on voit immédiatement apparaître trois conditions auxquelles est subordonné le pouvoir du juge des référés d’accorder la suspension d’une décision administrative :

- une condition de recevabilité : la décision doit faire l’objet d’une requête en annulation ou en réformation ;

- deux conditions de fond : la mesure doit être justifiée par l’urgence ; il doit être « fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.  ».

La première condition se trouvait à l’identique dans le régime antérieur du sursis à exécution. Quant aux deux autres conditions, comme le souligne le président Vandermeeren [4], « en dépit des changements sémantiques  » elles « ne sont pas sans rappeler au lecteur averti les conditions de l’octroi du sursis  » :

- la condition d’urgence a remplacé celle du risque de conséquences difficilement réparables en cas d’exécution de la décision attaquée ;

- la condition concernant l’existence d’un moyen propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision répond à celle de l’existence d’un moyen sérieux, cette appréciation devant, dans les deux cas, s’effectuer « en l’état de l’instruction ».

1. Mais un quatrième aspect de la procédure de sursis à exécution se retrouve également dans celle du référé-suspension : il s’agit du pouvoir du juge de ne pas prononcer la mesure demandée alors même que les conditions en sont réunies, consacré par votre décision d’Assemblée du 13 février 1976 « Association de sauvegarde du quartier Notre-Dame » (Rec. p. 100, AJDA 1976 p. 302 chron. M. Nauwelaers et L. Fabius, D. 1977 p. 115 note A. Pellet, Rev. adm. 1976 p. 380 concl. du président Morisot, RDP 1976 p. 903 note R. Drago). Comme l’explicite la décision d’Assemblée du 2 juillet 1982 « Huglo et autres » (Rec. p. 257, AJDA 1982 p. 657 concl. J. Biancarelli, note B. Lukaszewicz, D. 1983 p. 327 note O. Dugrip, D. 1983 IR p. 270 obs. P. Delvolvé, Rev. adm. 1982 p. 627 note B. Pacteau) « le sursis à exécution n’est pour le juge qu’une simple faculté  ».

a) Ce pouvoir du juge était rattaché par votre décision de 1976 à l’utilisation du verbe « pouvoir » dans l’article 54 du décret du 30 juillet 1963 alors applicable ; ce même verbe se retrouve à l’article L.521-1 du code de justice administrative. Mais il ne s’en infère pas nécessairement qu’il faille transposer la même solution car on peut partager l’avis du professeur Chapus qui estime que votre décision de 1976 « for[ce] quelque peu le sens d’un verbe qui exprime plus certainement la détention d’un pouvoir que celle d’une faculté  » [5].

Cette faculté laissée au juge ne traduit-elle pas en effet l’idée que, parce qu’il permet de faire échec au caractère exécutoire des décisions administratives, « règle fondamentale du droit public  » selon la décision « Huglo et autres », « le sursis ne peut avoir qu’un caractère strictement exceptionnel  », pour citer les conclusions de M. le président Laurent sur la décision de Section du 1er octobre 1954 « Ministre des finances et des affaires économiques c. Crédit coopératif foncier » (publiées au Rec. p. 492) ? Et notre illustre prédécesseur de dresser un tableau peu engageant des conséquences de l’octroi du sursis : « l’autorité de l’administration sera battue en brèche, son action sera “énervée”, en même temps que le nécessaire prestige des ministres et des hauts fonctionnaires verra ternir son éclat.  »

On pourrait dès lors être tenté de s’interroger sur l’opportunité de maintenir une solution qui entachera inévitablement d’une certaine suspicion la nouvelle procédure du référé-suspension, alors qu’on espère qu’elle se développera à l’avenir.

b) Il n’est cependant pas permis d’hésiter sur le sens du verbe « pouvoir » dans l’article L.521-1 du code de justice administrative. Les travaux préparatoires de la loi du 30 juin 2000 démontrent que le législateur a voulu marquer, par l’utilisation de ce terme, que l’octroi de la suspension reste, pour le juge des référés, une faculté.

Il convient en effet de relever que lors de sa séance du 6 avril 2000, l’Assemblée nationale avait adopté en seconde lecture, sur avis favorable de sa Commission des lois, un amendement de M. Montebourg ayant pour effet de remplacer les mots « peut ordonner » par le mot « ordonne ». Selon le rapporteur du texte, M. Colcombet, il s’agissait « de faire en sorte que le juge des référés soit tenu d’ordonner la suspension alors que le projet de loi lui laisse la liberté de le faire ou non  » [6].

L’amendement adopté par l’Assemblée nationale malgré l’opposition du gouvernement [7] a été en définitive repoussé par la commission mixte paritaire, qui est revenue au texte initial du projet de loi.

c) Il est au demeurant indispensable de conserver au juge la faculté de ne pas ordonner la suspension alors que les conditions en sont réunies, car les préoccupations qui sous-tendaient la jurisprudence « Association du quartier Notre-Dame » conservent toute leur pertinence. En effet, cette jurisprudence ne dépend que de l’objet même de la procédure, et cet objet est le même qu’il s’agisse du sursis à exécution ou du référé-suspension.

Dans les deux cas il s’agit, nous citons ici les conclusions de M. le président Morisot sous la décision d’Assemblée du 13 février 1976, « d’éviter que l’on puisse mener à son terme une opération qui repose sur une décision illégale que le juge devra annuler. Le sursis s’impose si l’opération ne peut être achevée sans commettre une illégalité. Il n’est pas nécessaire dans le cas contraire.  »

Le juge peut ainsi user de sa faculté de ne pas ordonner le sursis – aujourd’hui la suspension – lorsqu’il lui apparaît que, malgré l’illégalité dont l’acte attaqué est entachée, il est néanmoins possible de mener à bien l’opération contestée. Tel est par exemple le cas lorsque l’illégalité relevée est un simple vice de forme, ou même lorsqu’un permis de construire est incompatible avec une réglementation d’urbanisme dont il apparaît avec une certitude raisonnable qu’elle va être modifiée afin de permettre la réalisation de la construction projetée (CE, Ass., 13 février 1976, Association de sauvegarde du quartier Notre-Dame à Versailles, préc. ; TA Nice, 21 mai 1992, Association pour la défense des sites de Théoule, Rec. T. p. 1218).

Il n’y a rien là que de parfaitement raisonnable, d’autant que ce pouvoir n’est que rarement utilisé. Comme le fait observer avec sagesse le professeur Chapus : « Mieux vaut que le juge dispose de cette liberté […] que de se trouver incité à refuser un sursis inopportun en affirmant inexactement que les conditions n’en sont pas réunies, troublant ainsi la compréhension de l’état du droit.  » [8]

d) C’est en réalité l’application erronée de la jurisprudence « Association de sauvegarde du quartier Notre-Dame » qui a été faite par quelques tribunaux administratifs qui justifie les critiques qu’on lui adresse parfois. Contrairement à ce qu’on entend dire, cette jurisprudence n’autorise pas le juge à statuer en opportunité, car, s’agissant par exemple d’un permis de construire, il ne saurait être question d’avantager le pétitionnaire qui s’est empressé de pousser les travaux plutôt que celui qui a attendu la décision du juge. Elle n’a pas non plus pour but la prise en considération de l’intérêt général de l’opération « car cet intérêt général ne vous dispensera pas d’annuler la décision lorsque l’affaire viendra en jugement devant vous quelques mois plus tard  » [9].

C’est pourquoi nous ne saurions approuver les jugements, d’ailleurs peu nombreux, qui, au nom de l’intérêt général, ont refusé d’ordonner le sursis à exécution par exemple d’un arrêté concernant le fonctionnement d’une centrale nucléaire « compte tenu des intérêts en présence  » (TA Strasbourg, 8 septembre 1986, Association pour la sauvegarde de la vallée de la Moselle, Rec. p. 318) ou d’une décision prescrivant la fermeture d’une clinique « en raison de l’insécurité résultant pour les malades de l’état actuel [de ses] installations  » (TA Caen, 22 janvier 1980, SA Clinique chirurgicale de l’Aigle, Rec. T. p. 837). Nous ne voyons pas très bien ce que serait cet intérêt général suffisamment impérieux pour s’opposer à l’octroi du sursis, mais pas assez pour empêcher l’annulation de la décision contestée, sous réserve, bien évidemment, du cas où il s’agirait de l’intérêt communautaire, puisqu’il faut bien réserver l’application de l’arrêt de la Cour de justice des communautés européennes du 21 février 1991 « Zückerfabrik Süderdithmarschen » (Rec. CJCE p. I-415, AJDA 1991 p. 237 note. Le Mire, DA 1991 n° 196 note Auby, LPA 5 juin 1991 p. 24 note Cartou et 23 août 1991 p. 14 note Sebastien). Et il serait étrange d’encourager l’administration à poursuivre l’exécution de décisions illégales, au risque d’avoir à dédommager les requérants en application de la jurisprudence issue de l’arrêt du Tribunal des conflits du 27 février 1903 « Zimmermann » (Rec. p. 180, S.1905.III.17 note Hauriou).

2. C’est en effet à un stade antérieur de son raisonnement que le juge de l’urgence doit prendre en compte les exigences de l’intérêt général : c’est au stade de la détermination même de l’urgence.

a) Déjà, dans le régime du sursis, la prise en considération de l’intérêt général n’était pas étrangère à l’appréciation du caractère difficilement réparable du préjudice. Non que, contrairement à ce qu’a soutenu une partie de la doctrine à la suite d’une savante étude du professeur Lavau publiée en 1950 à la Revue du Droit public  [10], l’intérêt général ait jamais été une des conditions d’octroi du sursis [11] : M. le président Laurent l’a démontré dans ses conclusions précitées sous votre décision de Section du 1er octobre 1954 [12], et le sursis était souvent accordé alors que les intérêts lésés étaient uniquement de nature privée.

Néanmoins, comme le souligne le professeur Chapus : « l’appréciation des conséquences qu’emporterait l’exécution de la décision [était] influencée par la considération des intérêts en présence  » [13]. Un préjudice difficilement réparable était plus aisément reconnu si la décision lésait un intérêt général, au-delà d’intérêts strictement privés. Par exemple, on refusait de considérer qu’une décision interdisant à un agent d’affaires l’exercice de sa profession causait un préjudice difficilement réparable (CE, Sect., 28 octobre 1977, Jungblut, Rec. p. 412, AJDA 1978 p. 167 concl. contraires du président Galabert) ; mais on l’admettait pour le refus de l’inscription au tableau de l’ordre d’un médecin, alors que – nonobstant la sagesse populaire pour qui nul n’est irremplaçable – l’exécution de ce refus aurait causé un trouble paraît-il irréparable au fonctionnement d’une clinique mutualiste (CE, Sect., 13 mai 1949, Rousset, Rec. p. 221) [14]. Et sans doute était-il plus facile de justifier d’un préjudice difficilement réparable causé par un permis de construire un bâtiment à usage privé, que par l’autorisation de réaliser un ouvrage public tel que le barrage de Malpasset, dont la démolition n’était pourtant guère envisageable (CE, 21 février 1958, Société des mines de Garrot, Rec. p. 122).

b) S’il est bien évident que le sursis à exécution n’avait pas pour but de protéger les intérêts de l’administration, mais ceux des requérants, il reste qu’il remettait en cause le privilège du préalable conféré dans l’intérêt général à des décisions administratives elles-mêmes réputées prises dans l’intérêt général : c’est pourquoi il n’était accordé que si l’atteinte aux intérêts privés était d’une extrême gravité, et c’est la raison pour laquelle il a conservé le caractère exceptionnel que l’on sait.

Puisqu’il est souhaitable aujourd’hui que le référé-suspension prenne son essor, il faut prendre garde que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets. La règle du caractère exécutoire des décisions administratives mérite aujourd’hui le même respect qu’hier : elle est bien de celles auxquelles, ainsi que Portalis le disait des lois, « il ne faut toucher que d’une main tremblante ». Aussi l’urgence ne peut-elle être reconnue avec légèreté : si tout est urgent, autant dire que les recours sont suspensifs ; si tel n’est pas le cas, c’est parce qu’à l’urgence de suspendre, s’oppose souvent l’urgence d’exécuter.

C’est pourquoi nous pensons que le juge du référé-suspension ne saurait se borner à apprécier du seul point de vue du demandeur la condition d’urgence, qui est substituée à celle du risque de conséquences difficilement réparables. Il doit prendre en compte l’ensemble des composantes de l’urgence. Car l’urgence n’est pas toujours, elle est même rarement, à sens unique. Pour ne prendre que des exemples que l’actualité a récemment illustrés, il est urgent pour les éleveurs d’envoyer à l’abattoir des vaches dont l’entretien coûte cher et qui immobilisent des capitaux importants. Mais le juge saisi de la décision de soumettre ces bêtes à des tests de dépistage de l’encéphalopathie spongiforme bovine peut-il ignorer l’urgence qu’il y a à empêcher la propagation de la maladie de Creuztfeld-Jacob ? Il y a urgence, pour la direction de telle clinique, à différer sa fermeture qui va perturber les soins dispensés aux malades et, peut-être, avoir des conséquences graves pour leur santé. Mais le juge peut-il ignorer l’urgence à prévenir les risques d’infections nosocomiales engendrés par des équipements vétustes ?

C’est l’office même du juge administratif de « concilier les droits de l’État avec les droits privés  », selon la belle formule de l’arrêt « Blanco » (TC, 8 février 1873, Blanco, Rec. 1er supplt. p. 61 concl. David). Si l’on n’apprécie l’urgence que du point de vue du demandeur, il serait naïf de croire qu’on va favoriser le développement du référé-suspension. Nous craignons qu’au contraire on ne le paralyse, compte tenu de l’énormité de conséquences devant lesquelles le juge des référés reculera avec juste raison.

Et puisque nous croyons comprendre que le référé-suspension est une sorte de retour aux sources du sursis à exécution, on nous permettra de rappeler que jusqu’en 1869, l’une des conditions d’octroi du sursis était l’absence d’urgence à exécuter la décision contestée (CE, 28 novembre 1821, Hall et autres, Rec. p. 535 ; 6 février 1822, Massis d’Ennezat, Rec. p. 123 ; 14 avril 1824, Gouin, Rec. p. 246 ; 11 novembre 1831, Coste et Parent, Rec. p. 435 ; 25 avril 1834, Compagnie Bouquet Crouzier, Rec. p. 260 ; 23 février 1850, Compagnie du Canal de Beaucaire, Rec. p. 200 ; 5 août 1869, Peyrieux, Rec. p. 738) ; les vieux auteurs parlaient à ce propos de « condition d’absence de péril en la demeure », et le Président de Cormenin, dans son traité de Droit administratif publié en 1840, donnait un modèle d’ordonnance de sursis à exécution ainsi rédigé : « Considérant qu’il n’y a pas péril en la demeure, et que l’exécution de l’arrêté attaqué causerait au requérant un préjudice irréparable si, par suite de la décision définitive, l’arrêté dont il s’agit n’était pas confirmé  » [15] ; cette formule pittoresque est effectivement utilisée par de nombreuses décisions (par exemple : CE, 31 juillet 1822, Muteau, Rec. p. 138 ; 7 juin 1826, Jars, Rec. p. 276 ; 21 juin 1826, Cugnon d’Alincourt, Rec. p. 302 ; 11 août 1833, Picot d’Agard, Rec. p. 448 ; 14 novembre 1834, Lecoq, Rec. p. 735).

c) Cette conception à la fois extensive et équilibrée nous semble au demeurant commandée par la substitution de la notion d’urgence à celle de conséquences difficilement réparables, et l’explicitation qu’en donne votre récente décision de Section du 19 janvier 2001 « Confédération nationale des radios libres » (n° 228.815, à paraître au recueil) : « la condition d’urgence […] doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre […] il appartient au juge des référés […] d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de [la décision] sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue  ».

Dans le régime du sursis, si le demandeur pouvait invoquer l’intérêt collectif au soutien du préjudice difficilement réparable, c’est par rapport à lui-même qu’il devait d’abord établir ce préjudice, comme le faisaient apparaître nombre de vos décisions (par exemple : CE, 19 juin 1968, Corrard, Rec. T. p. 1054 ; 8 juillet 1970, Schwetzoff, Rec. p. 475 ; 6 février 1981, Union départementale des Bouches-du-Rhône pour la sauvegarde de la nature, Rec. p. 70) [16]. Dans le régime de la suspension, au contraire, on place sur le même plan l’urgence affectant « la situation du requérant », ou encore celle « des personnes concernées », ou enfin « un intérêt public ». Dès lors que le requérant justifie d’un intérêt pour agir, il peut justifier l’urgence par tout moyen. Il est invité à ouvrir un large débat contentieux sur l’urgence.

Quant au défendeur, il n’est plus aussi étroitement tenu par l’argumentation du demandeur. Alors qu’il pouvait naguère se borner à discuter le caractère difficilement réparable des préjudices invoqués par le demandeur, il doit désormais prendre sa part d’une discussion globale sur l’urgence. Il peut chercher à établir qu’il n’y a pas urgence. Mais rien ne lui interdit non plus de chercher à démontrer qu’il y a une urgence en sens inverse de celle invoquée par le demandeur : l’un tentera d’établir l’urgence à suspendre ; l’autre l’urgence à exécuter, étant précisé que cette dernière ne se confond nullement avec l’intérêt général : il y a urgence, pour le bénéficiaire, à exécuter un permis de construire qu’il y a urgence, pour les voisins, à suspendre, mais l’intérêt général n’est directement intéressé ni dans un sens, ni dans l’autre.

En bref, ce n’est pas l’urgence pour tel ou tel que le juge des référés doit apprécier, c’est l’urgence de la situation. Il peut bien entendu suffire, pour l’écarter, de constater que les arguments du demandeur ne sont pas sérieux, et c’est la raison pour laquelle l’article L.522-3 du code de justice administrative permet de rejeter la demande pour défaut d’urgence au seul vu de la requête et sans procédure contradictoire. Mais ce n’est qu’au vu de l’ensemble des intérêts publics ou privés qui sont portés à sa connaissance, au vu d’une situation prise dans sa globalité que le juge pourra affirmer qu’il y a effectivement urgence. D’une appréciation subjective, il faut passer à une appréciation objective, « concrète », comme le précise votre décision précitée.

Nous nous séparons donc du président Vandermeeren lorsqu’il estime que, dans le cadre de cette nouvelle procédure, « il serait […] dangereux de renouer avec les tendances jurisprudentielles réticentes à l’octroi du sursis lorsque la décision en cause est prise dans un intérêt public et lèse seulement un intérêt matériel privé. » [17]. Il nous semble au contraire que, désormais, c’est incontestablement l’office du juge de peser les intérêts en présence, et cette innovation nous semble heureuse, étant entendu que le juge ne pourra statuer qu’au vu des arguments développés devant lui tant en demande qu’en défense : il n’aura pas à rechercher d’office les différents aspects susceptibles d’entrer en ligne de compte, ce qui serait assurément incompatible avec la rapidité de la procédure, poserait le problème du caractère contradictoire de celle-ci, et ferait du juge un véritable administrateur.

Tant en raison de ses nouveaux pouvoirs que du fait qu’il est seul, statue généralement sans contrôle d’un juge d’appel et, par vocation, à chaud, au cœur de la crise, le nouveau juge des référés sera observé de près. Ses décisions seront d’autant mieux acceptées et respectées qu’il démontrera avoir pris en compte l’ensemble des facteurs complexes qui entrent en ligne de compte pour donner à une situation un caractère d’urgence et, comme y invite l’aphorisme du droit romain qui figure au fronton de cette salle, rendu « suum cuique  » [18] (« à chacun son dû »).

3. Nous pourrons ne dire qu’un mot de la dernière condition mise à l’octroi de la suspension d’une décision administrative, qui tient au sérieux des moyens d’annulation. L’article L.521-1 du code de justice administrative ne fait en effet que donner une formulation différente à la condition similaire pour l’octroi du sursis à exécution : il s’agit d’inviter le juge à rompre avec sa pratique antérieure – particulièrement celle postérieure à la réforme de 1953 – en lui indiquant comment il paraît souhaitable que la notion de sérieux des moyens eût été entendue par la jurisprudence.

Le nouveau régime constitue, sur ce point, une sorte de réorientation du sursis à exécution, et non une innovation, comme le démontre le rapprochement entre la formulation de l’article L.521-1 du code de justice administrative et la définition du moyen sérieux dans le régime du sursis à exécution donnée par les auteurs des Grands arrêts de la jurisprudence administrative : « Par moyens sérieux, il faut entendre des moyens qui, en quelque sorte, sont, au premier examen, de nature à faire naître le doute dans l’esprit du juge  » [19].

III. - Le contrôle du juge de cassation sur les ordonnances de référé-suspension

Du sursis à exécution au référé suspension il y a, comme nous venons de le voir, une évolution plutôt qu’une révolution. Entre les conditions de l’un et celles de l’autre, entre les pouvoirs et les devoirs du juge dans l’une et l’autre des procédures, il existe des rapports d’homologie qui créent un air de proche parenté. Rien d’étonnant à cela puisque, conformément à la suggestion du groupe de travail du Conseil d’État sur les procédures d’urgence qu’a présidé le président Labetoulle, il s’est agi de rechercher « une nouvelle formulation des conditions d’octroi du sursis à exécution  » visant à « rompre avec la pratique restrictive des juridictions » [20]. Cette observation conduirait assez naturellement à exercer en cassation, sur les décisions de référé suspension, un contrôle assez similaire à celui que vous exerciez sur les décisions de sursis à exécution.

1. Les principes de ce contrôle sont suffisamment connus pour que nous puissions ne les rappeler que brièvement.

a) En cas d’octroi du sursis à exécution, les juges du fond devaient désigner le ou les moyens qu’ils regardaient comme sérieux (CE, Sect., 5 novembre 1993, Commune de Saint-Quay-Portrieux, Rec. p. 306, RFDA 1994 p. 43 concl. R. Schwartz, AJDA 1993 p. 844 chron. C. Maugüé et L. Touvet, LPA n° 35 23 mars 1994 p. 19 note P. Cadenat). Vous exerciez alors un contrôle d’erreur de droit, par exemple en vérifiant que les juges du fond ne s’étaient pas mépris sur les textes applicables, mais vous laissiez à leur appréciation souveraine, sous réserve de dénaturation, le caractère sérieux du moyen (CE, Sect., 5 novembre 1993, Ville de Strasbourg et S.C.I. du Marais, Rec. p. 307, RFDA 1994 p. 43 concl. R. Schwartz, AJDA 1993 p. 844 chron. C. Maugüé et L. Touvet, JCP G IV 1993 p. 112 obs. M.-C. Rouault).

b) En cas de rejet du sursis à exécution, les juges du fond pouvaient se limiter à une motivation stéréotypée selon laquelle il n’y a ni moyen sérieux en l’état de l’instruction, ni risque de conséquences difficilement réparables. Vous laissiez à leur appréciation souveraine tant l’absence de caractère sérieux des moyens, sous réserve d’une éventuelle erreur de droit (CE, Sect., 5 novembre 1993, Époux Péan, Rec. p. 308, RFDA 1994 p. 43 concl. R. Schwartz, AJDA 1993 p. 844 chron. C. Maugüé et L. Touvet), que l’absence de conséquences difficilement réparables (CE, Sect., 5 juillet 1991, Société de fait Couderc, Rec. p. 273, RFDA 1991 p. 942 concl. J. Gaeremynck ; 5 avril 1993, Launay, Rec. p. 97 ; Sect., 5 novembre 1993, SA immobilière de construction La Gauloise, Rec. p. 305).

2. Cette jurisprudence fournit une grille d’analyse précieuse au moment où vous devez fixer les principes de votre contrôle de cassation sur les décisions de référé suspension. Sa transposition pure et simple ne va cependant pas de soi, car il faut relever trois particularités du référé suspension par rapport au sursis à exécution.

a) Première particularité : les ordonnances de suspension ne sont susceptibles que d’un pourvoi en cassation, tandis qu’en matière de sursis à exécution, le juge de cassation intervenait dans le cadre d’une procédure à trois degrés.

b) Cette limitation des possibilités de recours – par la suppression de l’appel et par les caractères propres du contrôle de cassation – peut paraître d’autant plus audacieuse que, deuxième particularité, on se situe dans le cadre d’une procédure à juge unique dans laquelle les exigences de l’urgence conduisent à s’affranchir des garanties que représentent tant la collégialité que les conclusions du commissaire du gouvernement. Or si le rejet par ordonnance du sursis à exécution était possible depuis le décret du 28 août 1984 s’agissant du Conseil d’État et le décret du 25 juin 1990 s’agissant des tribunaux administratif, l’octroi du sursis à exécution par ordonnance demeurait exceptionnel tant dans les textes – malgré l’avancée réalisée en matière d’urbanisme par la loi du 9 février 1994 (article L.600-5 du code de l’urbanisme) – que dans la pratique.

b) Troisième particularité, enfin : en dépit de sa filiation avec le sursis à exécution, le référé suspension est une procédure nouvelle. Une procédure dont il faut certes souhaiter qu’elle se développe et remplisse mieux son office que ne l’avait fait le sursis à exécution. Mais aussi, une procédure qui comporte, en raison même de sa nouveauté, le risque de voir ici des juges se saisir de leurs nouveaux pouvoirs pour s’ériger en véritables administrateurs, et là d’autres juges, plus prudents ou plus frileux, rechercher le confort de la jurisprudence bien connue en matière de sursis à exécution. Or, n’est-ce pas le rôle du juge de cassation de fixer aux juges du fond des règles uniformes d’application de la loi nouvelle, afin d’éviter une application disparate et, par suite, inégalitaire ?

3. Dans ces conditions, il ne serait guère concevable – quelque souci que vous ayez de ne pas entraver les premiers pas du référé suspension – que vos exigences soient moindres que celles que vous avez posées en matière de sursis à exécution. Votre jurisprudence en la matière nous semble un minimum en deçà duquel il serait imprudent de descendre : il faut donc persister à demander aux juges du fond, lorsqu’ils accordent la suspension, de désigner le ou les moyens propres à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée ; et conserver sur ce point, au minimum, un contrôle d’erreur de droit et de dénaturation.

Si l’on part de là, vous disposez de quatre degrés de liberté pour renforcer votre contrôle de cassation : vous pouvez décider d’exercer un contrôle de qualification juridique tant sur l’urgence que sur le moyen jugé sérieux ; vous pouvez exiger une motivation renforcée sur chacun de ces deux points.

a) Faut-il étendre votre contrôle de qualification juridique pour tenir compte des particularités du référé-suspension par rapport au sursis à exécution ? Sur le plan de l’opportunité, ce serait donner aux juges des référés un signal inverse de l’orientation qui est celle de la réforme, et la perspective d’un contrôle approfondi du Conseil d’État risquerait de les conduire à renouer rapidement avec la longue tradition de retenue avec laquelle ils sont invités à rompre, dans la limite du raisonnable. De même, l’absence de nouvel examen du fond par une juridiction d’appel serait une bien curieuse justification d’un approfondissement du contrôle de cassation, comme si le juge de cassation devait être un ersatz du juge d’appel dont le législateur – après mûre réflexion – n’a pas voulu. Là encore, vous prendriez le risque d’apparaître comme cherchant à brider la réforme des procédures d’urgence, de manière d’autant plus paradoxale que vous l’avez vous-mêmes appelée de vos vœux. Vous prendriez en outre le risque, si cette réforme connaît la fortune qu’il faut lui souhaiter, de crouler bien vite sous des pourvois sur lesquels il n’est sans doute pas statué selon une procédure d’urgence, mais que vous aurez certainement à cœur de juger rapidement.

b) Aussi vos 5e et 7e sous-sections réunies viennent-elles de confirmer que la notion de moyen de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision est, comme celle de moyen sérieux, laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, sous réserve de la dénaturation et de l’erreur de droit (CE, 16 février 2001, Breucq, n° 229.246, à paraître au recueil). Cette décision concerne un pourvoi en cassation dirigé contre un refus d’ordonner la suspension, mais la même solution se transpose naturellement aux ordonnances de suspension, puisqu’en matière de sursis, le contrôle était identique selon que le sursis était ordonné ou refusé.

c) Nous pensons que, de la même manière, vous ne pourrez que refuser d’exercer un contrôle de qualification juridique sur la notion d’urgence. Celle-ci relève par excellence de ces « normes formulées en terme d’échelle de valeur de sens commun  », dont les président Massot et Fouquet et notre collègue Stahl montrent, dans leur ouvrage Le Conseil d’État, juge de cassation, que vous les laissez invariablement à l’appréciation souveraine des juges du fond. « L’urgence ne se définit pas, elle se constate et elle s’affirme  » disait M. le Président Grévisse dans ses conclusions sur la décision de Section du 14 mars 1958 « Secrétaire d’Etat à la Reconstruction et au logement c. Cts Hué » (publiées à l’AJDA 1958.II.188) et il poursuivait : « en matière de référé, l’urgence ne saurait être définie dans une formule abstraite, le juge doit la découvrir dans chaque cas particulier et son appréciation discrétionnaire ne peut être révisée en appel qu’avec circonspection pour ne pas gêner par une conception trop étroite le fonctionnement d’une des institutions les mieux adaptées aux nécessités d’une bonne justice.  »

D’ailleurs, vous avez déjà refusé de contrôler la question de savoir s’il existe une urgence justifiant que soit ordonnée, en référé, une mesure utile (CE, 17 janvier 1996, SARL « Le jardin des Pyrénées », Rec. T. p. 1133) aussi bien que la notion de « situation urgente » justifiant la fixation d’un délai abrégé à un entrepreneur pour se conformer aux dispositions d’un marché (CE, 7 octobre 1998, Crédit industriel et commercial de Paris, n° 150.655, qui sera mentionnée aux tables). Votre position est en parfaite harmonie avec celle de la Cour de cassation, qui laisse à l’appréciation souveraine du juge des référés la notion d’urgence (Soc., 25 mars 1965, Bull. civ. IV n° 268 ; Com., 16 novembre 1965, Bull. civ. III n° 579 ; Civ. 1ère, 19 avril 1967, JCP 1967 IV 5117 obs. J. A. ; 29 avril 1975, Bull. civ. I n° 127), et refuse également de contrôler la notion de situation urgente (Com., 24 juin 1986, Bull. civ. IV n° 145 p. 121).

d) Ajoutons que si quelques inquiétudes peuvent s’exprimer sur la manière dont le juge de l’urgence fera usage de ses nouveaux pouvoirs, nous pensons que le juge de cassation est à même de remplir son rôle régulateur sans qu’il lui soit nécessaire de renforcer son contrôle sur le fond.

D’une part, vous ne renoncerez bien évidemment pas à votre contrôle d’erreur de droit, qui vous permettra de censurer l’application d’un texte inapplicable, le choix d’un degré inadapté de contrôle de la qualification juridique des faits, le fait d’avoir relevé d’office un moyen qui n’est pas d’ordre public, le fait de n’avoir pas recherché si l’urgence persistait malgré l’achèvement des opérations, ou bien de n’avoir pris en considération que l’urgence invoquée par le demandeur, sans la confronter à celle alléguée par le défendeur.

D’autre part, s’il se produit dans les premiers temps quelques tâtonnements inévitables, le contrôle de dénaturation nous semble suffire à permettre de réparer les erreurs les plus choquantes. D’autant qu’il nous semble plus aisé de moduler dans le temps votre contrôle de dénaturation, en vous montrant peut-être un peu plus exigeants au départ, que d’abandonner un contrôle de qualification juridique au seul motif que l’application des dispositions nouvelles serait désormais correctement fixée. L’examen attentif de votre jurisprudence montre qu’une telle technique ne vous est pas étrangère, et que l’intensité de votre contrôle de dénaturation peut varier selon les matières : elle est particulièrement forte en ce qui concerne l’interprétation de stipulations contractuelles, alors qu’elle est plus réduite sur l’absence de détournement de pouvoir.

En outre, nous ne pouvons oublier que vous n’intervenez pas uniquement comme juge de cassation, mais que vous êtes vous-mêmes juges de l’urgence et que vous avez déjà commencé de fixer votre jurisprudence en la matière. Les juridictions administratives subordonnées témoignent, à l’égard de votre jurisprudence, d’une révérence qu’on leur reproche parfois, mais qu’on peut également préférer aux rébellions des juridictions de l’ordre judiciaires. Nous ne doutons pas que les juges des référés administratifs tiendront le plus grand compte des décisions que vous rendez dans votre propre fonction de juge des référés.

e) Les observations qui précédent laissent entière la question de la motivation qui doit être exigée du juge du référé-suspension. S’agissant, tout d’abord, du ou des moyens qui fondent la suspension, on ne saurait guère, nous l’avons dit, lui demander moins qu’au juge du sursis à exécution, c’est-à-dire de désigner le ou les moyens sérieux : c’est le minimum de motivation en deçà duquel il n’y a plus de motivation.

Puisque vous laissez le caractère sérieux du moyen à l’appréciation souveraine des juges du fond, une telle motivation est suffisante pour vous mettre à même d’exercer votre contrôle ; mais on pourrait en dire autant d’une absence totale de motivation. Or, si la motivation s’adresse au juge de cassation, elle s’adresse avant tout aux parties. Elle est la garantie que leurs arguments ont été analysés, compris, pesés, et que les pièces qu’elles ont versées au dossier ont été prises en considération. Dans cette perspective, on peut trouver souhaitable que la motivation soit d’autant plus développée que les parties ne pourront rouvrir le débat devant un juge d’appel. Compte tenu des pouvoirs du juge de l’urgence et des conditions dans lesquelles il intervient, il serait assez adéquat qu’il recoure à des motivations aussi développées qu’il est possible afin que les parties soient mieux éclairées sur les raisons qui l’ont déterminé et qu’elles puissent plus aisément revenir devant lui avec de nouveaux éléments pour tenter de le convaincre qu’il s’est trompé.

Mais il est difficile de tracer intellectuellement la frontière entre la simple désignation du moyen jugé suffisamment sérieux et cette motivation plus développée sans être cependant complète. Nous restons assez largement tributaires de la théorie du syllogisme judiciaire, héritée de Montesquieu et de Beccaria, qui veut que la motivation du juge se développe selon un syllogisme dont la prémisse majeure est la loi et la prémisse mineure les faits. Or ce schéma de raisonnement est mal adapté à l’exposé d’un doute sur le caractère sérieux d’un moyen, qui prendrait plus aisément la forme d’une « opinion » à l’anglo-saxonne. On ne peut donc guère aller au-delà de la formulation de la décision de Section du 20 décembre 2000 « Ouatah » (n° 206.745, à paraître au recueil), qui impose au juge de « mentionn[er] avec précision le ou les moyens qu’il a retenus », alors que dans votre décision « Commune de Saint-Quay Portrieux » précitée vous aviez simplement indiqué qu’il appartenait au juge « de désigner le moyen sur [lequel il] fond[e] sa décision ».

f) Rien ne s’oppose, en revanche, à ce que le juge motive sa décision de manière relativement développée en ce qui concerne l’urgence. Nous imaginons mal une urgence si grande qu’on ne puisse trouver le temps de la justifier en deux ou trois lignes. Cette motivation est d’autant plus nécessaire que, si vous nous suivez, c’est par le soin qu’il mettra dans son appréciation équilibrée de l’urgence que le juge des référés assoira sa légitimité. Elle nous semble nécessaire non seulement lorsque le juge admet l’urgence, mais également lorsqu’il l’écarte. Dans ce cas, en effet, l’article L.522-3 du code de justice administrative lui permet de rejeter la demande sans procédure contradictoire ni audience publique. Si l’ordonnance pouvait, de plus, ne pas être motivée, l’on ne serait pas loin du déni de justice.

IV. – L’application à l’espèce

Ces longues considérations générales auront au moins l’avantage de nous permettre de régler rapidement le litige qui fait l’objet des présents pourvois.

L’ordonnance contestée désigne avec une précision suffisante les trois moyens qui ont créé un doute sur la légalité de la décision attaquée dans l’esprit du juge des référés. Elle répond donc, sur ce point, aux exigences de motivation qui nous semblent s’imposer.

L’ordonnance expose, en réponse à l’argumentation des défendeurs, les raisons pour lesquelles le juge des référés ne juge pas utile d’user de son pouvoir de ne pas ordonner la suspension, ce qui n’était sans doute pas nécessaire s’agissant du refus d’user d’un pouvoir propre du juge, mais qui est certainement bienvenu. Une récente ordonnance du président de la section du contentieux écarte d’ailleurs explicitement une argumentation similaire (CE, juge des référés, 12 février 2001, Association France Nature Environnement et autres, n°s 229.797, 229.876, 230.036).

Enfin, l’ordonnance est brièvement motivée en ce qui concerne l’existence de l’urgence : elle relève que « eu égard à l’atteinte à un espace boisé classé et aux risques de pollution des nappes phréatiques, l’urgence justifie la suspension ». C’est sur ce point que la motivation de l’ordonnance laisse à désirer.

D’abord, les atteintes à l’environnement relevées par le juges des référés ne sont que très imparfaitement caractérisées par son ordonnance. Les pièces du dossier soumis au juge du fond démontrent qu’on n’est pas loin de la dénaturation, car le risque d’atteinte à un espace boisé classé semble en réalité inexistant, et ne procéder que d’une lecture erronée des plans et de l’arrêté d’autorisation, tandis que le risque de pollution de la nappe phréatique n’est en rien démontré, puisque les demandeurs soutenaient en réalité que c’était le pétitionnaire qui n’avait pas démontré l’efficacité et la fiabilité des mesures – réelles et importantes – qu’il avait prises en vue d’y obvier.

Ensuite, la motivation que nous avons citée laisse entièrement de côté l’intérêt public qui s’attachait à la poursuite du fonctionnement de la décharge. Or l’Etat faisait valoir, devant le juge des référés que la fermeture de la décharge était de nature à créer une « situation de péril pour l’intérêt général […] en l’absence de toute solution sérieuse de remplacement ».

Rappelons qu’à la date de l’ordonnance, l’installation fonctionnait depuis un mois environ et qu’une vingtaine de communes y envoyaient leurs déchets. Interrompre cette exploitation impliquait de trouver immédiatement une autre solution pour se débarrasser, chaque jour, de quelque 550 tonnes de déchets.

L’effet immédiat est que les communes des Alpes-Maritimes doivent envoyer leurs surplus d’ordures dans les Bouches-du-Rhône, de sorte que le coût de traitement est multiplié par deux, passant d’environ 450 francs par tonne à 900 francs par tonne. Soit un coût supplémentaire pour le contribuable évalué à près de 7,5 millions de francs par mois. Cet élément était en soi de nature à relativiser l’urgence, puisque celle-ci peut tenir à des considérations exclusivement financières, comme l’a admis votre décision du 19 janvier dernier « Confédération nationale des radios libres » (préc.).

Mais il apparaît en outre que la fermeture de la décharge de la Glacière posait elle-même des problèmes d’environnement. En particulier, devant le renchérissement du coût d’élimination des déchets, le risque de voir se multiplier les décharges sauvages était manifeste. Il semble d’ailleurs que, comme on pouvait s’y attendre, ce risque se soit réalisé et que, notamment, certaines entreprises du bâtiment, refusant de supporter le doublement des coûts d’enlèvement de leurs gravats, s’en débarrassent dans la nature. En outre, ce n’est qu’à titre provisoire que le département des Bouches-du-Rhône, qui connaît lui-même de graves difficultés dans ce domaine, a accepté d’accueillir les ordures du département des Alpes-Maritimes.

Cette affaire est ainsi une bonne illustration du type d’appréciation qu’implique le constat de l’urgence. En l’espèce, il est bien difficile d’affirmer qu’il y a urgence à suspendre le fonctionnement de la décharge en raison d’un risque tout à fait hypothétique d’atteinte à la nappe phréatique et à un espèce boisé classé, alors qu’existe un risque au moins aussi réel pour la santé publique en raison de l’accumulation de déchets dont l’élimination apparaît problématique.

Sur l’urgence, le raisonnement suivi par le juge des référés nous semble donc déséquilibré. Sans doute a-t-il cru pouvoir écarter l’argumentation de l’État, qui cherchait à établir qu’à l’urgence de suspendre s’opposait celle de poursuivre, en refusant de faire usage de son pouvoir de ne pas ordonner la suspension alors que les conditions en étaient réunies. Mais c’est au prix d’une première erreur de droit puisque, comme nous l’avons dit, ce pouvoir n’est pas conditionné par l’existence d’un intérêt général à l’exécution de la décision contestée mais par la nature des vices qui entachent sa légalité. Et c’est au prix d’une seconde erreur de droit que le juge des référés s’est abstenu d’examiner si l’urgence à suspendre n’était pas contrebalancée par l’urgence à poursuivre, ainsi qu’il lui incombait de le faire, si vous nous avez suivis, dès lors qu’il était saisi d’une argumentation en ce sens.

Vous prononcerez donc l’annulation de l’ordonnance attaquée, sans avoir à vous prononcer sur la question de savoir si le juge des référés a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en jugeant que trois des moyens articulés par les demandeurs étaient de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté d’autorisation. Indiquons brièvement que, sur ce point, le bien-fondé de l’ordonnance nous semble également sujet à caution. En effet, nous ne sommes pas parvenus à comprendre, au vu des pièces du dossier soumis au juge des référés, les raisons pour lesquelles il a craint que l’exploitation de la décharge empiète sur la zone ND du plan d’occupation des sols, où les décharges d’ordures sont interdites, alors qu’il nous semble au contraire suffisamment établi par les plans versés au dossier qu’elle se situe toute entière en zone NDd, où cette activité est autorisée.

Vous pourrez régler le litige par application de l’article L.821-2 du code de justice administrative.

Compte tenu des éléments que nous avons indiqués, vous pourrez, nous semble-t-il, estimer qu’à la date de votre décision, l’urgence à suspendre l’arrêté d’autorisation n’est pas démontrée.

Si vous nous suivez, vous ne pourrez allouer à l’association « Lei Granouie » et autres le bénéfice de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu de les condamner à verser à l’Etat et à la société Sud-Est Assainissement les sommes qu’ils réclament à ce titre.

PAR CES MOTIFS, nous concluons :

- à l’annulation de l’ordonnance en date du 18 janvier 2001 du juge des référés du tribunal administratif de Nice ;

- au rejet de la demande présentée par l’association « Lei Granouie » et autres devant le tribunal administratif de Nice et de l’ensemble des conclusions tendant au remboursement des frais exposés par les parties et non compris dans les dépens.


[1] J.B. Sirey, Recueil de jurisprudence du Conseil d’Etat, tome IV, p. 451

[2] Tourdias, Le sursis à exécution des décisions administratives, Paris, LGDJ, 1957, n° 277 p. 198

[3] sur ce texte : Roland Vandermeeren, « La réforme des procédures d’urgence devant le juge administratif », AJDA 2000 p. 706 ; Bernard Pacteau, « Vu de l’intérieur : la loi du 30 juin 2000, une réforme exemplaire », RFDA 2000 p. 959 ; Marjolaine Fouletier, « La loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives », RFDA 2000 p. 963

[4] Roland Vandermeeren, art. cit., AJDA 2000 p. 710

[5] René Chapus, Droit du contentieux administratif, 8e éd., p. 1284, § 1660 3°

[6] JO Débats AN 7 avril 2000 p. 3160

[7] en observant qu’elle était « contraire à la jurisprudence qui reconnaît au juge un minimum de pouvoir d’appréciation pour ordonner la suspension d’une décision et contestable au regard des jurisprudences convergentes des cours européennes, du Conseil constitutionnel et de nos juridictions suprêmes, qui suppriment les cas où le juge voit sa compétence liée par les textes en l’absence de toute appréciation sur les faits de l’espèce » (JO Débats AN 7 avril 2000 p. 3160)

[8] René Chapus, Op. cit., p. 1283, § 1660 2°

[9] concl. du président Morisot précitées

[10] Georges Lavau, « Du caractère non-suspensif des recours devant les tribunaux administratifs », RDP 1950 pp. 777-799 ; voir également : Jean-Paul Markus, « Sursis à exécution et intérêt général », AJDA 1996 pp. 251-263

[11] Deux décisions anciennes, mais dont la première est célèbre, avaient mis en avant, pour octroyer le sursis, l’atteinte « aux intérêts mêmes d’un service public » (CE, 23 novembre 1888, Sœurs hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Paris, Rec. p. 874, D.P. 1890.III.7 concl. du président Marguerie ; 28 décembre 1917, Dadolle, Rec. p. 883). Le tribunal administratif de Versailles avait même posé le principe que « l’intérêt général (…) doit constituer la condition déterminante de l’octroi du sursis » (TA Versailles, 8 mars 1954, Ferradou, D. 1954 p. 231 note C.G.), et cette thèse avait trouvé un écho dans les conclusions de M. Detton sur la décision du 17 juillet 1936 « Mouvement social des Croix de feu et autres » (publiées au D. 1937.III.7), dans celles de M. le Président Grévisse sur la décision de Section du 18 juin 1954 « Préfet du Var » (Rec. p. 365) et dans celles de M. Henry sur la décision de Section du 27 mars 1963 « Morel » (publiées à l’AJDA 1963 p. 497).

[12] voir également : AJDA 1954.II.420 note du président Braibant ; RDP 1955 p. 377 note Waline ; Tourdias, Op. cit., pp. 147 et s. ; Gleizal, « Le sursis à exécution des décisions administratives », AJDA 1975 p. 389 ; RDP 1976 p. 903, note Drago ; Odent, Cours de contentieux administratif, p. 1159 ; R. Denoix de Saint-Marc, « Les notions de préjudice difficilement réparable et de moyen sérieux », Gaz. Pal. 1985, 1 doctr. p. 126

[13] René Chapus, Op. cit., p. 1275, § 1652

[14] Dans le même ordre d’idées, la simple circonstance qu’il aurait été très difficile de démolir un bâtiment ne suffisait pas à faire regarder le préjudice comme difficilement réparable (CE, 19 juin 1968, Corrard, Rec. T. p. 1054 ; 8 juillet 1970, Schwetzoff, Rec. p. 475 ; voir concl. du président Braibant sur : CE, 12 décembre 1973, Dmes Robinet et Flandre, D. 1975 p. 216), mais l’appréciation était différente lorsque la construction portait atteinte à un site remarquable (CE, Sect., 27 juin 1930, Fenaille, Rec. p. 668 ; 13 juillet 1956, Société Rhône-Poulenc, Rec. p. 347, AJDA 1956.2.361 concl. du président Laurent ; Ass., 19 décembre 1975, Association pour la défense du marché Saint-Germain, AJDA 1976 p. 422 concl. du président Franc ; 12 mars 1986, Ministre de la culture c. Dame Cusenier et autres, Rec. T. p. 662, AJDA 1986 p. 258 concl. du président Massot).

[15] Cormenin, Droit administratif, tome I, p. 48

[16] Le préjudice difficilement réparable devait « être apprécié à l’égard du requérant », selon la formule de M. Dayras dans ses conclusions sur la décision d’Assemblée du 12 novembre 1938 « Chambre syndicale des constructeurs de moteurs d’avion » (publiées au D. 1939.III.12).

[17] Roland Vandermeeren, AJDA 2000 p. 711

[18] Cicéron, De Officiis, I, 5, 15

[19] M. Long, P. Weil, G. Braibant, B. Genevois, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative, Paris, Dalloz, 12e éd., p. 340

[20] RFDA 2000 p. 941

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Citation : Alain SEBAN, Conclusions sous Conseil d’Etat, Section, 28 février 2001, Préfet des Alpes-Maritimes et Société Sud-Est Assainissement, 3 novembre 2001, http://www.rajf.org/spip.php?article135

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